Intervention de Francis Delattre

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 17 novembre 2016 à 10h35
Loi de finances pour 2017 — Mission « santé » - examen du rapport spécial

Photo de Francis DelattreFrancis Delattre, rapporteur spécial :

La mission « Santé » comporte deux programmes, qui correspondent à deux grands types d'actions en matière sanitaire : le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » définit une politique de santé et regroupe les subventions de l'État aux opérateurs sanitaires ; le programme 183 « Protection maladie » est essentiellement consacré au financement de l'aide médicale d'État (AME). Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit plusieurs mesures de périmètre sur la mission « Santé », conduisant à la suppression de cofinancements entre l'État et la sécurité sociale. Toutefois, à périmètre constant, les crédits de la mission augmentent de 4,5 %, dans la même proportion qu'en 2016. Ils s'élèvent à 1 256 millions d'euros. La mission ne respecte pas plus que l'an dernier le plafond inscrit en loi de programmation des finances publiques pour la période 2014 à 2019. Elle le dépasse de 6,4 %.

La budgétisation pour 2017 consacre le pilotage effectué depuis quelques années, marqué par des évolutions divergentes des deux programmes. Les crédits du programme 204 ont ainsi diminué de 22 % depuis 2012, alors que les crédits du programme 183 ont progressé de 29 % depuis cette date. L'augmentation atteint même 39 % pour les crédits relatifs à l'AME.

Les nombreuses évolutions du périmètre de la mission ont accentué sa rigidité. Les subventions aux opérateurs sanitaires ainsi que les dépenses d'AME représentent 90 % des crédits de la mission. Ensemble composite et rigide, la mission « Santé » laisse peu de place à l'initiative parlementaire. C'est pourquoi il est indispensable d'assurer des travaux de contrôle. Après l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) l'an dernier, je me suis intéressé cette année à l'Institut national du cancer (INCa).

Ces opérateurs sont une nouvelle fois mis à contribution. Depuis 2013, la baisse de leurs subventions a atteint 12 %. Ce mouvement a permis d'inciter à la recherche de gains d'efficience et à l'utilisation de leurs réserves. Pour mutualiser leurs moyens, trois opérateurs ont été regroupés pour créer l'agence nationale de santé publique (ANSP) : l'Eprus, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) et l'Institut national de veille sanitaire (INVS). Le montant total des subventions pour charges de service public porté par le programme 204 s'élève à 345 millions d'euros. Les réserves de toutes les agences ont été asséchées.

Parmi les six opérateurs qui restent, cinq voient leur subvention diminuer : l'Agence de biomédecine, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l'École des hautes études en santé publique (EHESP), l'INCa et la nouvelle ANSP. Seule l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Ansés) enregistre une progression modérée de sa subvention.

Alors que les crédits d'AME augmentent, la dotation de l'INCa diminue de 1 % : dans la même mission, un programme voit ses crédits initiaux progresser de 10 %, quand l'autre, qui concerne la lutte contre le cancer, est passé au rabot. Cette stratégie pose question dès lors que la lutte contre le cancer se trouve à un carrefour.

L'autre programme concerne l'AME, qui recouvre, avec un budget de 814,9 millions d'euros, trois dispositifs distincts. Le budget de l'AME de droit commun, de 722 millions d'euros, représente 89 % du programme. Il est celui qui progresse le plus vite. L'AME de droit commun assure la couverture des soins de personnes étrangères en situation irrégulière résidant en France depuis plus de trois mois sans interruption et remplissant des conditions de ressources identiques à celles fixées pour l'attribution de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). Financièrement à la charge de l'État, l'AME de droit commun est gérée par l'assurance maladie.

L'AME pour soins urgents ne pose pas problème. Elle bénéficie d'une subvention de 40 millions d'euros, et concerne les urgences avérées : quand quelqu'un arrive à l'hôpital avec un couteau dans le dos, il est normal qu'on le soigne. Je me suis rendu dans deux hôpitaux de Seine-et-Marne : je peux vous parler de la situation dans les zones proches des aéroports.

L'AME humanitaire, enfin, à la discrétion du Gouvernement, représente un crédit de 2 à 4 millions d'euros.

L'AME qui pose problème est bien l'AME de droit commun. Fin 2015, 316 314 personnes étaient titulaires d'une attestation y donnant accès. Ce chiffre a régulièrement cru, de 4 % à 7 % selon les années. Les bénéficiaires sont souvent âgés de moins de 30 ans, et sont, à 57 %, des hommes. L'AME se transforme en dépense de guichet.

Certains demandent la suppression de l'AME. Nous avons réclamé à plusieurs reprises que des contrôles soient effectués, ainsi que de fixer une indemnité pour accéder aux documents permettant de bénéficier de la CMU. Cette proposition n'a pas été acceptée. Du coup, cette dépense progresse de plus de 10 %, ce qui pose un problème financier et un problème politique. La durée de résidence n'est pas opérante.

Nous avions déposé des amendements pour réduire les crédits de l'AME à 300 millions d'euros ou 400 millions d'euros, afin d'inciter à un recentrage du dispositif. Ils ont été rejetés, et la situation se dégrade. Encore aurons-nous certainement l'inscription de crédits supplémentaires au titre de l'AME en loi de finances rectificative ! Nous allons atteindre le milliard d'euros. Pouvons-nous continuer comme cela ?

Je vous propose donc de ne pas adopter les crédits de la mission « Santé », car ils reflètent des choix qui ne sont pas les nôtres. Pour nous, les agences doivent avoir des moyens.

Le 15 novembre, l'Assemblée nationale a voté un amendement du Gouvernement portant article additionnel instituant un mécanisme d'indemnisation pour les victimes de la Dépakine, ainsi qu'une majoration des crédits du programme 204 d'un montant de 10 millions d'euros. Chez la femme enceinte, cet antiépileptique peut entraîner de graves malformations du foetus. On estime à 14 000 le nombre de grossesses sous Dépakine entre 2007 et 2014. La responsabilité de l'État pourrait être engagée. J'approuve ce dispositif et vous propose d'adopter cet article additionnel.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion