L'avis budgétaire relatif à la politique des territoires porte sur deux des trois programmes de la mission « Politique des territoires » : le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et le programme 162 « Interventions territoriales de l'État ». Le troisième programme concerne la politique de la ville et ne relève pas de notre compétence. Cet avis intègre également le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale », ou « FACÉ ».
Commençons par l'élément le plus stable, le FACÉ. Les crédits demandés cette année sont identiques à ceux des années précédentes, soit 377 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP).
La ventilation des crédits entre actions évolue légèrement en 2017 : les ressources consacrées au renforcement des réseaux et à leur extension diminuent, au profit des actions de sécurisation. Je note par ailleurs que les difficultés d'exécution observées en 2014 se sont progressivement résorbées au cours de l'année 2015.
Plusieurs pistes d'amélioration du FACÉ ont été évoquées lors de mes auditions, notamment une plus grande flexibilité dans la consommation des crédits en vue de mieux adapter les travaux aux besoins locaux, et une extension du fonds à l'amélioration de la performance énergétique, comme par exemple pour le remplacement des lampes fluorescentes par des lampes LED pour l'éclairage public.
Ce sont des perspectives intéressantes pour moderniser cet outil historique, créé en 1936, qui demeure un modèle de péréquation au service de l'aménagement du territoire.
Les crédits de la mission « Politique des territoires » connaissent une évolution contrastée. Le total des deux programmes s'élève pour 2017 à 478,7 millions d'euros en AE et à 286,4 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 106 % et de 4 %. Un changement de périmètre, sur lequel je reviendrai, impose toutefois d'interpréter ces évolutions avec prudence.
Mais comme chaque année, je rappelle que les programmes que nous examinons représentent une fraction des crédits contribuant à la politique d'aménagement du territoire, évalués à 6,7 milliards d'euros en CP et apportés par une trentaine de programmes différents.
Le programme 162 « Interventions territoriales de l'Etat » est doté de 30,9 millions d'euros en AE et de 30,3 millions en CP, contre respectivement 22,1 et 25,9 millions d'euros en 2016. Après une baisse significative en 2016, les crédits retrouvent à peu près leur niveau de 2015. Le périmètre de ce programme est inchangé en 2017 : il finance toujours quatre plans d'action territorialisés.
Le plan qualité des eaux en Bretagne est désormais centré sur la lutte contre les algues vertes. Il dispose de 8 millions d'euros en AE et de 7 millions d'euros en CP. La majorité des crédits vient alimenter le volet préventif du plan de lutte contre les algues vertes. Un second plan doit être élaboré pour la période 2017-2020, avec une action curative renforcée en vue de soutenir le ramassage des algues.
Le programme exceptionnel d'investissement pour la Corse est doté de 19,4 millions d'euros en AE et en CP pour 2017, soit une hausse de 45 % en AE et de 14 % en CP. Cette augmentation est liée à la nécessaire accélération de la consommation des crédits pour respecter les échéances prévues par le programme, et à l'ajout d'un plan spécifique de soutien aux très petites entreprises. J'ajoute que la Corse bénéficie également de plus de 250 millions d'euros de dépenses fiscales.
Malgré l'atteinte de la majorité des objectifs, le plan gouvernemental pour le Marais poitevin se poursuit et ses crédits sont, comme en 2016, fixés à 1,4 million d'euros en AE et à 1,8 million en CP. Les priorités pour 2017 sont l'entretien du réseau hydraulique, le soutien de l'État à l'agriculture et la préservation des milieux naturels.
Enfin, la quatrième action finance le plan chlordécone en Guadeloupe et en Martinique, dont les crédits sont reconduits en 2017 à hauteur de 2,1 millions d'euros en AE et en CP. Une cartographie de l'état de contamination des sols, lancée début 2016 dans les deux territoires, se poursuivra en 2017. Des crédits seront également mobilisés pour financer des actions de surveillance des denrées alimentaires. Enfin, le plan continuera d'accompagner les professionnels impactés par cette pollution, agriculteurs et pêcheurs, par le développement de nouveaux modes de production ou par des reconversions.
Le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » est doté pour 2017 de 447,8 millions d'euros en AE et de 256,1 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 113 % et de 3 %. Cette trajectoire est liée à l'intégration des contrats de ruralité et d'une partie des crédits du pacte État-métropoles.
Si l'on raisonne à périmètre constant, c'est-à-dire en examinant les composantes stables de ce budget, c'est bien à une nouvelle érosion des moyens du programme que nous assistons, car les CP diminuent de 26 millions d'euros, tandis que les AE n'augmentent que de 2 millions.
S'agissant des deux changements de périmètre, j'évoquerai rapidement le pacte Etat-métropoles, qui est doté de 20 millions d'euros en AE et de 2,8 millions d'euros en CP. Il s'agit d'une fraction du financement de cette initiative, qui vise à soutenir le développement des métropoles. Je rappelle que les métropoles bénéficient déjà de bonifications pour certaines dotations budgétaires. À titre personnel, j'espère que cette initiative permettra de mieux diffuser la croissance, tout en rappelant que nombre de nos territoires ruraux sont éloignés de ces pôles urbains. Le développement territorial de notre pays ne saurait se résumer à la métropolisation.
Les contrats de ruralité constituent le second mécanisme contractuel nouveau du programme 112, financé à hauteur de 216 millions d'euros en AE et de 30 millions d'euros en CP.
En substance, il s'agit d'un contrat signé entre l'État et un pôle d'équilibre territorial et rural, ou un EPCI à fiscalité propre, visant à accompagner la mise en oeuvre d'un projet de territoire. Ce dispositif pourra associer les différents acteurs publics et privés concernés. La durée des contrats sera alignée sur celle des mandats municipaux.
Pour être éligible aux crédits du programme 112, chaque projet devra être transversal, en portant sur plusieurs thématiques d'intervention, comme l'accès aux services et aux soins, la revitalisation des bourgs-centres, l'attractivité des territoires, les mobilités ou encore la transition écologique. Par ailleurs, la priorité des contrats devra être l'investissement, avec la possibilité de soutenir une partie des dépenses d'ingénierie territoriale. Le contrat pourra également regrouper des crédits de droit commun, au titre de la DETR ou des contrats de plan Etat-région.
On ne peut s'empêcher de noter la grande proximité entre ce dispositif présenté par le Gouvernement, et celui prévu par la proposition de loi visant à instaurer des contrats territoriaux de développement rural, déposée par notre ancien collègue Pierre Jarlier, examinée par notre commission dont la rapporteure était notre collègue Annick Billon, et adoptée par le Sénat en première lecture en octobre 2015. Le Gouvernement s'y était alors opposé, jugeant l'instrument trop complexe.
Je ne suis pas défavorable au développement d'une approche partenariale et pluriannuelle en faveur d'un projet de territoire, car elle permet de respecter la liberté des acteurs locaux et de valoriser leur dynamisme. Au-delà des annonces, il faudra toutefois être attentif à la mise en oeuvre de cet outil au cours de l'année 2017 car son appropriation par les élus locaux sera largement conditionnée à la qualité de l'information et de l'accompagnement apportés par les services de l'État.
J'en viens aux autres éléments du programme 112. Premier constat : la fragilisation du soutien apporté au développement économique des territoires ruraux se poursuit en 2017.
Ainsi, la prime d'aménagement du territoire perd près de 5 millions d'euros en CP, tombant à 19 millions pour 2017. C'est regrettable, car il s'agit là d'un des derniers outils permettant de guider le développement des entreprises et la création d'emplois dans les territoires, avec des résultats avérés. Je ne vois pas comment la trajectoire à la baisse observée depuis 2014 pourrait se poursuivre sans remettre en cause l'existence de la prime.
Les crédits consacrés à la politique des pôles sont également en recul depuis plusieurs années. Les grappes d'entreprises et les pôles d'excellence rurale (PER), deux initiatives aux effets très positifs pour le développement local, sont en voie d'extinction. Les grappes d'entreprises ne sont plus soutenues par des crédits d'État, malgré la fragilité de certaines d'entre elles, et les PER seront seulement financés à hauteur de 15 millions d'euros en vue de couvrir les engagements des années précédentes.
Quant aux pôles de compétitivité, les crédits d'animation apportés par le programme 112 continuent de diminuer, avec 2,5 millions d'euros pour 2017. Les pôles ont fait l'objet de deux études en 2016, menées par le Gouvernement et par la Cour des comptes. Ces travaux convergent sur l'utilité de la politique lancée en 2004 et sur le rôle des pôles pour structurer le développement économique des territoires.
Plusieurs observations de ces études sont à relever : la difficulté à passer de « l'usine à projets » à « l'usine à produits », alors qu'il s'agissait d'une des principales orientations de la phase 3 lancée en 2013 ; l'affaiblissement du pilotage interministériel et stratégique ; et l'absence de délabellisations pour certains pôles.
Le Gouvernement a annoncé un transfert des crédits d'animation des pôles aux régions. Cette évolution est cohérente avec les nouvelles compétences des régions, mais j'espère que les crédits apportés par l'État aux pôles régionalisés seront préservés sur la durée. L'État ne peut pas vouloir garder la main sur cette politique nationale, y compris en matière de labellisation et de pilotage, sans maintenir sa participation financière.
Deuxième préoccupation : l'annonce par le Premier ministre de possibles délabellisations à l'issue de la phase 3. Il me semble impératif que les éventuelles décisions prises en la matière se fassent en étroite concertation avec les collectivités territoriales, compte tenu des effets sur l'attractivité et le développement des territoires concernés, surtout lorsqu'ils sont exposés à des fragilités structurelles.
S'agissant des contrats de plan État-région, l'année 2016 a été marquée par un processus d'ajustement suite aux dernières élections et au nouveau périmètre des régions. Sans permettre une véritable fusion des différents CPER au sein des nouvelles régions, cette révision a préservé les enveloppes sur lesquelles les parties prenantes s'étaient engagées en 2015. Pour financer les CPER en 2017, le programme 112 est doté de 130 millions d'euros en AE et 105 millions d'euros en CP.
En matière d'accessibilité, le Gouvernement a avancé à fin 2016 l'objectif de 1 000 maisons de services au public opérationnelles. Il y a un léger effort budgétaire en faveur de l'accessibilité aux services publics dans le budget, avec 8,3 millions d'euros contre 7,6 millions l'an passé. Le déploiement de ces maisons s'appuie sur la reconfiguration de 500 bureaux de poste. Début octobre, 360 maisons devaient encore être créées pour respecter l'objectif du Gouvernement, qui le juge « atteignable ». Là encore, il faudra dépasser les effets d'annonce, en assurant la pérennité économique de ces structures et leur attractivité pour les habitants sur la durée.
J'évoquerai plus rapidement les maisons de santé pluriprofessionnelles, non pas pour minorer l'importance cruciale de l'accès aux soins dans nos territoires, mais pour tenir compte de l'absence de crédits prévus par le programme 112 depuis l'année dernière pour financer ce dispositif, qui doit être désormais soutenu par la DETR et les CPER. Malheureusement, cela ne nous permet plus d'identifier clairement les moyens mobilisés dans le cadre du présent avis. Je note que le développement de ces maisons de santé reste assez hétérogène selon les régions, et que près de 54 % d'entre elles restent localisées dans des territoires urbains.
En matière de couverture numérique, l'accès aux réseaux mobiles avance lentement et le respect des échéances annoncées par le Gouvernement est très incertain. Je pense en particulier à la date du 31 décembre 2016, sur laquelle le Gouvernement a largement communiqué pour la fin des zones blanches 2G. En réalité, la grande majorité des communes concernées sont encore en attente d'un pylône pour accueillir les opérateurs. Quant à l'achèvement de la couverture en 3G des centres-bourgs, fixée au 30 juin 2017, le rythme de déploiement des opérateurs devra significativement s'accélérer pour tenir cet objectif. Enfin, une plateforme dite d'appel à problèmes, appelée « France Mobile » a récemment été mise en place pour recenser les lacunes de la couverture et identifier les solutions à mobiliser. La méthode est nouvelle et j'espère que sa mise en oeuvre ne sera pas synonyme d'une complexité supplémentaire et de délais rallongés pour les élus locaux.
Concernant les réseaux fixes, la couverture en très haut débit progresse inégalement selon les territoires. Le Gouvernement atteindra sans doute 50 % de la population nationale couverte en très haut débit fin 2016 mais ce résultat devra être jugé avec prudence car cette couverture bénéficie essentiellement aux zones urbaines, et s'appuie de manière minoritaire sur la fibre optique jusqu'à l'abonné, qui ne bénéficie encore qu'à 15 % de la population. La contribution des réseaux d'initiative publique s'accélère mais ils sont confrontés à de nouveaux défis, en particulier pour la commercialisation de services aux utilisateurs par les fournisseurs d'accès internet.
Je salue à cet égard la mobilisation de notre collègue Patrick Chaize lors de l'examen au Sénat du projet de loi pour une République numérique, qui a permis d'améliorer significativement les dispositions favorables à une accélération des déploiements fixes et mobiles.
Enfin, j'évoquerai l'évolution des moyens de fonctionnement du Commissariat général à l'égalité des territoires. Les crédits de personnel s'élèvent à 21 millions d'euros, soit une baisse de 8,6 % par rapport à 2016. Quant aux crédits de fonctionnement, hors personnel, ils seront de 8,5 millions en AE et de 11 millions en CP, soit une diminution respective de 32 % et de 13 %. Tous les services de l'Etat doivent contribuer aux efforts budgétaires, mais une telle contrainte ne saurait se poursuivre sans fragiliser significativement la seule administration centrale encore consacrée à l'aménagement du territoire.
En conclusion, mes chers collègues, je suis très partagé face au budget qui nous est présenté cette année. Les contrats de ruralité arrivent bien tardivement dans le quinquennat. En échelonnant les paiements sur plusieurs années tout en affichant un niveau élevé de moyens d'engagements dès 2017, le Gouvernement réalise une opération de communication habile, à destination de la ruralité.
En réalité, l'effort net pour 2017 se limite à 11 millions d'euros de CP supplémentaires. Je regrette qu'à l'inverse, plusieurs dispositifs dont l'utilité est avérée aient connu une érosion régulière de leurs crédits ces dernières années.
Je ne souhaite pas nier l'initiative nouvelle que représentent les contrats de ruralité, mais il est encore trop tôt pour juger de leurs effets. La contractualisation peut améliorer l'utilisation des crédits au service d'un projet local, mais à condition qu'elle soit mise en oeuvre de façon efficace.
Pour ces différentes raisons, je proposerai à la commission de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur le vote des crédits de cette mission.