Comment cela s’est-il passé précédemment, lorsque des gouvernements ont décidé d’augmenter la fiscalité sur le tabac ? Les hausses de prix ont-elles été automatiques ? Non, pour la bonne raison qu’il existe des ententes, des comportements et des « prix limite » : les fabricants savent bien que, au-delà d’un certain prix, il risque de se produire une baisse des achats ou un développement des circuits de contrefaçon.
Du fait de l’arrivée du paquet neutre, nous pensons que la concurrence entre fabricants jouera encore plus fortement. J’ai lu leurs communiqués et entendu leurs déclarations : ils annoncent qu’ils vont répercuter la hausse de la fiscalité sur le prix du tabac. Mais dans quelles proportions ?
D’aucuns parlent d’une augmentation extraordinaire. Or, en cas de répercussion intégrale, nous nous attendons à une hausse de 10 à 20 centimes d’euro par paquet, et même probablement moins. Compte tenu de la stabilité de la fiscalité pratiquée l’année dernière, nous assisterons à une progression normale.
Ne croyez pas qu’il s’agit pour nous d’une affaire de recettes pour le budget de l’État ! Qu’avons-nous constaté ? Lorsque les prix augmentent, la consommation légale diminue et les recettes stagnent, quand elles ne baissent pas. Puis il faut six mois ou un an pour retrouver une certaine croissance. Mais il faut aussi tenir compte des phénomènes démographiques et d’autres paramètres.
La constitutionnalité de la mesure et sa conformité au droit européen ont été évoquées. C’est une véritable question. Nous avons soumis cet article au Conseil d’État, dont l’avis peut laisser préjuger de celui du Conseil constitutionnel, sur lequel personne ici ne saurait avoir de certitude.
Nous avons tenu à introduire cet article dans le texte initial du projet de loi de financement de la sécurité sociale afin de nous contraindre à le soumettre au Conseil d’État, lequel n’a pas considéré qu’il était non conforme.
Vous dites que le distributeur agréé ne paie que 80 millions d’euros d’impôt sur les sociétés. Cela ne vous choque-t-il pas ? Hors taxes, il réalise en France au moins 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires ! S’il paie seulement 80 millions d’euros au titre de l’impôt sur les sociétés, c’est parce que les prix auxquels achète cette société, qui est la filiale de l’un des quatre grands producteurs mondiaux, sont fixés de telle sorte qu’elle fasse le moins possible de bénéfices dans notre pays.
Les fabricants ne sont pas plus bêtes que d’autres ! Étant aux deux bouts de la chaîne, ils fixent les prix de façon à ce que le bénéfice réalisé in fine en France soit le plus faible possible.
Nous avions eu d’autres idées, comme celle de taxer de façon plus significative les bénéfices du distributeur. Mais ceux-ci étant relativement bas par rapport au chiffre d’affaires, nous aurions mis en place systématiquement des taux que le Conseil constitutionnel aurait jugés, à juste titre, confiscatoires.
La mesure voulue par le Gouvernement a davantage pour objectif de lutter contre le montage fiscal permettant à des fabricants qui font un chiffre d’affaires extraordinaire en France de ne pas payer un radis d’impôt à l’État. Cette situation ne vous choque peut-être pas, mais, nous, elle nous choque !