Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à la suppression d’un article qu’il propose.
Je voudrais faire quelques remarques.
Les chiffres que j’ai précédemment indiqués étaient ceux des ventes dans le circuit légal, et non ceux de la consommation. Je veux les compléter en vous précisant que les ventes de tabac à rouler ont crû en volume de 5, 6 % en 2015 et de 2, 5 % sur les huit premiers mois de 2016. On ne peut que constater cette hausse. Depuis 1990, les volumes de tabac à rouler – toujours dans le circuit légal – ont augmenté de 84 % ; pour les cigarettes, ils ont diminué de moitié – sur dix ans, la baisse a été de 35 %.
Or, comme l’a dit le rapporteur général, le tabac à rouler est la porte d’entrée des jeunes dans le tabagisme. Pourquoi ? Parce que la fiscalité n’est pas la même : elle est plus faible pour le tabac à rouler que pour les cigarettes. Je vous rappelle que nous avons déjà aligné les fiscalités des cigarettes et des cigarillos. Nous vous proposons de faire de même pour le tabac à rouler.
Vous avez largement évoqué la question des buralistes. Au moment de l’instauration du paquet neutre, il y a deux ans, je me suis rendu au congrès de la Confédération des buralistes de France, comme il est de tradition pour le secrétaire d’État chargé du budget. J’avais été informé par son président que les 500 personnes présentes dans la salle porteraient toutes le masque du film Scream. Elles m’ont accueilli dans un silence de mort – je peux vous assurer que cela fait un drôle d’effet. C’était pour me montrer l’impact du paquet neutre, c’est-à-dire la reproduction d’une chose à l’identique. J’ai fait mon discours dans une ambiance glaciale, puis les buralistes ont retiré leurs masques pour la séance de questions-réponses. J’ai ensuite quitté la salle dans des conditions assez difficiles…
Pour des raisons d’agenda et de circonstances, je ne me suis pas rendu à ce congrès en 2015. Cette année, j’y suis allé : j’ai été applaudi pendant trente secondes par une salle debout lorsque je suis entré et pendant une minute lorsque je suis sorti. Pourquoi ? Parce que nous avions travaillé entre-temps avec la Confédération des buralistes en jouant cartes sur table : nous avions annoncé notre volonté d’augmenter la fiscalité sur le tabac à rouler – les buralistes sont par principe opposés aux augmentations de fiscalité – et les raisons pour lesquelles nous allions le faire.
Nous avons évoqué la taxe que vous avez supprimée à l’article précédent et le risque qu’elle induise une hausse des prix de 10 à 15 centimes d’euro. Pour eux, ce risque n’existe pas, car ils font le pari – ils ont utilisé ce mot, c’est pourquoi je l’ai repris – que les fabricants ne voudront pas dépasser le prix de 7 euros pour le paquet « lambda » de cigarettes.
Nous avons aussi réfléchi à la diversification de leur activité et à leur survie, si j’ose dire. Il faut savoir que les recettes des buralistes augmentent sensiblement en moyenne, mais leur effectif diminue – l’un expliquant l’autre d’ailleurs. Or chacun s’accorde à reconnaître le rôle que jouent les buralistes dans l’aménagement du territoire : dans certains villages, le bureau de tabac est souvent le dernier commerce.
Nous avons donc travaillé en partant du contrat d’avenir en vigueur, lequel est, je le rappelle, contesté par la Cour des comptes, qui juge le dispositif scandaleux – elle ne dit pas toujours que des bêtises ou des vérités… –, et par l’Inspection générale des finances, qui le qualifie de « gabegie ». Nous nous sommes basés sur quelques principes : recentrer les aides vers les secteurs en difficulté – zones frontalières, zones rurales en voie de désertification – ; éviter les effets d’aubaine ; aider à la modernisation et à la diversification. Nous avons mis un certain nombre d’aides – pas toutes – sous enveloppe annuelle, de façon à permettre une maîtrise collective de la dépense. Nous avons également travaillé à la question de la rémunération. C’est le point que tout le monde a retenu, cette prime annuelle maximum de 2 000 euros pour des opérations de modernisation. En matière de diversification, nous avons travaillé sur le compte-nickel, les services au public – je pense à La Poste –, les relais colis, la Française des jeux – un appoint parfois très important pour certains buralistes. Nous sommes parvenus à un accord, qui est évidemment le résultat d’un compromis.
Par principe, les buralistes sont, je le redis, farouchement vent debout contre les hausses de fiscalité. Cette fois-ci, ils ont estimé que les propositions du Gouvernement, à la fois sur le tabac à rouler et sur la taxe prévue à l’article 16, étaient supportables, d’autant que, les deux années précédentes, aucune hausse de la fiscalité n’était, me semble-t-il, intervenue, en raison notamment de la mise en place du paquet neutre. Les relations se sont donc apaisées, même si tout n’est pas parfait. En tout cas, nous avons atteint un bon équilibre.
Voilà ce que je voulais dire pour répondre à un certain nombre de vos remarques, mesdames, messieurs les sénateurs.