Intervention de Michel Charasse

Réunion du 29 janvier 2008 à 22h00
Titre xv de la constitution — Article 1er, amendements 3 4 1 2

Photo de Michel CharasseMichel Charasse :

Madame le président, la présentation de l'amendement n° 3 vaudra également pour l'amendement n° 4, puisqu'ils ont le même objet et le même dispositif qui concernent les articles 1er et 2 du projet de loi constitutionnelle.

Le Conseil constitutionnel, les 19 novembre 2004 sur le précédent traité repoussé par le peuple et le 20 décembre dernier sur le traité de Lisbonne, a estimé que, dans la mesure où le traité sera loyalement et strictement appliqué conformément à son texte même, éclairé notamment par les explications du présidium de la Convention de 2004, les principes de la République française ne seront pas remis en cause et ne sont pas susceptibles de l'être.

Les dispositions, pour prendre quelques exemples, qui reconnaissent le communautarisme à travers les minorités et les églises - je parle notamment de la charte des droits - et qui suppriment toute limite et condition à la pratique des cultes, ne peuvent comporter, selon le Conseil constitutionnel, aucune incidence pour la République française laïque et indivisible.

Le Conseil, sur ce point, n'a donc pas recommandé de révision : au demeurant, une révision aurait été impossible, puisqu'il s'agit de l'essence même de la République et que l'article 89 de la Constitution interdit de réviser la République.

Malgré les réserves exprimées par le Conseil constitutionnel et les conclusions qu'il en tire, qui sont plutôt rassurantes, la République n'est, hélas ! pourtant pas à l'abri de toute atteinte. Si l'on peut raisonnablement penser que les responsables européens qui siègent dans les institutions de l'Union européenne respecteront les principes de la République française, personne ne peut dire ce que feront les juges de Luxembourg ou ceux de Strasbourg compétents en ce qui concerne la Convention européenne des droits de l'homme. On les connaît peu ou pas attachés à la République française exception en Europe, et on peut dire qu'ils y sont même plutôt franchement opposés ; ils ne sont pas toujours très laïques, tant s'en faut, ils sont souvent communautaristes, bref, j'en passe et des meilleures !

Il est donc tout à fait nécessaire, pour éviter de se trouver un jour dans une situation qui constituerait un « vice de consentement » puisque nous aurions approuvé naïvement une révision constitutionnelle, puis un traité - la semaine prochaine - censé être conforme à la Constitution - et une juridiction européenne dirait plus tard subitement le contraire - et pour ne pas avoir à appliquer des règles non approuvées par le peuple français ou ses représentants, de préciser que, en ce qui la concerne, la France ne peut participer à l'Union européenne et adhérer au nouveau traité que dans les conditions et limites posées par les décisions du Conseil constitutionnel du 19 novembre 2004 et du 20 décembre 2007.

C'est ce qu'on appelle une réserve d'interprétation. Je propose d'inscrire cette réserve d'interprétation dans la Constitution et de préciser que le traité s'applique sous toutes les réserves émises par le Conseil constitutionnel et dans le cadre strict de la présente révision que ne porte aucune atteinte à la République.

Je signale au passage à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes qu'il y a peu de temps le président du groupe libéral du Parlement européen, qui est un Anglais, a de nouveau dit que, une fois le traité voté, la laïcité en France et la loi sur le voile disparaîtraient puisqu'elles ne seraient plus conformes au traité. C'est vous dire dans quel état d'esprit se trouvent ceux qui rêvent de « tordre le cou » à ce qui fait l'originalité de République à la française.

Donc, cette réserve d'interprétation, je propose de l'ajouter à la Constitution, pour que nous soyons garantis de tous côtés contre quelque raid que ce soit contre la République.

J'avais fait exactement la même proposition lorsque nous avons examiné le traité de 2005, finalement repoussé par le peuple français. À l'époque, monsieur le secrétaire d'État, votre prédécesseur m'avait dit : « La France visera la décision du Conseil Constitutionnel, le moment venu, dans le projet de ratification ». Je crois que c'était M. Barnier et l'on peut évidemment retrouver ses déclarations au Journal officiel.

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