Intervention de Jean-Pierre Jouyet

Réunion du 29 janvier 2008 à 22h00
Titre xv de la constitution — Article 1er, amendements 8 2 42

Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État :

Je vous en remercie, monsieur le sénateur !

Quoi qu'il en soit, il ne nous paraît pas nécessaire, dans ces conditions, d'insérer une réserve d'interprétation résultant des décisions du Conseil constitutionnel ni de prévoir dans la Constitution que tout acte européen qui méconnaîtrait les décisions du Conseil constitutionnel serait nul et de nul effet à l'égard de la France.

Pour ces raisons, je souhaiterais que M. Charasse puisse retirer son amendement. À défaut, nous préconiserions son rejet.

En ce qui concerne l'amendement n° 8, il n'a pas, en soi, de lien direct avec le projet de loi constitutionnelle ni avec le traité de Lisbonne, comme l'a remarqué M. Gélard. L'obligation d'appliquer les dispositions du deuxième alinéa du paragraphe 2 de l'article 42 du traité sur l'Union européenne n'est pas une nouveauté introduite dans le cadre du traité de Lisbonne, puisque ces dispositions sont issues du traité de Nice : aucune modification n'est intervenue.

Sur le plan politique et sur le plan opérationnel, je dirai, pour être complet, que la politique européenne de sécurité et de défense s'est construite de façon non contradictoire avec l'OTAN. Cela est normal, puisque vingt et un des États membres de l'Union européenne sont également membres de l'OTAN. La France exerce d'ailleurs actuellement, dans le cadre de cette organisation, le commandement de la KFOR au Kosovo. Des arrangements entre les deux organisations garantissent l'autonomie de décision pour chacune d'entre elles.

Pour ces raisons de fond, nous ne sommes pas favorables à cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 10, il nous paraît quelque peu contradictoire avec l'amendement précédent, car pour construire une Europe de la défense garantissant une autonomie de son action et la paix sur le continent européen, il est indispensable que les États membres accroissent leur capacité militaire. L'Union européenne s'est dotée d'une capacité opérationnelle autonome, à la fois civile et militaire, ce qu'illustrent les opérations qui ont été conduites dans les Balkans, au Moyen-Orient, en Afrique et en Afghanistan.

C'est également dans ce cadre que le Conseil des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne a décidé hier le lancement d'une nouvelle opération de sauvetage et de stabilisation dans le contexte de la crise au Darfour, afin de protéger les populations civiles.

Comme vous le savez, le traité prévoit la mise en place d'une coopération structurée, élargit les missions de l'Union européenne, notamment en matière de désarmement, de prévention des conflits et de stabilisation à la fin de ces conflits.

Ces mesures ne pourront être prises sans notre consentement, puisque le traité prévoit qu'elles devront l'être à l'unanimité.

Par conséquent, nous ne sommes pas favorables à cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 12, les dispositions en cause visent à permettre au Conseil européen, composé des chefs d'État et de gouvernement, d'autoriser le Conseil à statuer à la majorité qualifiée au lieu de l'unanimité. Cette autorisation devra être donnée à l'unanimité. Elle ne pourra pas concerner les décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense.

Le Conseil européen pourra, de la même manière, décider d'adopter la procédure législative ordinaire, qui repose sur la règle de la majorité qualifiée, au lieu d'une procédure spéciale.

Enfin, comme l'a souligné M. Gélard, il suffira de l'opposition d'un parlement national, exprimée dans un délai de six mois après la transmission des initiatives qui seront prises en la matière par le Conseil européen, pour faire obstacle à la décision. Compte tenu de cette garantie forte offerte aux parlements nationaux, ce mécanisme ne saurait être considéré comme méconnaissant l'article 3 de la Constitution.

En conséquence, le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 14 relatif à l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et aux services publics, il prévoit que les règles de concurrence ne s'appliqueront aux entreprises chargées de la gestion des services d'intérêt économique général que dans la mesure où elles ne feront pas échec à l'accomplissement de leurs missions.

Vous savez, madame Borvo, que l'article 345 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que les traités n'ont pas à préjuger le régime de propriété des entreprises dans les États membres. Comme l'a également souligné le rapporteur de la commission des lois, il y a, dans le traité de Lisbonne, une innovation concernant le protocole sur les services publics, selon laquelle les dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des États membres pour fournir, faire exécuter et organiser des services non économiques d'intérêt général.

Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 16, j'indiquerai que l'indépendance de la Banque centrale européenne ne constitue pas une nouveauté introduite par le biais du traité de Lisbonne, puisque l'article 108 du traité instituant la Communauté européenne définit et encadre cette indépendance. Ce principe n'est en rien contraire à la Constitution. Le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion, dans le cadre de l'examen d'autres traités, de statuer sur ce point.

À mon sens, le traité de Lisbonne consacre plutôt, dans ce domaine, une avancée, puisqu'il reconnaît l'existence de l'Eurogroupe et le dote d'une présidence stable. Il permettra aux États de la zone euro de prendre seuls les décisions qui les concernent directement. Enfin, il tend à renforcer la visibilité internationale de la zone euro, notamment dans ses relations avec ses principaux partenaires sur le plan monétaire : les États-Unis, la Chine et le Japon.

Pour ces raisons, à défaut d'un retrait de cet amendement, nous émettrons un avis défavorable.

Enfin, en ce qui concerne l'amendement n° 18, il ne nous paraît pas utile, outre les raisons de fond qui ont été évoquées par M. Gélard, puisque le Conseil constitutionnel n'a pas considéré que le nouveau préambule du traité sur l'Union européenne était contraire à la Constitution, en particulier au principe de laïcité, qui figure à son article 1er.

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