Intervention de Éric Doligé

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 décembre 2015 à 9h30
Approbation de l'avenant à la convention du 21 juillet 1959 entre la république française et la république fédérale d'allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi qu'en matière de contribution des patentes et de contributions foncières modifiée par les avenants des 9 juin 1969 28 septembre 1989 et 20 décembre 2001 — Examen du rapport

Photo de Éric DoligéÉric Doligé, rapporteur :

Le quatrième avenant à la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 a été signé à Berlin le 31 mars 2015, à l'occasion du conseil des ministres franco-allemand, par Michel Sapin, et son homologue allemand, Wolfgang Schaüble. Nos partenaires allemands l'ayant ratifié le 9 novembre, il ne manque donc plus que notre vote pour qu'il entre en vigueur.

Ce texte règle la question des retraités résidents de France qui, depuis 2009, doivent payer un impôt sur leurs pensions de retraite de source allemande. Nos collègues représentant les Français établis hors de France ont été sensibilisés à cette question.

Conformément aux principes du modèle de convention fiscale de l'OCDE, la plupart des conventions fiscales ratifiées par la France prévoient une imposition par l'État de résidence des pensions versées au titre des assurances sociales légales de la personne retraitée. Toutefois, en raison de son ancienneté, la convention fiscale franco-allemande de 1959 permet une imposition des pensions versées au titre des assurances sociales légales par l'État de source du revenu.

Alors que la législation allemande avait pendant longtemps exonéré les pensions versées à des non-résidents, elle a été modifiée en 2005 pour tenir compte de la décision du tribunal constitutionnel de Karlsruhe du 6 mars 2002. Les résidents français percevant des pensions allemandes ont ainsi reçu des avis d'imposition allemands à partir de 2009. Les associations de travailleurs frontaliers et d'anciens travailleurs frontaliers ont alors alerté les autorités françaises pour leur signaler le caractère rétroactif de ces procédures et le niveau d'imposition significativement plus élevé qu'en France. Environ 70 000 retraités ont été touchés par cette modification législative, entraînant de fait une imposition plus lourde et des modalités de gestion complexes.

Après plusieurs années de discussions, l'Allemagne a renoncé à cette imposition en contrepartie d'une compensation financière. La France détiendra un droit d'imposition exclusif des pensions versées au titre des assurances sociales légales allemandes à des bénéficiaires résidents de France. Ainsi que l'a précisé la direction de la législation fiscale, cette nouvelle clause ne saurait avoir d'effet rétroactif. La partie allemande a d'ailleurs insisté sur ce point en raison de ses règles constitutionnelles.

Les modalités de détermination de la compensation financière sont fixées par le nouvel article 13 c introduit par l'article IX de l'avenant qui prévoit que « l'État qui dispose du droit d'imposer les sommes versées au titre des assurances sociales légales paie à l'État d'où proviennent les sommes une compensation correspondant à l'impôt que cet État pourrait prélever en vertu de sa législation fiscale ».

Sur la base des données démographiques, les deux parties ont décidé dès 2013 que la compensation financière nette devant être versée par la France à l'Allemagne se monterait à 16 millions en 2013 puis augmenterait de 9,4 % par an à compter de 2014 pour atteindre 30 millions en 2020, le premier versement intervenant au titre de l'année d'entrée en application de l'avenant.

Deuxième point, la consolidation du statut fiscal des travailleurs frontaliers résidents de France qui exercent leur activité en Allemagne. Selon l'Insee, 41 450 Français travaillaient en Allemagne en 2013 pour 4 220 Allemands travaillant en France. Antérieur au modèle de l'OCDE, l'accord prévoyait une imposition dans le pays de résidence afin de prendre en compte les liens entre ces contribuables et l'État où ils vivent et de financer les dépenses publiques correspondantes. Ce régime spécifique se voit conforté par l'article VI. En contrepartie, notre voisin a demandé une compensation financière, à l'instar de nos accords avec la Suisse et la Belgique.

Le taux de cette compensation a été fixé à 44 % de l'impôt sur le revenu perçu par la France, afin de tenir compte du coût du travailleur frontalier pour chaque pays. Sur la base d'un impôt sur le revenu annuel de 50 millions d'euros perçu par la France sur les revenus des travailleurs frontaliers, la France versera à l'Allemagne 22 millions d'euros. Selon la direction de la législation fiscale, l'augmentation du nombre d'Allemands travaillant dans notre pays devrait conduire à minorer ce montant au cours des prochaines années.

Cet avenant fait évoluer certains dispositifs fiscaux, notamment en matière d'imposition des plus-values réalisées lors de la vente de biens immobiliers en France par des résidents d'Allemagne. Actuellement, les plus-values réalisées lors de la cession des immeubles situés dans un État mais détenus directement par une personne physique résidente de l'autre État sont imposables dans l'État où se situe l'immeuble. En revanche, lors d'une cession par le résident d'un État de titres d'une société de capitaux détenant des immeubles situés dans l'autre État, l'imposition de la plus-value est attribuée au pays de résidence du cédant. Cette situation est particulièrement avantageuse pour les résidents allemands dans la mesure où les plus-values de cessions de titres qu'ils réalisent en France ne sont imposables en Allemagne qu'à hauteur de 5 % de leur montant.

À la demande de la France, l'avenant conforte, le principe de l'imposition in situ des plus-values de cession des biens immobiliers en insérant à l'article 7 un paragraphe prévoyant qu'en cas de détention de biens immobiliers via des sociétés, « les gains qu'un résident d'un État contractant tire de l'aliénation d'actions, de parts ou droits tirant directement ou indirectement plus de 50 % de leur valeur de biens immobiliers situés dans l'autre État contractant, sont imposables dans cet autre État ».

Cette clause figure dans le nouveau modèle de l'OCDE, ainsi que dans les autres conventions fiscales récemment signées par la France, notamment avec le Luxembourg comme nous le verrons prochainement. L'action n° 6 du projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) de l'OCDE, qui a été adopté par le G20 d'Antalya le 15 novembre dernier, empêche d'ailleurs le contournement de cette clause par l'exploitation de failles dans certaines conventions fiscales. Une fois l'avenant entré en vigueur, ces plus-values seront imposables en France au taux de droit commun, en vertu des dispositions de l'article 244 bis A du code général des impôts.

L'article 9 de la convention relatif aux dividendes prévoit un principe d'imposition dans l'État de résidence du bénéficiaire de dividendes tout en laissant à chacun des États contractants le droit de percevoir l'impôt sur les dividendes par voie de retenue à la source, conformément à sa législation, dans la limite de 15 % du montant brut des revenus.

L'article IV insère donc un nouveau paragraphe au sein de l'article 9 stipulant que cette limite de 15 % ne s'appliquera pas aux dividendes versés à partir de revenus ou de gains tirés de biens immobiliers par des véhicules d'investissement immobilier qui distribuent la plus grande partie de ces revenus annuellement et dont les revenus et gains tirés de ces biens immobiliers sont exonérés d'impôts, lorsque l'actionnaire ou le porteur de parts détient, directement ou indirectement au moins 10 % du capital du véhicule d'investissement qui paie les dividendes.

Cette clause vise les sociétés d'investissements immobiliers cotées (SIIC) et les organismes de placements collectifs immobiliers (OPCI) : les dividendes versés par ces sociétés pourront être imposées conformément à la législation de l'État d'établissement du véhicule en question. Grâce à cette disposition qui n'est pas prévue par le modèle OCDE, la France et l'Allemagne éviteront le contournement de leurs règles d'imposition.

Afin d'éviter les délocalisations à des fins purement fiscales, l'article II de l'avenant insère à l'article 7 de la convention un paragraphe autorisant la France et l'Allemagne à appliquer leur dispositif interne d'exit tax.

En France, ce dispositif, voté lors de la loi de finances rectificative pour 2011, est prévu à l'article 167 bis du code général des impôts qui dispose que le transfert du domicile fiscal hors de France entraîne l'imposition immédiate à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux des plus-values latentes sur droits sociaux, valeurs, titres ou droits.

En conséquence, lorsqu'une personne physique a résidé en France ou en Allemagne pendant une période de cinq ans ou plus et est devenue résidente de l'autre État, le premier État peut imposer selon son droit interne la plus-value réalisée pendant la période de résidence de cette personne dans cet État.

Cet avenant adapte également certains dispositifs en raison de l'évolution des pratiques et des législations fiscales française et allemande. Ainsi en est-il pour l'imposition des sportifs, artistes et mannequins dans l'État d'exercice de l'activité ou encore d'une clause d'arbitrage obligatoire en cas d'échec de la procédure amiable d'élimination des doubles impositions.

Enfin, cet avenant prévoit plusieurs ajustements conformes au modèle de l'OCDE de 2010, notamment en matière d'assistance mutuelle pour le recouvrement des créances fiscales et d'aménagement des règles d'élimination des doubles impositions. Ce texte est équilibré et je propose d'autoriser sa ratification.

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