Je vais m’exprimer sur l’amendement. Puis, je ferai quelques observations sur les interventions préliminaires que nous avons entendues.
L’objectif que vous mettez en avant, monsieur Daudigny, est évidemment partagé par tout le monde.
Selon le Gouvernement, l’article L.138-9 du code de la sécurité sociale que vous voulez modifier prévoit d’ores et déjà l’encadrement des avantages commerciaux et financiers assimilés « de toute nature ». C’est écrit en toutes lettres ! Ces termes « de toute nature » permettent à la loi d’encadrer les pratiques que vous citez – je pense, par exemple, à l’achat d’espaces de publicité institutionnelle.
L’enjeu est moins dans la rédaction de dispositions législatives que dans la surveillance de la mise en œuvre des mesures existantes. Je vous demande par conséquent, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement au bénéfice de cette explication. Le Gouvernement n’est pas en désaccord avec l’objectif que vous poursuivez, mais j’ai la conviction que ce que vous proposez ne changera rien à la réalité parce que les dispositions législatives nécessaires existent déjà.
Je voudrais maintenant répondre à la préoccupation que vous avez exprimée dans votre intervention liminaire.
La volonté du Gouvernement de distinguer la croissance des dépenses de médicaments à travers le taux L entre le secteur de la ville et le secteur hospitalier a pour objet de favoriser les produits les plus innovants et de mettre en avant des stratégies d’encadrement et de régulation.
J’entends votre préoccupation et je la partage. Il n’est pas question d’exercer une pression renforcée par principe sur l’hôpital. D'ailleurs, notre volonté se traduit par un taux pour l’hôpital supérieur à celui qui est appliqué en ville. Je sais que vous êtes, comme le Gouvernement, sensible à la nécessité de la régulation.
Je m’adresse maintenant à M. le président de la commission des affaires sociales, selon lequel il faut non des paroles, mais des actes. Lorsque les industriels mettent en avant le montant d’économies demandé au secteur du médicament, ils ont le sentiment que les actes sont là ! Il en va de près de 1, 5 milliard d’euros d’économies.
J’accepte d’entendre ceux qui disent qu’il faut de la régulation, mais qui ne considèrent pas celle-là comme adaptée. Encore faut-il qu’ils m’expliquent ce que l’on fait ! Je pense aussi à ceux qui s’expriment au nom de l’industrie pharmaceutique – disons les choses clairement – ou au nom de l’activité économique et qui prétendent que tout mécanisme de régulation doit être supprimé.
En effet, je regarde les votes intervenus à l’Assemblée nationale et dans cette enceinte depuis quelques années. Or, sur les travées de la majorité sénatoriale, on vote contre des mécanismes de régulation ! C’est donc laisser entendre à l’industrie pharmaceutique que si demain, cette majorité revenait au gouvernement, ces mécanismes de régulation seraient revus, faisant ainsi disparaître les milliards d’euros d’économies réalisés.
En même temps, je lis dans les programmes – je suis désolée, mais je les lis ! – que des déremboursements interviendront. Pour ma part, je vous le dis en toute honnêteté, je ne sais pas comment vous parviendrez à boucler votre budget. Vous dites, comme les années précédentes, qu’il faut faire davantage d’économies en matière de sécurité sociale, qu’il faut aller vers un équilibre solide et sincère, qu’il faut en finir avec la régulation du secteur pharmaceutique. Cela signifie 1, 5 milliard d’euros d’économies de moins dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, et cela signifie moins de remboursements.
Honnêtement, je ne comprends pas comment on peut parvenir à boucler le budget, sauf à faire supporter par les Français la charge du coût des médicaments et des traitements qui ne seraient plus remboursés et dont le prix, par ailleurs, ne serait plus maîtrisé.
Au-delà des programmes, j’appelle votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur cette réalité : le défi des prochaines années est celui du prix de l’innovation. Voulons-nous que nos concitoyens puissent accéder à la révolution thérapeutique qui est engagée, celle qui a permis de sauver la vie de personnes condamnées par l’hépatite C, celle qui permettra demain de mieux soigner et peut-être de guérir après-demain des cancers dont on ne guérit pas aujourd'hui ou qui sont mal soignés ? En France, l’un des pays pionniers en la matière, l’accès à l’immunothérapie est très large. Demain, d’autres traitements pourront être proposés pour des maladies rares ou d’autres cancers.
Voilà des décennies que nous n’avions pas vu arriver de telles nouveautés et de telles innovations. Nous devons relever ce défi – c’est, franchement, un défi magnifique ! Mais tout cela a un coût ! Si nous voulons que les antibiotiques continuent à soigner, alors que se développe l’antibiorésistance, nous devons aussi assumer la régulation de ce coût : d’où des dispositifs, le taux W pour l’hépatite C et d’autres mécanismes pour d’autres traitements.
J’appelle à ne pas mettre en avant une illusion. Personne ne pourra se passer de la régulation du prix du médicament. Cela signifie privilégier les médicaments génériques, baisser le prix de ceux qui ne sont pas innovants, définir un juste prix, y compris pour l’innovation. Nous retrouverons ce débat, mais peut-être sera-t-il écourté par les interventions qui viennent d’avoir lieu, lors de l’examen de la partie consacrée aux dépenses de l’assurance maladie. C’est un débat majeur, c’est un débat éthique, c’est un débat moral : voulons-nous ou non que les Français puissent continuer à accéder demain à des traitements qui soignent et qui guérissent ?
Si la réponse est oui – et je suis certaine que tel est le cas sur toutes les travées de cet hémicycle – alors, il faut assumer la régulation ! Ce n’est pas toujours simple, c’est exigeant, mais il faut assumer ce choix ! En effet, c’est trop facile de dire qu’on va soigner tout le monde et préserver l’innovation, tout en étant gentil avec les industriels auxquels on promet qu’ils pourront continuer d’augmenter leurs prix sans aucun contrôle et sans aucune régulation !