La branche accidents du travail-maladies professionnelles, ou AT-MP, est la seule à être excédentaire depuis 2013. À nos yeux, il s’agit non pas d’un excédent, mais d’une sous-utilisation du budget de cette branche. En effet, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, aucune mesure nouvelle n’est annoncée pour améliorer le système d’indemnisation des victimes du travail qui n’a pas évolué depuis 1898 !
Ce budget doit pourtant être mis au service des malades et des accidentés du travail. En aucun cas, il ne doit être une variable d’ajustement pour d’autres fonds.
Avec 700 millions d’euros non utilisés, ces victimes de maladie et d’accidents du travail sont en droit d’attendre une amélioration de la prise en charge de leur pathologie ou de leur handicap. À cette fin, cet argent pourrait être utilisé, par exemple, pour abonder le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, ou le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, voire pour améliorer le financement de la partie prévention du plan santé au travail.
La commission des finances a opposé à plusieurs de nos amendements l’article 40, au motif qu’il s’agissait d’« incitations à dépenser pour deux fonds qui rentrent dans le champ de l’article 40 ». Nous ne demandons pourtant pas de dépenser plus ; nous demandons de consacrer l’entièreté du budget de la branche AT-MP à ce à quoi il est destiné : une meilleure politique de prévention et de réparation des victimes du travail.
Vous le savez, l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, l’ANDEVA, estime à 100 000 les victimes à venir durant les vingt prochaines années. Parmi elles, il y a beaucoup d’intérimaires et de sous-traitants qui ne se verront pas reconnus le statut de travailleurs de l’amiante, car, aujourd’hui, seuls les salariés des sites déclarés exposés à l’amiante bénéficient de cette reconnaissance. Un de nos amendements visait à étendre cette reconnaissance aux sous-traitants et aux intérimaires, qui ont été exposés aux mêmes risques que les salariés, mais ne sont toujours pas couverts.
Un autre amendement, lui aussi retoqué, visait à permettre aux fonctionnaires d’être indemnisés pour toutes les maladies contractées dans des établissements publics inscrits sur la liste « amiante ». De même, les voies individuelles d’accès au FCAATA sont encore fermées.
Vous le voyez, nous avions préparé une multitude de propositions pour une juste utilisation du budget de la branche AT-MP. Malheureusement, le débat budgétaire ne donne pas la possibilité aux parlementaires de se faire entendre. C’est une des raisons majeures qui me conduit à considérer que la Ve République n’est plus à la hauteur des attentes de notre peuple en matière de démocratie.
J’ai également la conviction profonde qu’il est temps de repenser notre relation au travail et de restaurer la prévention comme outil premier de nos politiques de santé publique. Tel était d’ailleurs le sujet d’un récent colloque que j’ai organisé au Sénat ; M. le président du Sénat m’avait alors fait l’honneur de sa présence et était intervenu en ouverture.