Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 18 novembre 2016 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2017 — Article 51

Marisol Touraine, ministre :

Il est défavorable sur l’ensemble de ces amendements ; je voudrais néanmoins préciser certains points.

Monsieur Barbier, nous parlons des médicaments en ATU, c’est-à-dire de médicaments qui bénéficient, en France, d’un système déjà dérogatoire. En effet, s’ils ne sont pas allés jusqu’au terme du processus d’évaluation et ne sont donc pas mis sur le marché – leur prix n’a donc pas été fixé –, on estime en revanche, avec des garanties de sécurité à l’évidence sérieuses, qu’ils peuvent répondre à des besoins de traitement et permettent de soigner des patients qui n’ont pas de traitement disponible.

C’est un dispositif français, reconnu mondialement, de soutien à l’innovation. Nous n’entendons donc pas remettre en cause l’ATU ; encore une fois, c’est un système dérogatoire qui fonctionne.

Quel est le mode de fixation des prix en ATU ? Le produit n’est pas encore évalué, il n’est pas mis sur le marché, son prix est donc libre. Au terme de la négociation qui accompagne la mise sur le marché, le laboratoire reverse la différence entre le chiffre d’affaires qu’il a réalisé alors que le prix était libre et celui qu’il aurait réalisé si on lui avait appliqué le prix finalement fixé. Cette différence existe souvent, le prix libre initial étant en général supérieur au prix fixé au terme de la procédure.

Cette procédure est très intéressante pour la mise à disposition rapide des produits. Elle a en revanche un inconvénient : du fait de cet enjeu de trésorerie, il n’y a pas nécessairement d’incitation à accomplir la négociation dans des délais rapides.

En résumé, l’amendement vise à déterminer qui assume le coût de la trésorerie au cours de la période où le prix est libre jusqu’au moment où ce prix sera fixé.

Que propose le Gouvernement ? Les laboratoires souhaitent que le prix facial ne bouge pas, car celui-ci envoie un message à l’étranger ; par conséquent, si le prix facial est bas en France, il leur est plus compliqué de négocier le prix à l’étranger. Le prix facial est donc maintenu.

Pour les autorisations temporaires d’utilisation portant sur des traitements qui rapporteront un chiffre d’affaires supérieur à 30 millions d’euros – cela représente moins de 10 % des médicaments en ATU –, le prix est libre. Toutefois, une fois l’ensemble des traitements dispensés, si, lorsque l’on divise le coût global du traitement par le nombre de patients, on arrive à un prix supérieur à 10 000 euros, on écrête en attendant que la négociation aboutisse au prix final.

En d’autres termes, si, pendant la phase d’autorisation temporaire d’utilisation, le traitement représente 15 000 euros, le prix est fixé à 10 000 euros. Si le prix final est de 8 000 euros, le laboratoire doit encore 2 000 euros par traitement ; s’il est en revanche de 12 000 euros, c’est la sécurité sociale qui reversera 2 000 euros. Ainsi, la trésorerie est supportée par l’industriel, avec un minimum qui n’est pas mince ; je rappelle que 90 % des traitements sont d’ores et déjà exclus de ce type de dispositif. Le différentiel éventuel est reversé à l’issue de la négociation et nous pensons que le mécanisme proposé est de nature à l’accélérer.

Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, je précise que ces 10 000 euros représentent le prix de revient par personne du traitement. Cela ne signifie en aucun cas que les patients ont droit à 10 000 euros de traitement : ils ont le traitement dont ils ont besoin. Pour eux, tout est pris en charge à 100 %. Il s’agit de savoir quel est le prix du médicament.

J’indique d’ailleurs que les représentants des patients ont publiquement apporté leur soutien à cette mesure, qui permet une plus grande soutenabilité des médicaments sous autorisation temporaire d’utilisation, tout en conservant un accès précoce aux nouveaux médicaments. Ils ont publié un communiqué en ce sens.

Tout ce qui relève du droit des patients et de la prise en charge des patients est totalement préservé. À l’issue du processus, cela ne changera rien pour l’industriel qui sera payé en fonction du prix fixé, une fois que celui-ci le sera. Disons que le prix libre de départ est un petit peu moins libre qu’auparavant.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

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