Sur le plan strictement juridique, qui n’est pas le sujet principal, les dispositions nécessaires à la mise en œuvre de la licence d’office existent. Il n’est donc pas nécessaire de les introduire de nouveau.
J’en viens au fond du sujet. À Berlin, j’ai engagé des discussions avec mes partenaires internationaux du G7 sur une évaluation commune et des procédures communes nous permettant de faire pression sur les prix de l’innovation. J’ai évoqué l’ensemble de ces procédures lors de nos débats précédents et j’ai indiqué que se tiendra à Paris, au mois de janvier prochain, une réunion des ministres de la santé des pays de l’OCDE pour avancer, à partir d’un rapport de l’OCDE, sur la voie d’une évaluation commune et de la définition de modèles économiques nouveaux pour faire face à la question de la soutenabilité financière de l’innovation thérapeutique.
Pourquoi ne pas dégainer tout de suite l’arme fatale de la licence d’office, si j’ose m’exprimer ainsi ? Il y a un côté magique quand on parle de la licence d’office. On a le sentiment qu’il suffit que le ministre appuie sur un bouton pour que tout soit réglé : le prix baisse et le médicament est sur le marché illico presto. Tout le monde est content, sauf l’industriel titulaire du brevet initial, et les malades sont soignés tout de suite avec des médicaments qui coûtent moins cher à la sécurité sociale.
La réalité est évidemment beaucoup plus complexe.
Dès lors qu’elle est déclarée, la licence d’office suppose qu’un certain nombre de conditions soient réunies.
Tout d’abord, il faut qu’un laboratoire souhaite exploiter la licence d’office. Si l’on crée une licence d’office et que personne ne l’exploite, il n’y a pas de médicament au rendez-vous. Évidemment, il faut que le laboratoire qui se déclare candidat dispose des capacités de production et d’une technologie de fabrication adaptée.
Ensuite, il faut une négociation des redevances avec le laboratoire titulaire du brevet. On ne peut pas faire comme si le brevet initial n’existait pas. La négociation de la redevance est extrêmement difficile et prend du temps.
Enfin, s’il n’y a pas d’accord amiable avec le titulaire du brevet, celui-ci engagera des procédures contentieuses.
Autant d’éléments qui retardent la mise sur le marché du médicament.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement privilégie des dispositifs qui nous amènent, je l’ai évoqué tout à l’heure, à faire d’emblée pression sur le prix des médicaments dans la négociation du prix.
Venons-en au Sovaldi ou aux médicaments contre l’hépatite C, puisque c’est en quelque sorte de là que tout est parti. J’ai indiqué que je souhaitais que les prix soient renégociés à la baisse. L’arrivée sur le marché de nouveaux médicaments, éventuellement de génériques, permettra d’engager une concurrence et une émulation permettant cette baisse.
La pression est donc forte. Elle se double de celle, tout aussi forte, de l’opinion publique. C’est la raison pour laquelle je trouve notre débat très salutaire, dans l’intérêt même d’une pression exercée sur les laboratoires pour qu’ils accélèrent leurs négociations et acceptent des prix plus bas.
J’appelle l’attention sur le fait que ce n’est pas si simple que cela. On peut prendre une décision de licence d’office, cela n’a jamais été fait, mais il faut ensuite s’assurer des conditions d’arrivée sur le marché du médicament. Rien ne permet aujourd’hui de sécuriser ce processus.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.