Intervention de Jean-Yves Roux

Réunion du 23 novembre 2016 à 14h30
Avenir du transport ferroviaire en france — Débat organisé à la demande du groupe du rdse

Photo de Jean-Yves RouxJean-Yves Roux :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie le groupe du RDSE d’avoir pris l’initiative de ce débat, opportunément organisé à l’aube d’échéances importantes.

Chacun des intervenants aura sans doute l’occasion de faire valoir des exemples concrets de bonnes initiatives ou de dysfonctionnements constatés dans son territoire. Cela ne sera pas mon cas. En effet, je suis élu de l’un des très rares départements de métropole qui ne disposent pas du tout de lignes de train les reliant à la capitale. C’est dire que, en prenant part à ce débat, j’ai l’intérêt général chevillé au corps ! C’est dire aussi que je considère comme prioritaire la nécessité de préserver et de faire vivre les transports ferroviaires dans l’ensemble de nos régions.

Plus que jamais, le secteur des transports ferroviaires est confronté à un environnement particulièrement mouvant, qui incite à des priorités d’action beaucoup mieux ciblées et mutualisées : dette, régionalisation dès 2017, ouvertures à la concurrence – 2020 pour les TGV, 2023 pour les lignes régionales –, montée en puissance de modes de déplacements intermodaux, collaboratifs et concurrents, mais aussi défis industriels posés par la situation d’Alstom et environnementaux pour la mise en œuvre des accords de Paris.

Dans ce contexte, je ne peux que rappeler combien il serait totalement contre-productif de procéder à des changements brutaux de stratégie nationale et budgétaire, y compris par des désinvestissements publics ou le désengagement soudain de lignes jugées non rentables.

Dans les transports ferroviaires, plus que dans tout autre secteur concurrentiel, la péréquation est une nécessité absolue et l’absence de solidarité nationale un non-sens. La régulation est tout aussi nécessaire. Je souhaite d’ailleurs que nous puissions donner à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, les moyens humains, financiers et réglementaires de fonctionner pleinement.

À ce titre, la loi de 2014 portant réforme ferroviaire a constitué une étape déterminante, permettant de prendre des mesures de gouvernance et d’adaptation à la concurrence, plutôt que de subir massivement les effets de cette dernière.

Le rapport sur le bilan d’application de cette loi, déposé le 19 octobre dernier par nos collègues députés Bertrand Pancher et Gilles Savary, prône la mise en place d’un plan pluriannuel d’investissements qui permettrait de maintenir l’économie générale du secteur et d’engager plus nettement d’autres réformes complémentaires. J’y souscris totalement. À long terme, l’un des plus grands dangers qui guettent l’ensemble des transports ferroviaires est en effet le désamour des usagers.

Le Gouvernement a pris un virage notable pour veiller à préserver la qualité de service offerte à un usager qui dispose d’offres multimodales de plus en plus performantes.

Le premier axe mis en œuvre concerne la régénération des réseaux et du maillage régional et sa traduction budgétaire.

Je regrette profondément que nous ne puissions pas débattre, en séance, de la mission consacrée aux transports ferroviaires du projet de loi de finances pour 2017. Vous conviendrez, mes chers collègues, que 2017 constitue un avenir proche qui a le mérite d’être concret !

Je ne peux que saluer les investissements dédiés à la sécurité des réseaux, soit 2, 6 milliards d’euros en 2016 finançant des travaux qui doivent permettre d’éviter les ralentissements parfois insupportables qui touchent 5 000 kilomètres de lignes et affectent considérablement la vie quotidienne des voyageurs. Ma collègue Nelly Tocqueville me racontait les péripéties qu’ils subissent sur les lignes régionales normandes, situation néfaste aussi pour les politiques de développement économique.

Grâce à ces investissements, qui doivent impérativement être poursuivis, le vieillissement est arrêté, même le malade est moribond… Le choix du tout-TGV, fait il y a plus de quinze ans, continue de faire des victimes.

Deuxième axe : le confort et un certain rapport qualité-prix.

Nous devons être conscients que les transports ferroviaires constituent un mode de déplacement très coûteux pour nombre de nos concitoyens. Des usagers font ainsi le choix des avions low cost ou du covoiturage. Sans investissements majeurs pour le confort des trains et la sécurité des réseaux, je doute que la tendance ne soit ralentie. À terme, cela ne sera pas sans conséquence sur les prix pratiqués et la fréquentation générale. Alors que nous fêtons cette année les quatre-vingts ans des congés payés, je vous avoue que la perspective de voir certains transports ferroviaires devenir financièrement inaccessibles ne me réjouit pas.

Je plaide pour que nos investissements industriels sur les trains changent aussi de nature. Lors de la réunion de présentation du rapport d’application de la loi de 2014, Gilles Savary a insisté sur ce point, en indiquant d’ailleurs que ce changement de stratégie devrait permettre d’importantes économies. La gamme des trains actuellement proposés et construits est sans doute trop limitée. Nous devons accompagner l’industrie ferroviaire pour que de nouveaux trains soient totalement calibrés pour les lignes régionales. Il me paraît indispensable que nous envisagions très concrètement les prochains investissements à l’aune des possibilités et des enjeux industriels de nos territoires.

Dernier point, mais non des moindres : le dossier du fret.

Année après année, malgré l’engagement des pouvoirs publics – le vôtre aussi, monsieur le secrétaire d’État – et cinq plans de relance, le fret ferroviaire ne parvient pas à s’imposer comme un mode de transport de marchandises suffisamment attractif.

Il y a vingt-cinq ans, l’Union européenne avait fixé comme objectif majeur d’augmenter la part du rail dans le transport global de marchandises et d’atteindre 50 % à l’horizon 2050. Les avantages environnementaux ne sont plus à démontrer.

La Cour des comptes européenne vient de rendre le résultat d’un audit sur la situation comparée du transport ferroviaire de marchandises en Europe, réalisé dans cinq pays membres, dont la France, de la mi-2014 à la mi-2015. Force est de constater que, dans notre pays comme dans nombre de pays d’Europe, la part du fret n’a pas réussi le pari de la compétitivité. L’Allemagne, elle, a réussi à augmenter sa part de 5 % en un an, alors que nous nous maintenons à 19 %. Bien sûr, nous ne sommes pas les seuls, mais le constat est un peu amer.

Les difficultés pointées sont parfois les mêmes que pour les transports d’usagers : des ralentissements considérables, une vitesse très insatisfaisante de 18 kilomètres par heure, des ruptures transfrontalières, des statuts de personnels à harmoniser dans la plus grande transparence, concertation et anticipation. Les conditions d’ouverture à la concurrence en 2009 ont été bâclées et ont considérablement fermé les perspectives.

Devons-nous pour autant abandonner le fret ferroviaire ? Certainement pas, mais, là encore, l’écoute des usagers potentiels et le recours à des investissements de long terme seront plus que jamais nécessaires pour transformer durablement une politique qui devrait être une priorité.

Notre industrie ferroviaire dispose de très nombreux atouts, parmi lesquels un grand savoir-faire. Le prochain défi, après la loi de 2014, sera sans aucun doute de donner les moyens institutionnels aux opérateurs de transport ferroviaire de mener les politiques d’investissement nécessaires. Cette nouvelle étape paraît indispensable.

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