Intervention de Henri Cabanel

Réunion du 23 novembre 2016 à 14h30
Sauvegarde et valorisation de la filière élevage — Débat organisé à la demande du groupe du rdse

Photo de Henri CabanelHenri Cabanel :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces dernières années, l’agriculture française a été fortement éprouvée par les aléas économiques et les désastres climatiques et sanitaires. L’élevage est particulièrement touché. Chaque année, 10 000 agriculteurs, principalement des éleveurs, renoncent à exercer leur profession. Je viens d’apprendre la vente de la dernière vache d’un couple d’éleveurs du Tarn-et-Garonne que j’avais rencontré cet été. Les éleveurs sont déboussolés et multiplient les démonstrations de colère. Il faut les comprendre.

Pourtant, sous ce quinquennat, nous le savons, l’agriculture a fait l’objet d’un déploiement sans précédent de moyens financiers et juridiques. Différents plans d’aide à l’élevage ont été mis en œuvre. Le budget de 2016 prévoyait 1 milliard d’euros d’aides au secteur de l’élevage. En trois ans, les aides européennes et nationales auront été revalorisées de 60 %.

Au mois d’octobre dernier, le Gouvernement a présenté un pacte de consolidation et de refinancement des exploitations agricoles. Au total, les allégements de charges sociales et fiscales issus du pacte de responsabilité et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi atteindront 1, 7 milliard d’euros en 2017. À ces allégements s’ajoutent les réductions de cotisations sociales des exploitants agricoles, qui équivalent à dix points depuis 2015.

Ces plans ne répondent qu’en partie à l’urgence de la situation. Alors, que faire au-delà ? La PAC ne joue absolument plus le rôle qui était originellement le sien. La libéralisation effrénée de l’agriculture engagée par l’Union européenne est – sans exagération – une catastrophe. La fin des quotas laitiers, au mois d’avril 2015, a précipité les élevages français dans une concurrence mondiale dévoyée, dans un monde sans loi, ou plutôt un monde dans lequel la volatilité des cours des matières premières agricoles fait la loi. Résultat, les cours se sont effondrés et 13 000 producteurs de lait français ont déposé un dossier en vue de bénéficier d’une aide européenne.

De son côté, la filière de la viande bovine a subi les conséquences de l’afflux massif de dizaines de milliers de carcasses de vaches laitières abattues pour tenter de réduire la surproduction laitière. Les cours ont encore baissé de 16 % sur un an.

Nous avions dressé ces constats partagés en avril dernier, lors de la discussion de la proposition de résolution visant à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture, que j’avais notamment cosignée avec Franck Montaugé. Des députés français ont également proposé, au début du mois d’octobre, la création d’un outil européen de régulation des prix du lait. Pour lutter contre la volatilité des prix, ils ont aussi proposé la mise en place de fonds de mutualisation ou encore la réorientation des fonds européens, par exemple en déployant les financements européens de la PAC vers des mécanismes assurantiels susceptibles d’intervenir dans les périodes de crise, afin de constituer une sorte de troisième pilier, comme vous l’aviez suggéré, monsieur le ministre. Tel était, pour partie, l’objet de notre proposition de loi visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture, votée à l’unanimité par le Sénat en juin dernier.

Par ailleurs, si certaines des difficultés de la filière de l’élevage sont d’ordre conjoncturel, nombre d’entre elles sont de nature structurelle, comme je le souligne souvent pour d’autres filières. La plupart des bâtiments d’élevage sont vieillissants. Une modernisation serait indispensable, mais la sous-capitalisation des exploitations empêche les agriculteurs d’investir dans de nouveaux outils de production. Pour effectuer sa révolution, l’élevage a donc besoin d’une vraie stratégie de filière diversifiée, qui ne peut se construire qu’avec la volonté des professionnels.

En outre, doit être privilégiée la production d’électricité par méthanisation. Plusieurs propositions de bon sens ont été formulées par le Gouvernement à cet égard : amélioration du dispositif d’achat de l’électricité produite à partir de biogaz, en adaptant la prime d’effluents d’élevage à la réalité des projets de méthanisation agricole ; poursuite de la mobilisation du fonds « déchets » de l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie ; poursuite de la simplification administrative pour l’élaboration de tels projets et, surtout, soutien de la BPI au financement de ces investissements coûteux.

Une autre réforme de taille tient à la différenciation qualitative. Il faut tout d’abord privilégier les circuits courts ! L’avenir de l’élevage dépend ensuite de la capacité des professionnels à se différencier avec le lancement de leur propre marque, à l’image du lait équitable « FaireFrance » ou du « Lait du consommateur », sans que le coût final soit exorbitant pour le consommateur : entre 3, 5 et 7 euros par an. Dans l’Hérault, le syndicat mixte de la filière viande a offert aux éleveurs, via la plateforme d’Agrilocal, un canal pour vendre leur production directement aux consommateurs. Il s’agit d’une initiative à double portée, puisque cette action permet également de valoriser l’abattoir de Pézenas, seul abattoir public de notre région.

Un effort particulier doit être consenti concernant la restauration hors domicile : il faut un engagement fort des collectivités territoriales, mais aussi de la filière, afin d’approvisionner la restauration scolaire. À ce sujet, alors que la publication d’images obsolètes par l’association L 214 a irrémédiablement entaché la réputation de l’abattoir de Pézenas, je soutiens la démarche du ministre de l’agriculture visant à renforcer le dialogue national sur la question du bien-être animal à l’abattoir. Il faut mettre en valeur les établissements consentant d’importants efforts en termes de transparence des pratiques et de formation du personnel.

Structurelles ou conjoncturelles, locales, nationales ou européennes, les mesures en faveur de l’élevage doivent être déployées rapidement et efficacement. Pour nous, l’agriculture française a un grand avenir devant elle. Le grand défi à relever, au-delà de celui de l’indispensable survie de nos paysans, est d’assurer notre indépendance alimentaire.

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