Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 23 novembre 2016 à 14h30
Sauvegarde et valorisation de la filière élevage — Débat organisé à la demande du groupe du rdse

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours de l’été 2015, les manifestations d’éleveurs ont révélé au public la crise profonde que traversait la profession depuis plusieurs mois déjà. Il faut que la situation soit particulièrement grave pour que les agriculteurs sortent de leur silence, tant ils sont investis dans leur métier et passionnés par lui. Ils ont du mérite, car, comme le disait Jean-Pierre Coffe : « Jardiner n’est pas une contrainte, élever est un esclavage. »

Le groupe du RDSE a choisi de revenir aujourd’hui sur la situation du secteur de l’élevage, d’évoquer l’avenir et la valorisation de celui-ci, l’un n’allant pas sans l’autre. Au sein de l’agriculture française, cette filière tient une place importante, la moitié des exploitations agricoles se consacrant à l’élevage. Hélas, depuis plusieurs années, on constate que la production française stagne, contrairement à celle de nos voisins européens.

La filière porcine française, qui représente le troisième cheptel européen, s’essouffle. Les productions allemande, espagnole, italienne et danoise ont augmenté entre 2000 et 2014, tandis que celle de la France a baissé de 4 %. Les Russes, placés sous embargo, construisent des porcheries à tour de bras !

La filière laitière est particulièrement touchée, 5 000 exploitations disparaissant chaque année depuis vingt ans. La suppression des quotas laitiers pourrait accélérer cette tendance si l’on ne pérennise pas les instruments de régulation réactivés par l’Union européenne à la demande de la France et de vous-même, monsieur le ministre.

La filière viande bovine se maintient, mais l’arrivée des vaches de réforme sur le marché de la viande peut rompre un équilibre fragile.

Seule la filière avicole semble être en mesure de résister, à condition de ne pas avoir à affronter des crises sanitaires à répétition, telles que celle de la grippe aviaire, qui a conduit à la mise en œuvre d’un plan national d’intervention sanitaire drastique à l’excès selon les producteurs de palmipèdes gras, très touchés par les mesures de vide sanitaire.

Dans ces conditions, comme vient de le rappeler le président Mézard, la sauvegarde de la filière de l’élevage passe par la définition d’une véritable stratégie, voire d’une planification, lui permettant de répondre aux enjeux d’un marché de plus en plus ouvert.

Tout d’abord, cela a été rappelé, la filière a tout intérêt à valoriser encore davantage la qualité de ses produits, par un développement fort des labels. Dans un contexte de ralentissement de la consommation de viande, on a observé le bon maintien, en grande distribution des produits bio et des produits valorisés et de grande qualité bouchère.

La création du logo « Viande de France » est l’exemple de ce qu’il faut faire, mais il faut passer de l’étiquetage volontaire à l’étiquetage obligatoire. Je sais, monsieur le ministre, que vous y travaillez auprès de la Commission européenne. Vous avez notre soutien.

Le rééquilibrage des relations commerciales est bien entendu un autre sujet fondamental. L’Observatoire de la formation des prix et des marges a établi en 2014 que l’industrie de la transformation et la grande distribution avaient reconstitué leurs marges au détriment des éleveurs. Malgré l’intervention du législateur, en particulier pour améliorer la contractualisation – encore récemment lors de l’examen du projet de loi Sapin II –, le rapport de force demeure très défavorable aux exploitants.

La baisse des charges, engagée dans le cadre des différents plans de soutien à l’élevage, est aussi bien entendu un axe fondamental devant être pérennisé. Le cumul des différents plans de soutien aboutit à une baisse des charges de dix points : cet effort mérite d’être souligné.

Selon le même principe d’allégement, il serait souhaitable de réduire les normes, dont l’excès peut affecter les conditions de travail des éleveurs. Par ailleurs, il n’est pas utile d’aller au-delà des recommandations européennes, comme c’est souvent le cas en matière d’encadrement des pratiques phytosanitaires. Comme l’indique l’intitulé du rapport de notre collègue Daniel Dubois sur les normes agricoles, il est temps de « retrouver le chemin du bon sens ».

C’est ce même bon sens que nous aurions aimé voir présider à la réforme de la carte des communes classées en zones soumises à contraintes naturelles que vous avez présentée le 22 septembre dernier, monsieur le ministre. Récemment, lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, mon collègue Yvon Collin vous a interpellé sur ce dossier, qui inquiète fortement les représentants du monde agricole.

Dans le Lot, où vous serez demain, 111 communes ne seraient plus classées en zone défavorisée simple ou en zone de piémont. Cela induirait une perte de 9 millions d’euros par an dans mon département, qui mettrait en danger 1 300 exploitations.

Le maintien des aides spécifiques, en particulier communautaires, telles que l’indemnité compensatoire de handicap naturel, est essentiel à la survie des exploitations en zones de montagne. Comme vous le savez, monsieur le ministre, les élevages des zones de montagne sont déterminants pour la sauvegarde du tissu économique de ces territoires. Il existe des réalités locales que la nouvelle carte ne doit pas ignorer.

Mes chers collègues, la France est une grande nation agricole parce qu’elle a su conserver la diversité de ses productions. L’élevage fait partie intégrante de nos paysages et, malgré les difficultés, cette filière demeure un vivier important d’emplois. Son dynamisme est la condition de la vitalité rurale dans de nombreux départements.

L’élevage, c’est bien sûr, aussi et avant tout, une affaire d’hommes et de femmes, qui se découragent, faute d’un avenir certain dans leur métier. Fixer quelques orientations fortes, au-delà des mesures conjoncturelles, permettrait de leur redonner espoir.

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