Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur l’avenir de la filière élevage intervient à un moment où celle-ci se trouve particulièrement malmenée, à l’instar de plusieurs autres secteurs de la production agricole, par une crise que, par commodité, on qualifie de « crise de l’agriculture ».
En réalité, des raisons diverses ont amené à cette situation : certaines sont d’ordre politique – nous avons tous évoqué l’embargo sur les exportations de viandes de porc vers la Russie –, d’autres d’ordre sanitaire – je pense à la fièvre catarrhale ovine, qui a bloqué ou ralenti nos exportations de viande bovine vers plusieurs pays –, d’autres encore d’ordre économique, à l’instar de la surproduction de lait.
Il faut aussi évoquer les habitudes nouvelles de consommation : ainsi, 50 % de la viande bovine se consomme désormais sous forme de viande hachée, au détriment de la valorisation des viandes de grande qualité que produisent nos éleveurs.
Il existe enfin des causes sociétales de la crise, telles les conséquences de certains épisodes médiatiques venant susciter la suspicion du consommateur quant à la qualité de ce qu’on lui propose.
Il s’agit là d’éléments contextuels dont on ne saura sans doute jamais s’abstraire tout à fait. Il convient en tout cas de tout faire pour qu’ils ne s’additionnent pas.
À cet égard, vous avez été confronté, monsieur le ministre, à une crise simultanée de la plupart des filières, et vous y avez répondu du mieux qu’il était possible selon moi. Je n’hésite pas à affirmer que, à travers votre action, l’État a été bien présent.
Cependant, il convient de parler d’avenir, et pour ma part j’évoquerai un aspect essentiel concernant particulièrement l’élevage : la résilience des exploitations agricoles face aux aléas économiques ou sanitaires et à l’évolution climatique.
Nous le constatons dans la période que nous traversons : toutes les exploitations ne sont pas économiquement affectées de la même manière, parce qu’elles n’ont pas toutes adopté le même modèle technico-économique.
Cela est vrai dans le domaine de l’élevage, où les coûts de production peuvent être très variables selon les choix opérés, qu’ils soient agronomiques ou de gestion économique de l’exploitation.
C’est sur ce point, je le crois, que doit porter la réflexion s’agissant de l’élevage. Comment accroître la capacité à affronter les crises ? En d’autres termes, comment renforcer la résilience ? En Bretagne, des groupes de travail réfléchissent sur l’autonomie alimentaire de l’exploitation, donc sur l’agronomie.
Le modèle le plus courant d’alimentation du bétail repose sur le couple maïs-soja, qui s’avère coûteux économiquement parce que le soja que nous importons massivement est cher depuis 2007 et que ce régime alimentaire a pour conséquence une longévité moindre des vaches laitières.
A contrario, promouvoir un assolement fondé sur le maïs et les légumineuses permettrait un recours moindre aux produits phytosanitaires, ainsi qu’aux engrais.
Certes, ce modèle, vertueux à deux égards, économique et environnemental, est plus complexe à gérer techniquement. L’enjeu est donc d’accompagner les agriculteurs dans le passage à de nouvelles méthodes de culture. L’agronomie est donc l’une des voies de la résilience, et nous devons prendre ses apports en considération.
Il existe d’autres voies, que le temps qui m’est imparti ne me permet que de citer.
La future PAC, en particulier, devra affirmer à travers ses options stratégiques la place qu’elle assigne à l’élevage. Il serait du plus grand intérêt que vous nous fassiez part, monsieur le ministre, de l’approche de la France sur cette question.
Quelle pourrait être la place d’un régime assurantiel ? La piste de paiements contracycliques a été évoquée à l’occasion d’une table ronde tenue lors du dernier salon de la production agricole SPACE, à Rennes, ainsi que le renforcement des aides au titre des mesures agroenvironnementales et climatiques.
Surtout, les observateurs insistent très fréquemment sur la nécessité de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs ; cela paraît en effet une évidence. Comment se peut-il que ceux qui sont à la source de la production soient aussi peu pris en considération dans le partage des marges ?
L’avenir de l’élevage au plan national peut se construire sur la capacité des exploitations à résister aux turbulences économiques, sanitaires et, parfois, politiques. Sur le plan européen, il se construira au travers d’une PAC dont les outils seront adaptés au contexte volatil qui est désormais celui dans lequel évoluent nos éleveurs.