Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’élevage bovin français traverse depuis de nombreux mois une crise grave. Dans nos campagnes, beaucoup d’exploitants sont au bord de la faillite.
Si nous voulons sauvegarder notre spécificité agricole et nos savoir-faire, il y a urgence à agir et, dans ce domaine, l’intervention de l’État est essentielle à différents niveaux.
Vous venez d’annoncer, monsieur le ministre, le 18 novembre dernier, le versement d’aides ponctuelles destinées à limiter les quantités de viande bovine mises sur le marché, cela afin de faire remonter les cours. En effet, la crise laitière met sévèrement en danger la production de viande bovine de qualité, en raison de l’afflux de vaches laitières dans les abattoirs.
Mais ces mesures ne suffisent plus pour sauvegarder une filière, fleuron de notre économie, qui représente des milliers d’emplois directs et indirects. La réponse à cette crise, qui n’est pas nouvelle, mais qui s’accentue inexorablement, doit être structurelle.
Depuis le début de cette crise, le Sénat travaille à proposer des mesures de long terme. Je suis élu des Deux-Sèvres, département où l’élevage bovin représente une part importante de l’activité agricole. Je rencontre des agriculteurs fiers de leurs savoir-faire, de leur production, mais qui désespèrent, n’arrivant plus à vivre décemment de leur travail.
L’État doit avant tout réduire les charges pesant sur les entreprises agricoles, qu’elles soient sociales, fiscales ou normatives. Nos agriculteurs croulent sous les normes sanitaires, sociales et environnementales, bien plus exigeantes en France que dans les pays voisins, et ils ne peuvent lutter à armes égales avec leurs concurrents. D’une manière générale, nous avons le don de sur-transposer les directives européennes ; c’est plus vrai encore dans le domaine de l’agriculture. Cela entraîne des surcoûts financiers importants et une perte de compétitivité de nos entreprises agricoles, par rapport à celles de nos voisins européens principalement.
Le Sénat a inscrit dans la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire une disposition prévoyant que, pour chaque norme nouvellement créée dans le domaine agricole, soit abrogée une norme antérieure, un bilan devant être établi chaque année. Malheureusement, cette proposition de loi n’est toujours pas adoptée.
L’État doit également accompagner la filière bovine dans l’amélioration de la valorisation de la commercialisation de la viande sur le marché intérieur, en facilitant l’achat de viande française par les collectivités territoriales et tous les partenaires publics. En effet, la restauration hors distribution, la RHD, est un marché important à reconquérir : 70 % de la viande servie est à ce jour importée. Il s’agit là d’un enjeu économique et sociétal majeur. La viande servie en RHD est majoritairement une viande de qualité inférieure provenant de pays voisins.
À titre d’exemple, les représentants de la filière bovine ont demandé à être reçus au ministère de la défense pour évoquer le sujet des achats des armées ; cette demande est restée sans suite à ce jour.
Dans un esprit identique, le Sénat a adopté la proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation et imposant à l’État et aux collectivités d’intégrer, dans la composition des repas, 40 % de produits issus des circuits courts ou répondant à des critères de développement durable, notamment des produits biologiques. Nous attendons toujours que le Gouvernement prenne ses responsabilités.
La réponse structurelle à la crise passe aussi par une démarche offensive à l’export. Accompagner la filière à l’exportation doit être une des priorités de l’État.
Nos agriculteurs, nos savoir-faire, nos territoires n’ont pas à pâtir des politiques étrangères de la France. Ainsi, l’attitude française à l’égard de la Russie leur cause un tort considérable, tout comme les restrictions aux exportations de bovins vers la Turquie, qui relèvent davantage d’une question de géopolitique que d’une préoccupation sanitaire.
Il est urgent que l’État travaille avec les filières à la mise en place d’une stratégie de conquête des volumes à l’exportation. D’ailleurs, la filière de l’élevage attend la réunion du comité d’exportation, qui ne s’est plus tenue depuis l’automne 2015.
Nous comptons sur une réaction rapide du Gouvernement. Monsieur le ministre, vous devez adresser un signe fort aux agriculteurs, qui sont aujourd’hui à bout.