Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous connaissons tous parfaitement la situation des différentes filières agricoles. La filière porcine, qui a connu des difficultés l’an dernier, a vu les prix se redresser, mais sa situation impose la poursuite des réformes structurelles. La filière laitière connaît, elle aussi, un début de redressement des prix, après que ceux-ci se sont établis à des niveaux extrêmement bas durant deux années.
Nous faisons tous le même constat. Quand on débat de l’agriculture, il y a deux éléments qu’il toujours avoir présents à l’esprit : les aides publiques à l’agriculture, européennes, nationales et, maintenant, régionales, d’une part ; le marché et les prix, d’autre part.
Le jeu de l’économie de marché influe sur l’équilibre des prix agricoles dans toutes les filières. Par exemple, quand j’ai pris mes fonctions au ministère de l’agriculture, en 2012, le prix de la tonne de céréales dépassait 200 euros ; il est aujourd'hui de 120 ou 130 euros. Le ministre de l’agriculture ne décide pas des prix, ni personne d’autre d'ailleurs.
La France est un grand pays producteur et exportateur de lait, sous forme de produits transformés, tel le fromage, ou peu transformés, telle la poudre de lait. Sur les 25 milliards à 26 milliards de litres de lait que nous produisons, de 7 milliards à 8 milliards sont exportés : j’invite ceux qui pensent qu’il suffirait de fermer notre marché aux importations pour le rééquilibrer à garder cette réalité à l’esprit. De ce fait, pour la poudre de lait en particulier, dont une grande partie est exportée en Asie – des industriels chinois investissent même en France dans des tours de séchage –, même une régulation européenne de la production ne nous prémunit pas totalement contre les déséquilibres de marché qui peuvent exister ailleurs dans le monde.
Il importe donc de considérer la situation d’ensemble des différents secteurs. Cela vaut aussi pour la viande porcine, qui est exportée en Chine. Le marché chinois, qui s’était contracté, s’est redressé, ce qui a entraîné un relèvement du prix de la viande de porc en France, en dépit de l’embargo sur les exportations vers la Russie.
La réforme de la politique agricole commune a été négociée en 2013. Tout le monde l’a oublié, mais il n’était pas évident d’obtenir que le budget de la PAC soit préservé. J’attends d’ailleurs de voir à quoi aboutiront les négociations qui se tiendront en 2020 !
Nous avons par exemple obtenu, pour la France, le doublement des fonds européens du deuxième pilier de la politique agricole commune. Notre discussion d’aujourd'hui serait sûrement tout autre si tel n’avait pas été le cas, ou si je ne m’étais pas battu pour obtenir le maintien des aides couplées à l’élevage, alors que la logique européenne était de découpler la totalité des aides. Ainsi, 680 millions d'euros ont été alloués à la prime à la vache allaitante, qui est absolument indispensable.
De même, l’indemnité compensatoire de handicap naturel, l’ICHN, va bénéficier du transfert de plus de 1 milliard d’euros. Le choix d’orienter une partie de ce montant vers l’élevage a fait débat au sein même de la profession agricole, certains se demandant s’il était opportun d’augmenter dans une telle proportion les aides à l’élevage dans la mesure où des opérateurs pouvaient anticiper cette augmentation en baissant les prix.
Aujourd'hui, les aides sont mieux réparties, ce qui aura une incidence sur l’ensemble du monde agricole. En 2019, au terme de la mise en application de l’ensemble de la nouvelle politique agricole commune – paiement redistributif, c'est-à-dire rehaussement des aides pour les cinquante-deux premiers hectares, compris –, 47 % des aides iront à 20 % des agriculteurs, contre 54 % en 2013 et 52 % en 2015. Cette répartition plus équilibrée des aides profite aussi aux éleveurs.