Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cette après-midi a pour objectif de favoriser l’émergence d’une coopération régionale moderne, efficace et pérenne, menée par nos collectivités ultramarines.
Trop souvent, nous nous plaignons dans cet hémicycle d’une vision trop centralisatrice et trop parisienne de nos politiques. Si la République est assurément une et indivisible, elle n’en est pas moins constituée de territoires dont chacun a ses richesses et ses spécificités.
S’agissant de l’outre-mer, ses richesses et ses spécificités sont nombreuses. Deux spécificités, en particulier, me viennent à cet instant à l’esprit : l’éloignement de ces territoires et leur étendue. De l’hémisphère sud à l’hémisphère nord, de l’Atlantique au Pacifique en passant par l’océan Indien, nos outre-mer sont éloignés de l’Hexagone et, nous le savons, se sentent souvent oubliés, alors même que certains disposent d’étendues maritimes ou terrestres particulièrement vastes.
Conscient de cette double spécificité, le Sénat, représentant tous les territoires de la République, a toujours veillé à prévoir pour les outre-mer des dispositions particulières. Nous sommes tous soucieux de ménager dans les lois les adaptations nécessaires. Toutefois, il existe des domaines où cette adaptation aux réalités locales reste perfectible, et notre action extérieure en fait partie.
De fait, il devenait urgent de dépoussiérer et de moderniser quelque peu notre vision d’une diplomatie dictée de Paris et éloignée des réalités régionales de nos territoires ultramarins. La présente proposition de loi nous offre l’occasion historique de reconnaître une spécificité ultramarine en matière de coopération.
L’objectif n’est pas de créer une diplomatie parallèle, comme certains ont pu le craindre ou le craignent encore ; ce serait, de toute manière, non conforme à nos institutions. Il s’agit de donner à nos collectivités d’outre-mer les moyens de s’inscrire naturellement dans leur environnement régional. Cette proposition de loi répond à un principe de réalité en faisant entrer nos outre-mer et notre diplomatie dans une modernité qui leur offrira une meilleure visibilité sur la scène internationale.
En élargissant la notion de voisinage et le périmètre dans lequel les collectivités territoriales ultramarines peuvent contracter avec des pays étrangers, la proposition de loi donne corps à une réalité que nul ne peut contester : la France ne se résume ni à sa seule métropole hexagonale ni à sa seule administration centrale parisienne. La France est riche de ses outre-mer, et ses pays frontaliers sont, tout autant que la Belgique, l’Italie, l’Allemagne et la Suisse, le Brésil et le Surinam, ou encore les Comores et Maurice. Son vaste espace maritime nécessite l’élaboration de coopérations régionales spécifiques. Les collectivités territoriales sont les mieux placées pour identifier et accompagner ces coopérations régionales.
Cette réforme permettra également à nos départements et régions d’outre-mer de renforcer leur intégration économique régionale, alors qu’ils ont souvent le privilège de se trouver dans des environnements géographiques émergents et très dynamiques. La nécessité pour ces territoires de commercer avec leurs voisins et de conclure des traités a été largement soulignée par les orateurs précédents. Les nouvelles possibilités qui leur sont offertes contribueront peut-être à les sortir d’économies encore trop figées, où les monopoles restent nombreux. De ce point de vue, les premiers articles de la proposition de loi ne sont que la reconnaissance et la traduction juridique d’une évidence et d’une réalité géographique incontestable.
Par ailleurs, la proposition de loi inscrit nos collectivités dans la modernité, en leur donnant les outils nécessaires pour mener une coopération régionale renforcée.
Plus précisément, elle permet aux collectivités ultramarines régies par l’article 73 de la Constitution de négocier plus facilement des accords avec un ou plusieurs États étrangers dans les domaines relevant de leurs compétences propres, en conformité avec un programme-cadre de coopération régionale adopté par leur assemblée. Ces outils juridiques, tout en étant conformes à notre Constitution – il n’y a aucune ambiguïté à cet égard – et soumis à une validation des autorités de la République, permettront aux territoires concernés d’être maîtres de leur destin régional et pleinement associés aux décisions prises dans leur aire géographique.
Enfin, la proposition de loi renforce la visibilité régionale de notre diplomatie. C’est, en somme, du gagnant-gagnant. En effet, le multilatéralisme auquel la France est particulièrement attachée passe également par des coopérations régionales renforcées. Pont entre l’Europe et les aires géographiques extraeuropéennes, nos collectivités ultramarines seront essentielles, à l’avenir, pour dynamiser et rénover notre action diplomatique, dans le respect de nos institutions républicaines.
En ce sens, la proposition de loi me paraît à la fois équilibrée et novatrice. Comme l’indique à juste titre notre collègue Mathieu Darnaud dans son rapport, ses dispositions « apportent la souplesse réclamée par les Ultramarins tout en l’inscrivant dans notre cadre constitutionnel selon lequel la diplomatie est un domaine régalien par excellence ».
En donnant une base légale à de futurs textes réglementaires qui valorisent les enjeux territoriaux de notre diplomatie, la proposition de loi contribue à moderniser notre action extérieure en évitant d’en faire un produit hors-sol, tout en favorisant des dynamiques concrètes sur le terrain, dans l’intérêt de nos concitoyens et de nos partenaires locaux. Certains territoires qui ont déjà la possibilité de conclure des accords en font d’ailleurs le meilleur usage.
Symbole du lien que nous devons tisser entre, d’une part, l’international et le national, et, d’autre part, le régional et le local, cette proposition de loi favorise l’émergence d’une diplomatie à la fois pragmatique et concrète, ambitieuse et moderne. Il s’agit d’une pierre essentielle sur la voie de cette diplomatie moderne dont la France a tant besoin et que j’appelle de mes vœux, comme nombre d’entre nous, sur toutes les travées.
Si certains de mes collègues de l’UDI-UC n’ont pas été convaincus par mes arguments…