Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous souscrivons tous à l’objectif du texte soumis à notre examen, ce qui n’est pas si fréquent. Il s’agit de reconnaître une activité diplomatique spécifique des collectivités territoriales ultramarines et de donner à celles-ci davantage d’outils pour la mettre en œuvre.
La situation géographique de ces territoires et leur histoire, à laquelle il a été fait référence, ont entraîné, d’une façon ou d’une autre, une proximité très forte entre eux et les États voisins, ce dont chacun se félicite. De fait, nos collectivités d’outre-mer ont souvent avec ces États une culture commune, mais aussi des défis proches à relever.
Donner à ces territoires une marge de manœuvre dans le développement de leurs relations culturelles, économiques et commerciales n’allait pourtant pas de soi ; il y a même fallu beaucoup de temps. C’est de longue date, en effet, que collectivités ultramarines demandent des compétences plus nombreuses pour conclure des accords et partenariats sans devoir attendre la validation du Quai d’Orsay.
Notre collègue Marie-Christine Blandin, ancienne présidente du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, se souvient encore très bien du déplacement qu’elle a effectué en Martinique en 1999 à la demande de Charles Josselin, alors ministre délégué chargé de la coopération dans le gouvernement Jospin. L’ambiance était tendue, sur fond de conflits sociaux liés à la crise de la pêche et au conflit dit « de la banane ». Selon notre collègue, cet épisode avait parfaitement démontré « l’absurdité » du cadre juridique de l’époque, qui ne permettait pas aux collectivités d’outre-mer d’avoir des relations commerciales directes avec leurs voisins immédiats.
S’ensuivirent des promesses du Premier ministre d’une plus grande autonomie, puis, en 2000, la loi d’orientation pour l’outre-mer, qui a marqué d’importantes avancées, déjà détaillées par les précédents orateurs. Mais Lionel Jospin lui-même, alors candidat à la présidentielle, fit le constat, lors d’une visite à La Réunion en 2002, qu’il fallait « aller beaucoup plus loin ».
Or nous voilà en 2016 ! C’est dire à quel point cette proposition de loi est attendue et mûrie. Selon nous, elle donnera aux collectivités une plus grande souplesse et des outils renforcés dans toutes leurs coopérations régionales ; elle garantira aussi une meilleure protection à leurs agents chargés de missions diplomatiques.
Les collectivités d’outre-mer sont, de fait, aux avant-postes de la diplomatie française, du fait de leur situation géographique. D’ailleurs, certains dirigeants de ces collectivités ont déjà rempli ce rôle. Je pense particulièrement à notre regretté collègue Paul Vergès, qui, comme président du conseil régional de La Réunion, s’était rendu dans différents pays africains voisins. C’est l’occasion pour moi de lui rendre hommage et de saluer Mme Gélita Hoarau, nouvelle sénatrice de La Réunion.
La diplomatie des territoires n’est plus un vague concept : elle est devenue une réalité sur la scène internationale, notamment dans les négociations sur le climat.
Cette reconnaissance du rôle des territoires, très forte dans l’accord de la COP 21, a été possible parce que ceux-ci ont fait la démonstration de véritables savoir-faire sur des actions concrètes, des bonnes pratiques et des connaissances fines des problématiques de la vie quotidienne des citoyens, donc d’une véritable légitimité. En matière d’action extérieure et de coopération décentralisée, les collectivités territoriales ont à jouer, et jouent d’ailleurs déjà, un rôle majeur. Souvenez-vous du rapport que notre collègue Michel Delebarre avait remis à Pascal Canfin, en 2013, sur le rôle des collectivités territoriales dans la préparation de la COP 21.
L’histoire et la situation géographique de nos collectivités d’outre-mer placent ces dernières dans d’excellentes conditions pour développer des coopérations régionales aux enjeux stratégiques, en particulier dans un domaine qui nous intéresse tout spécialement : la préservation des écosystèmes marins et terrestres, la biodiversité et la lutte contre le dérèglement climatique et les conséquences de celui-ci.
La montée en puissance d’une vision régionale de ces sujets est bien illustrée par la conférence régionale de l’océan Indien organisée en avril dernier à La Réunion par l’ambassadeur délégué à la coopération régionale, avec les représentants de La Réunion, de Mayotte et des Terres australes et antarctiques françaises et des agents des ambassades françaises des pays d’Afrique de l’Est : elle a mis au menu de ses discussions les enjeux liés au climat et à l’environnement, sous l’angle, notamment, de la préservation des ressources naturelles et de l’adaptation aux effets du changement climatique.
Le projet « Géothermie Caraïbe » est un autre exemple intéressant : financé par le programme européen INTERREG et mené par la région Guadeloupe en partenariat, notamment, avec la région Martinique, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie et l’Agence française de développement, il vise à développer la géothermie dans les Caraïbes, en premier lieu en Dominique.
On pourrait certainement multiplier les exemples innovants – je ne veux me fâcher avec personne… – qui montrent qu’il n’y a lieu que de se réjouir de voir les collectivités ultramarines enfin dotées de plus grandes libertés permettant une action concrète. C’est pourquoi l’ensemble du groupe écologiste – ce n’est pas si fréquent – votera la proposition de loi !