Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi une proposition de loi, adoptée en mars dernier par l’Assemblée nationale, qui nous importe particulièrement, à nous sénatrices et sénateurs, puisqu’elle touche aux collectivités territoriales.
Pendant un quart de siècle, le législateur a accompagné de façon empirique la volonté des élus locaux de valoriser leurs atouts à l’étranger et de construire des partenariats. Il s’agit à présent de surmonter les obstacles qui subsistent, tout en respectant le principe, posé par notre Constitution, selon lequel la conduite des relations internationales est un pouvoir régalien de l’État.
Si cette proposition de loi fixe, dans son article 1er, les cas dérogatoires à l’interdiction faite aux collectivités territoriales de conclure des conventions avec des États étrangers, son objet principal est de donner leur pleine efficacité aux facultés d’ores et déjà accordées aux départements, régions et collectivités d’outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution.
En effet, la loi leur permet déjà de représenter la France auprès d’organismes régionaux et parfois d’y adhérer en leur nom propre, mais aussi de participer à la négociation de traités internationaux et d’affecter des agents pour les représenter au sein des missions diplomatiques. La pratique a cependant montré que les procédures d’autorisation et de décision sont trop complexes, que la notion de voisinage est trop restreinte et que les agents territoriaux envoyés à l’étranger connaissent des difficultés matérielles nuisant à l’efficacité de leurs actions.
De là cette proposition de loi, qui ouvre la voie à une nouvelle étape. Les régions et départements d’outre-mer et les collectivités de Guyane et de Martinique agiront dans un cadre élargi aux continents voisins. Ils élaboreront des programmes-cadres de coopération régionale dans les domaines relevant de leurs compétences propres et négocieront et signeront plus facilement des accords. Par ailleurs, un statut donnera aux agents un minimum de sécurité.
Par leur ancrage géographique, les outre-mer ont constitué et demeurent l’avant-garde de la coopération extérieure des territoires. À des dizaines de milliers de kilomètres de l’Hexagone, ils partagent avec leurs voisins une part d’histoire, des cultures, des richesses et des fragilités communes.
Or leurs échanges avec eux restent faibles, en matière de santé, d’éducation et de culture comme de transport et de produits industriels et agricoles. De fait, les DOM ne représentent que 0, 5 % des exportations françaises ! Les pays voisins de la Guadeloupe lui achètent moins de 3 % de ses exportations et ne lui fournissent que 15 % de ses importations, le montant des transactions restant d’ailleurs très modeste.
Pourtant, nos collectivités ne sont-elles pas les mieux placées pour impulser dans leur environnement régional, très éloigné de l’Hexagone, des politiques adaptées à leurs réalités et aux aspirations des populations qui y vivent ?
Il faut organiser et réguler un codéveloppement mutuellement profitable. Les enjeux sont importants et les potentialités de croissance économique, réelles. Les défis sont cependant multiples et difficiles à relever, parce que, aujourd’hui, dans la Caraïbe comme dans l’océan Indien, les économies sont plus concurrentes que complémentaires.
Aussi l’action extérieure de nos collectivités ultramarines ne réussira-t-elle pleinement que si l’État, qui garde la maîtrise de la politique extérieure de la France, et l’Europe, dont des fonds ont vocation à soutenir nos économies ultramarines, mais dont les règlements sont parfois inadaptés, voire contraires à nos impératifs, agissent en synergie avec elles. La Réunion, Mayotte, la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe sont aussi la France, sont aussi l’Europe ! Les décisions prises à Paris, Bruxelles ou Strasbourg doivent donc aussi tenir compte de leur situation et préserver leurs intérêts.
Cette proposition de loi est nécessaire et, comme nous sommes contraints par le calendrier législatif, la commission des lois l’a adoptée conforme. Nous pourrions faire de même en séance. À titre personnel, même si j’entends tout à fait le souhait commun de la majorité sénatoriale et de la majorité gouvernementale de procéder ainsi, par-delà les clivages traditionnels, afin que cette proposition de loi soit adoptée définitivement avant la fin de la session parlementaire, j’avoue regretter un peu que la qualité rédactionnelle ait à en pâtir.
Les deux amendements que j’ai déposés visaient à illustrer mon propos. Nous légiférons beaucoup, et les textes se bousculent. Élaborés quelquefois dans la précipitation, ils peuvent contenir des maladresses ou des incohérences susceptibles d’entraîner des difficultés. Pour ce qui est des dispositions dont nous débattons, il se dit d’ores et déjà que des rectifications pourront être opérées dans le cadre de l’examen du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
Toutefois, pour ne pas nous faire perdre du temps inutilement et nous permettre d’adopter un texte conforme à celui de l’Assemblée nationale, je retirerai les amendements déposés en mon nom. Unanime, le groupe socialiste et républicain votera cette proposition de loi !