Intervention de Gisèle Jourda

Réunion du 22 novembre 2016 à 21h30
Normes agricoles et politique commerciale européenne — Adoption d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission

Photo de Gisèle JourdaGisèle Jourda :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos agricultures d’outre-mer sont prises en étau : d’un côté, l’ouverture croissante des marchés européens aux productions des pays tiers ; de l’autre, l’inadaptation du cadre réglementaire sanitaire et phytosanitaire aux besoins des producteurs locaux.

Je commencerai par le cadre réglementaire.

L’agriculture de nos RUP est fortement pénalisée par rapport à la concurrence des pays tiers pour l’accès et l’utilisation des produits phytosanitaires. Ce cadre réglementaire apparaît en effet à la fois rigide et inadapté. Les normes nationales et européennes sont conçues pour une application uniforme sur la base des seuls besoins du climat européen tempéré. L’Agence européenne de sécurité des aliments reconnaît d’ailleurs elle-même que les spécificités des régions ultrapériphériques ne sont pas prises en compte dans ses travaux.

Les entreprises agrochimiques sont également peu incitées à développer une offre spécifique de produits phytosanitaires pour des marchés de faible taille. Ainsi, seulement 29 % des besoins phytosanitaires sont couverts dans les DOM, contre 80 % en métropole. Les agriculteurs des régions ultrapériphériques sont souvent démunis face aux ravageurs et aux dévastateurs tropicaux, comme la fourmi manioc, que nos deux collègues ont déjà évoquée. A contrario, leurs concurrents des pays tiers peuvent avoir recours à une palette de produits beaucoup plus large dès lors qu’ils respectent les limites maximales de résidus de pesticides.

Vous le voyez, la compétition est donc déloyale. Cela menace nos trois grandes filières exportatrices : la banane, le sucre et le rhum.

La proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui, fruit d’un travail approfondi de notre délégation à l’outre-mer, sollicite tant notre gouvernement que la Commission européenne pour agir dans deux directions prioritaires.

En premier lieu, il faut prévoir un volet spécifique en milieu tropical – c’est vital ! –, afin d’assouplir le recours aux semences conventionnelles, à la culture sur claies et au traitement par des produits d’origine naturelle.

En second lieu, il s’agit d’obtenir une dispense d’homologation pour tous les moyens de lutte biologique, développés et validés par les instituts de recherche, afin de doter les agriculteurs de moyens de protection contre les ravageurs.

L’ouverture du marché européen à certains produits de pays tiers dont nos outre-mer sont de grands producteurs est un autre point sensible.

Ainsi, l’impact sur la filière de la banane des accords de libre-échange conclus en 2012 par l’Union européenne avec l’Amérique centrale et les pays andins est source d’inquiétudes. Ces accords prévoient une réduction substantielle des droits de douane à l’importation des bananes dans l’Union européenne. Depuis la mise en œuvre des accords avec ces pays, leurs exportations de ce produit vers l’Union européenne ont fortement augmenté et augmenteront encore avec l’arrivée de l’Équateur.

Certes, des dispositifs de protection sont prévus : une clause de sauvegarde bilatérale et un mécanisme de stabilisation. Mais, et c’est dramatique, la Commission européenne n’a jamais estimé opportun de recourir à ces outils, alors même que l’évolution du marché pouvait, à plusieurs reprises, le justifier.

La proposition de résolution européenne suggère opportunément quatre principales pistes d’action : l’activation sans délai de ces mécanismes par la Commission, donc la suspension des droits préférentiels dès que les seuils de déclenchement prévus dans les accords sont atteints ; la prorogation de ces mécanismes au-delà de la date butoir du 31 décembre 2019 ; la création d’observatoires des prix et des revenus pour les grandes filières exportatrices des régions ultrapériphériques ; la réalisation systématique par la Commission européenne d’études d’impact préalables des accords commerciaux sur les régions ultrapériphériques.

Mes chers collègues, la proposition de résolution européenne préconise des solutions de nature à rétablir un juste équilibre entre producteurs concurrents et une protection justifiée pour nos producteurs ultramarins. Votre commission des affaires européennes vous invite à l’adopter.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion