Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les régions ultrapériphériques françaises font, bien entendu, partie intégrante de la Nation. Mais eu égard à leur éclatement géographique, à l’exiguïté de leur territoire, à la faiblesse de leur marché d’exportation, à leur grande dépendance vis-à-vis de la France et de l’Europe en matière d’importation et à la fragilité de leurs économies en raison de phénomènes climatiques, ces régions doivent trouver des applications différenciées de la réglementation française et européenne pour mieux tenir compte de ces spécificités.
Je le sais, mes chers collègues, plusieurs régions de la France hexagonale connaissent certaines de ces difficultés, mais, à la différence de nos régions, elles ne les cumulent pas.
La délégation sénatoriale à l’outre-mer, sous l’égide de son excellent président, Michel Magras, s’est donc tout naturellement saisie de cette épineuse question des normes applicables en outre-mer et consacre le premier volet de son document y afférent à l’application des normes sanitaires et phytosanitaires.
La présente proposition de résolution fait donc suite au rapport d’information de la délégation adopté le 7 juillet dernier et intitulé Agricultures des out re-mer : p as d’avenir sans acclimatation du cadre normatif.
Les auteurs de ce rapport de qualité, Catherine Procaccia, Jacques Gillot et Éric Doligé, ainsi que Gisèle Jourda et Michel Magras ont souligné l’importance en termes d’enjeux socio-économiques de la production agricole dans les collectivités d’outre-mer que « l’éloignement de l’Hexagone et l’étroitesse des surfaces disponibles exposent au double défi de la réduction de la dépendance alimentaire et de l’identification de ressources de développement endogène. »
La production agricole de ces régions est menacée par la concurrence intense de pays tiers, liés à l’Union européenne par des accords commerciaux de libre-échange, ainsi que par l’application de normes sanitaires et phytosanitaires européennes et françaises bien souvent inadaptées aux besoins des producteurs locaux, les produits n’ayant pas été éprouvés en milieux tropicaux.
Aussi, le rapport évalue l’application de la réglementation européenne et française, dresse les défauts de procédures d’homologation et dénonce les lacunes des systèmes de contrôles des importations de productions agricoles de pays tiers. Il apparaît clairement à la lecture de ce document que les politiques en matière agricole peuvent se révéler particulièrement préjudiciables à nos régions en raison des contradictions intrinsèques qu’elles comportent et des distorsions de concurrence que celles-ci induisent.
La concurrence est d’autant plus déloyale quand les partenaires commerciaux de l’Union européenne n’appliquent pas les mêmes normes sociales, environnementales ou en matière de sécurité sanitaire. Les coûts de production sont moindres et les produits très probablement de moins bonne qualité, conséquence d’une rémanence plus longue des pesticides et autres produits chimiques.
L’usage déséquilibré des produits phytosanitaires par ces pays nuit à nos régions ultramarines, dont les producteurs se sont engagés dans une démarche volontariste, afin de réduire l’utilisation des produits chimiques, surtout après le désastre du chlordécone.
L’objet de la présente proposition de résolution est donc d’inciter à une prise de conscience des autorités françaises et européennes de la nécessité d’intégrer les spécificités des régions ultrapériphériques françaises, tout en augmentant le niveau d’exigence à l’égard des pays partenaires de l’Union européenne ; sans quoi, comme le souligne le rapport de Gisèle Jourda, la dynamique de montée en gamme entreprise par les producteurs de nos régions ultrapériphériques pourrait être réduite à néant.
Or il apparaît aujourd’hui que le maintien et le développement des parts de marché des producteurs ultramarins reposent particulièrement sur cette stratégie qualitative.
De même, la proposition de résolution prévoit que les accords de libre-échange entre l’Union européenne et les pays tiers et les instruments de défense de nos marchés doivent être reconsidérés.
D’une part, les critères et les procédures de déclenchement de la clause de sauvegarde spécifique doivent être revus, de manière que l’Union européenne puisse suspendre le droit de douane préférentiel prévu par les accords de libre-échange en cas de besoin. D’autre part, les mécanismes de stabilisation doivent être révisés, car, s’ils existent, ils sont inadaptés et n’ont jamais été actionnés, malgré l’importation massive de produits similaires qui perturbent effectivement le marché.
Dès lors, le groupe du RDSE soutient pleinement la proposition de résolution présentée par la délégation à l’outre-mer et se positionne clairement en faveur de la défense d’une agriculture ultramarine de qualité.