Le programme que je traite porte sur les crédits relatifs à deux actions principales que sont les musées et le patrimoine.
Le budget connaît cette année une augmentation très sensible de 6 % des autorisations d'engagement et de 4 % des crédits de paiement. Cela correspond à une augmentation des crédits de plus de 55 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de près de 34 millions d'euros en crédits de paiement (CP), pour un budget total de 964 millions d'euros en AE et de 903 millions d'euros en CP. Cette augmentation doit toutefois être regardée à la lumière des budgets précédents. Une baisse de plus de 20 % des CP du programme était intervenue de 2013 à 2016, soit une diminution de 100 millions d'euros. Cette différence est calculée à périmètre constant et tient donc compte de la budgétisation de la Redevance d'archéologie préventive (RAP) qui en a été déduite. L'augmentation du niveau des crédits en 2017 est donc un incontestable progrès au regard de la situation connue les années précédentes, même si elle ne permet pas de rattraper exactement le niveau de 2012, avec un recul des CP de 8 % en 2017 par rapport à 2012, hors RAP.
Ce rattrapage s'accompagne d'un rééquilibrage tant au profit des musées que du patrimoine. Les crédits de l'action 8 « acquisition et enrichissement des collections publiques » qui avaient été réduits de moitié en 2013 connaissent, par exemple, une augmentation de 12,24 %. Autre constat, des efforts budgétaires sont consentis pour financer la mise en oeuvre des mesures de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (dite loi CAP) : 7,9 millions d'euros de crédits d'investissement sont prévus pour accompagner la création des nouveaux sites patrimoniaux remarquables amenés à remplacer les aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine (AVAP), les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et les secteurs sauvegardés et l'élaboration de nouveaux documents de protection sur le périmètre de ces espaces.
Les auditions que j'ai conduites dans le cadre de la préparation de cet avis m'ont montré que les attentes des opérateurs, des associations et des professionnels restaient fortes et leurs inquiétudes vives.
Une première inquiétude financière est liée au désengagement des départements qui, dans un contexte de baisse des dotations, se concentrent en premier lieu sur leurs compétences obligatoires en matière sociale, indépendamment de leurs couleurs politiques. Les communes, qui possèdent 43 % du patrimoine protégé, que ce patrimoine soit inscrit ou classé, résistent mieux et financent plus de la moitié des aides émanant des collectivités territoriales.
La seconde inquiétude vient de la réforme territoriale résultant des fusions décidées de certaines régions et de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe). Beaucoup de professionnels s'inquiètent et pensent que la culture et le patrimoine vont servir de variable d'ajustement aux nouveaux budgets régionaux et que l'harmonisation des pratiques d'intervention dans le domaine culturel dans les régions fusionnées se fera par le bas.
La région Grand-Est, à la commission de la culture de laquelle je siège, n'a toutefois pas fait ce choix. Fruit de la fusion de trois régions, elle a décidé de s'aligner sur les règles de ces anciennes régions les plus profitables pour le patrimoine. Je souhaite qu'il en soit de même dans les autres régions car le patrimoine est un élément très important pour notre pays. Il s'agit, d'une part, de notre mémoire collective, dont la préservation est plus que jamais nécessaire pour surmonter les moments difficiles que nous vivons. Il s'agit, d'autre part, d'un puissant facteur pour notre économie. M. Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux (CMN) m'a rappelé, lors de son audition, le lien fort entre le patrimoine et le tourisme, et donc, in fine, entre le patrimoine et l'emploi. La restauration du patrimoine dans laquelle certaines entreprises que j'ai reçues se sont spécialisées m'ont expliqué qu'un millier d'emplois avait disparu dans ce secteur en France en 2015 et 2016. Outre les drames sociaux que l'on imagine, il s'agit de pertes de savoir-faire que l'on ne retrouvera jamais. Les troisième et quatrième entreprises de ce secteur en France sont actuellement en redressement judiciaire.
Les associations et professionnels appréhendent également un risque de sous-consommation des crédits votés. Les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ont été réorganisées, au même titre que les nouvelles régions. Ces réorganisations ont pu engendrer des retards dans la construction des dossiers et la consommation des crédits. La ministre de la culture nous a rassurés sur ce point, lors de son audition le 9 novembre dernier par notre commission, en indiquant qu'après un début d'année difficile, le taux de consommation des crédits était finalement redevenu normal, voire même un peu plus élevé que les années précédentes.
Les crédits alloués au CMN, qui gère de grands monuments emblématiques de notre pays, sont très insuffisants au regard des missions qui y sont associées. Ils représentent 19 millions d'euros alors que les frais annuels d'entretien et de restauration du CMN s'établissent depuis plusieurs années au-delà des 30 millions d'euros. Si le CMN a des réserves, elles finissent néanmoins par s'épuiser. Il a donc dû renoncer à mener en 2017 de très grandes opérations initialement prévues, au Panthéon, au Mont-Saint-Michel ou au domaine de Saint-Cloud. C'est regrettable quand on connaît le succès touristique qui suit généralement ces phases de restauration, comme le montre l'exemple récent de la villa Cavrois, avec de fortes retombées sur l'économie locale. Certaines opérations remarquables seront néanmoins réalisées cette année par le CMN, telles que l'achèvement des travaux du château de Ferney-Voltaire qui sera rouvert au public, la réhabilitation de l'hôtel de la Marine place de la Concorde à Paris et la poursuite des travaux de restauration du château d'Azay-le-Rideau qui a, de surcroît, souffert des inondations au printemps.
Les conséquences financières des attentats, qui résident, à la fois dans des pertes de ressources propres liées aux baisses de fréquentation et dans une augmentation de leur charges pour répondre aux obligations de mise en sécurité, sont également un sujet d'inquiétude. L'Arc de Triomphe, monument national le plus visité de France, a connu une baisse de 30 % de sa fréquentation et a nécessité du CMN des investissements importants, compte tenu du symbole qu'il représente. La question des baisses de fréquentation est une préoccupation majeure des institutions patrimoniales. Nous ne disposons pas de statistiques, mais le Musée du Louvre a beaucoup communiqué à ce sujet. Le ministère a donc voulu, cette année, faire un effort particulier au travers de ce budget pour accompagner la nécessaire mise en sécurité. 73 emplois nouveaux ont donc aussi été créés dans ce but au profit de l'ensemble des institutions patrimoniales dont 36 pour le seul CMN. Un dégel intégral de la réserve de précaution a, en outre, été demandé sur 2016 afin de compenser les baisses de fréquentation et les conséquences des inondations du printemps dernier pour ces institutions.
Dernier sujet que je souhaiterais aborder, la Fondation du patrimoine, dont la création est issue d'un rapport du sénateur Jean-Paul Hugot, ancien membre de notre commission. Son financement est assuré au travers des crédits levés par ses souscriptions, mais elle bénéficie également de 50 % du produit des successions en déshérence. Or ce produit a, en deux ans, chuté de 11 millions d'euros à 4,7 millions d'euros. Bercy explique cette baisse, notamment, par les évolutions technologiques récentes qui facilitent la recherche des héritiers. Devant cette diminution du produit, le Gouvernement a décidé d'en affecter 75 % et non plus 50 % au budget de la Fondation du patrimoine, pour couvrir ses dépenses de fonctionnement et abonder les opérations financées par souscription. Le rôle de cette fondation est indispensable, car c'est aussi elle qui permet de soutenir des projets essentiels pour le petit patrimoine rural, non protégé, qui ne bénéficie d'aucune subvention de l'État. La décentralisation avait entraîné la suppression des crédits d'État en faveur de ce patrimoine spécifique au profit des départements.
Pour conclure, l'augmentation du budget global est la bienvenue compte tenu de l'enjeu que représente le patrimoine, mais elle vient après plusieurs années de baisse qui ne sont que partiellement rattrapées. C'est la raison pour laquelle je propose à la commission de donner sur ce programme un avis de sagesse.