Intervention de Colette Mélot

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 23 novembre 2016 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2017 — Mission « médias livre et industries culturelles » - crédits « audiovisuel et avances à l'audiovisuel public » « presse » « livre et industries culturelles » et « audiovisuel extérieur » - examen du rapport pour avis

Photo de Colette MélotColette Mélot, rapporteur pour avis des crédits du programme « Livre et industries culturelles » :

Le programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles », est doté, dans le présent projet de loi de finances, de 276,9 millions d'euros de crédits de paiement.

Ils sont destinés, pour 94 %, à l'action 01 « livre et lecture », elle-même consacrée à 80 % à la subvention de fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France (BnF), hors chantier du quadrilatère Richelieu.

La BnF est ainsi dotée de 210,1 millions d'euros de subvention pour charges de service public, soit une légère augmentation de 1,6 % destinée à absorber les tensions sur la masse salariale liées à la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et aux mesures de sécurité mises en place après les attentats de l'an passé. Seront également financés des travaux d'entretien, menés par tranches pluriannuelles, du site François Mitterrand (renouvellement du système de sécurité incendie, mise aux normes des ascenseurs, modernisation du système de transport automatique des documents).

Parallèlement, l'interminable chantier du quadrilatère Richelieu se poursuit avec l'espoir d'être terminé en 2020. De 211 millions d'euros en 2011, le coût du projet est désormais évalué à 232,6 millions d'euros en raison d'aléas techniques et de contentieux divers, dont 80 % à la charge du ministère de la culture et de la communication. L'année 2016 a vu s'achever la première phase de travaux : les services de la BnF, l'Institut national d'histoire de l'art et l'École nationale des Chartes se sont installés à l'été et, d'ici à la fin de l'année, la salle de lecture Labrouste sera ouverte au public. Pour débuter la seconde phase de travaux, 8,7 millions d'euros d'engagement et 6 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits au présent projet de loi de finances, destinés notamment à la destruction, controversée, de l'escalier d'honneur au profit d'un ouvrage de taille plus raisonnable. Le coût exponentiel du chantier oblige parallèlement la BnF à faire appel au mécénat pour financer les nombreuses dépenses que l'État ne peut prendre en charge, soit environ 12 millions d'euros : la rénovation de la façade du bâtiment et des parties classées (salle ovale, salon Louis XV, galerie Mazarine) et la réfection des pavés de la cour.

Autre sujet délicat pour l'action 01 « livre et lecture » : l'atrophie continue des ressources du Centra national du livre (CNL), dont les subventions sont indispensables à nombre d'auteurs, de traducteurs, de libraires, comme aux bibliothèques et aux manifestations littéraires. Or, l'érosion du rendement des taxes (taxe sur le chiffre d'affaires des éditeurs et taxe sur les ventes d'appareil de reprographie) qui lui sont affectées pour mener ses actions mettent en danger leur avenir. Depuis 2015, disposant désormais de moins de 30 millions d'euros de recettes, le CNL réduit le montant des aides attribuées et le nombre de ses interventions. Compte tenu de l'importance du soutien de l'opérateur auprès des libraires les plus fragiles comme des auteurs qui exercent leur art dans un genre peu rentable (essai, poésie, théâtre en particulier), il est essentiel de trouver rapidement au CNL d'autres sources de financement. Attendons à cet égard les propositions que fera, rapidement espérons-le, la mission conjointement menée par l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et le Conseil d'État.

Pour ce qui concerne toujours le livre et la lecture, je souhaite enfin attirer votre attention sur la condamnation, par un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne en date du 16 novembre 2016, du mécanisme ReLire permettant la numérisation et la diffusion des livres indisponibles du XXe siècle, dont nous avions à l'unanimité voté le principe en 2012. La Cour a considéré que le dispositif n'entrait pas dans le cadre des exceptions et limitations au monopole de l'auteur prévues par la directive du 22 mai 2001 et qu'il ne garantissait pas suffisamment l'information effective et individualisée des auteurs concernés. Alors que 15 000 fichiers sont d'ores et déjà commercialisées et que les opérations de numérisation se poursuivent à grande échelle, sous l'égide de la BnF et avec le soutien financier du CNL, cette décision vient mettre un coup d'arrêt brutal à une opération utile, à laquelle le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 février 2014, n'avait rien trouvé à redire. Il convient donc de se mobiliser, mes chers collègues, pour que la révision prochaine de la directive du 22 mai 2001 rende possible la reprise du programme ReLire et, partant, la mise à disposition au public de milliers d'oeuvres indisponibles.

L'action 02 « industries culturelles » dispose quant à elle, comme je vous l'indiquais en préambule, d'une enveloppe fort modeste de 16,9 millions d'euros. Sur ce total, 5,3 millions d'euros bénéficient au secteur de la musique enregistrée, notamment pour doter le fonds de soutien à l'innovation et à la transition numérique, le fonds pour la création musicale et le Bureau export, ce dernier faisant, depuis 2016, l'objet d'un effort budgétaire louable, bien que limité. Par ailleurs, 2,6 millions d'euros contribuent à soutenir diverses manifestations de promotion du cinéma en région.

Enfin, et surtout, la Hadopi se voit doter de 9 millions d'euros. Certes, après des années de disette, il faut évidemment se réjouir de la consolidation, entamée en 2016 et que poursuit le présent projet de loi de finances, des ressources d'une institution dont l'efficacité demeure, dans un contexte où le piratage des oeuvres sur Internet n'a nullement cessé.

Mais l'effort apparaît en réalité en trompe l'oeil puisque la totalité des crédits supplémentaires affectés à la Hadopi en 2017, de l'ordre de 500 000 euros, sera versée, au terme d'un long contentieux et en application de la décision du Conseil d'État en date du 23 décembre 2015, aux fournisseurs d'accès à Internet en compensation des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations qu'ils assurent pour l'opérateur. Le montant exact de la compensation due sera prochainement fixé par décret ; s'il devait dépasser le niveau envisagé par l'Inspection générale des finances en juin dernier, la dotation de la Hadopi pour 2017 pourrait à nouveau s'avérer insuffisante pour mener à bien ses missions légales.

En tout état de cause, comme la ministre de la culture et de la communication l'a affirmé lors de son audition devant notre commission, il n'est aucunement question de renforcer les compétences de la Hadopi, et je le regrette, afin d'adapter ses outils et ses missions aux évolutions des modes de piratage. Dès lors, la question de son avenir, entre nécessaire adaptation, fusion avec un autre opérateur et suppression, se posera inéluctablement à nouveau.

Ma présentation ne serait pas complète, si je ne vous indiquais pas, qu'au-delà des modestes crédits qui leur sont dévolus au sein du programme 334, les industries culturelles sont bénéficiaires de dispositifs fiscaux dont l'efficacité n'est plus à démontrer : le crédit d'impôt pour les dépenses du jeu vidéo (17 millions d'euros en 2017), qui, depuis 2008, permet de préserver la productivité des studios français dans un contexte de concurrence exacerbée, et le crédit d'impôt en faveur de la production phonographique (8 millions d'euros en 2017) créé en 2006 en faveur de la création francophone.

Les actions menées et les dispositifs de soutien mis en oeuvre ont permis aux industries culturelles françaises, malmenées par la révolution numérique et la concurrence étrangère et sujet de notre plus vive inquiétude par le passé, de se moderniser et, finalement, de se maintenir. Livre, musique et jeu vidéo affichent désormais un optimisme non feint pour l'avenir, que j'ai pu constater au cours des auditions préparatoires à l'examen du présent budget. Il faut, mes chers collègues, nous en réjouir et saluer les efforts des professionnels qui, soutenus par des politiques publiques ambitieuses, ont permis aujourd'hui ce résultat.

Compte tenu de ces observations, mes chers collègues, je vous propose de donner un avis de sagesse à l'adoption des crédits du programme « Livre et industries culturelles», au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

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