Intervention de Gérard Mestrallet

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 23 novembre 2016 à 9h05
Audition de Mm. Alain Grandjean et gérard mestrallet sur les conclusions du rapport sur le prix du carbone remis à Mme La Ministre de l'environnement de l'énergie et de la mer chargée des relations internationales sur le climat

Gérard Mestrallet, président du conseil d'administration d'Engie :

Tout à fait d'accord. A essayer de ralentir le mouvement, on ne peut qu'être dépassé. Mieux vaut l'accompagner, voire l'anticiper. C'est l'option qu'a retenue Engie. Le coût financier est déjà là : nous avons dû faire des write off sur nos stranded assets : des fermetures d'actifs pour un montant de 20 milliards d'euros, qui n'ont donné lieu à aucun mouvement social. Ce n'est pas une perspective inquiétante, mais un mouvement en cours.

Notre rapport règle la question de la contradiction entre le prix bas du CO2 et les engagements environnementaux ; mais cela réclame une pression très forte, or la France n'a pas encore réussi à entraîner l'Allemagne. Dans le cadre du groupe Magritte, nous avons travaillé avec la Commission européenne lors de la rédaction du paquet Climat-énergie de 2014. La Commission, qui a adopté notre proposition d'un objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, nous a demandé de convaincre le Conseil européen de l'adopter. Si Mme Merkel nous a prêté une oreille attentive, le ministre allemand de l'économie et de l'énergie, Sigmar Gabriel, s'est montré plus réticent vis-à-vis du mécanisme de capacité.

Le principal émetteur mondial de dioxyde de carbone, RWE, qui fait partie du groupe Magritte, est lui-même favorable à un prix du CO2. Ce système est l'inverse d'une subvention, puisque l'entreprise commence par payer avant d'espérer se rembourser en répercutant le coût sur le prix de vente. Mais le monde de l'énergie est en train de basculer, sous l'effet des évolutions technologiques mais aussi sociétales ; c'est pourquoi nous avons besoin de dégager une vision, des lignes directrices pour l'avenir. Le corridor de prix du CO2 va dans ce sens ; la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité également.

Notre rapport propose de résoudre la contradiction entre le prix bas du carbone et les engagements pris à la conférence de Paris par la mise en place du corridor de prix. Comme ce n'est pas une taxe, sa mise en place ne nécessite pas l'unanimité des États européens. Il faut néanmoins convaincre des États comme la Pologne ou la Hongrie en leur offrant des compensations.

La Chine connaît des transformations environnementales très rapides. Grâce aux réseaux sociaux, les accidents de pollution sont désormais connus de tous et inacceptables socialement. Comme conseil du maire de Pékin, je puis vous indiquer que la ville va fermer toutes ses installations productrices de charbon, en commençant par la périphérie puis en progressant vers le centre. Une parenthèse : si le charbon émet du CO2 - qui n'est pas, en tant que tel, mauvais pour la santé - il émet aussi des particules, comme le diesel et le pétrole. Le gaz, lui, émet deux fois moins de CO2 et pas du tout de particules. De nombreuses villes font rouler leurs bus au gaz. La RATP met en service des bus à l'électricité et au biogaz.

Un marché du carbone a été mis en place à Shenzhen, que je connais moins, ainsi que dans six autres grandes villes dont Pékin, Canton, Shanghai et Chongqing (la plus grande agglomération du monde, avec 33 millions d'habitants...). Le moyen le plus rapide de réduire la pollution est de passer du charbon au gaz. Engie a remporté l'appel d'offres pour l'approvisionnement en gaz de Pékin, qui sera effectué par dix cargos ; le gaz sera stocké dans des terminaux ou distribué directement sous la ville par un réseau souterrain.

La France a à la fois un marché du carbone et une taxe, madame Didier. Le marché a été constitué au niveau européen pour les secteurs du ciment, de la production électrique, du pétrole, de la chimie et de la métallurgie. La sidérurgie, qui est plus exposée que l'électricité à la concurrence mondiale, bénéficie de quotas gratuits : attention à ne pas faire peser, sous prétexte d'être vertueux, une surcharge à des entreprises exposées à la concurrence. Le coût que ces mesures représentent pour les industriels nécessite des compensations spécifiques, qui sont prévues. Pour ne pas les inciter, cependant, à rester inactifs, la compensation ne sera intégrale que pour les entreprises qui utilisent de nouvelles technologies. Ainsi les industriels seront incités à moderniser leurs hauts fourneaux et leurs installations chimiques.

Il est vrai, monsieur Bignon, que les réticences sont difficiles à vaincre en Europe. Dans les pays émergents, la transition énergétique et la mise en place du prix du carbone appellent un financement et une assistance, eux aussi prévus par la COP21 sous la forme du capacity building. Cela consiste en un ensemble de pratiques, de méthodes, de formations pour les responsables de pays souhaitant s'engager dans cette voie.

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