rapporteur pour avis des crédits « Transports ferroviaires, collectifs et fluviaux » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - L'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2017 consacrés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux consiste à analyser trois séries de dispositions : une partie des crédits inscrits au programme budgétaire 203 intitulé « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ; les montants des fonds de concours attendus en 2017 pour les transports ferroviaires, collectifs et fluviaux, parmi lesquels figurent, au premier rang, les crédits de l'agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) ; et le compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionné de voyageurs », qui concerne les trains d'équilibre du territoire (TET).
Concernant les crédits du budget général de l'État, l'enveloppe accordée à SNCF Réseau, qui représente près de 80 % des crédits du programme 203, s'élève à 2,5 milliards d'euros, soit autant que l'année dernière. Elle couvre la redevance d'accès facturée par le gestionnaire d'infrastructure pour l'exploitation des trains express régionaux, les TER, des trains d'équilibre du territoire, les TET, ainsi qu'une participation de l'État pour l'utilisation du réseau par les trains de fret.
Sur cette dernière composante et depuis 2013, on constate des écarts très importants entre les sommes annoncées et les sommes effectivement versées par l'État à SNCF Réseau au titre de la compensation « fret » destinée à couvrir une partie des frais liés à l'infrastructure, pour éviter aux entreprises de transport de marchandises de subir une hausse trop importante des péages. En 2013 et 2014, l'État n'a financé que la moitié de ce qu'il avait annoncé, et en 2015, sur les 237 millions d'euros annoncés en loi de finances, seuls 37 millions ont été versés ! Cela oblige SNCF Réseau à s'endetter davantage - nous avons dépassé les 50 milliards d'euros - alors que l'utilisation du réseau doit normalement être financée par ses utilisateurs. C'est pourquoi, après avoir refusé, l'année dernière, de valider les tarifs des péages fret pour 2016, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) a émis les mêmes réserves cette année pour les péages de 2017 dans son avis du 6 juillet 2016 : « l'Autorité n'est pas en mesure de se prononcer sur la réalité de la tenue de [l']engagement [de l'État] et est, en conséquence, amenée à renvoyer à la fin de l'année la perspective d'une éventuelle levée de la réserve émise [à ce sujet] ». Notez la formulation euphémique...
Le Premier ministre s'est engagé sur le versement de 90 millions d'euros à ce titre en 2016. C'est un mieux, mais au regard des lignes budgétaires que nous avons connues dans le passé, le hiatus reste marqué. Nous devrons donc rester très vigilants dans ce domaine pour les années à venir, afin d'éviter une hausse supplémentaire des péages de fret et, partant, une baisse de cette activité.
Dans les crédits consacrés au soutien, à la régulation et à la sécurité des transports terrestres, près de 26 millions d'euros sont prévus pour compenser à SNCF Mobilités les tarifications sociales nationales imposées par l'État, et 15 millions d'euros sont dédiés au soutien au transport combiné ferroviaire, soit des montants très proches de ceux annoncés pour 2016. Notons que pour les transports fluviaux, la subvention versée à Voies navigables de France s'élève à 252 millions d'euros, un montant là aussi proche de celui adopté dans la loi de finances pour 2016 ; 7 millions d'euros sont destinés au soutien au transport combiné fluvial et maritime.
Enfin, 16 millions d'euros serviront à financer les dépenses transversales du programme « Infrastructures et services de transport », telles que les études et les dépenses de logistique de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) ou des services qui lui sont rattachés.
Concernant les fonds de concours apportés par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), 302 millions d'euros sont attendus au titre de la part de l'État dans les opérations des contrats de plan État-régions (CPER), dans le domaine des transports ferroviaires et collectifs, et 27 millions d'euros seront affectés à la mise en sécurité des tunnels et des passages à niveau. Il est regrettable qu'il n'y ait pas plus d'investissement dans ce dernier domaine, source d'accidents très souvent mortels.
La situation financière de l'Afitf est des plus préoccupantes. Son budget a été fixé à 2,2 milliards d'euros pour 2017, quand, de l'avis même de son président, il lui en faudrait 2,6 à 2,8 pour assumer l'ensemble de ses engagements. Si son budget n'est pas augmenté, elle devra, comme elle le fait malheureusement depuis plusieurs années maintenant, geler ou retarder la mise en oeuvre de certains projets, ou encore retarder leur paiement. À la fin de l'année dernière, l'agence avait ainsi accumulé près de 734 millions d'euros de dettes vis-à-vis de SNCF Réseau, ce qui engendre des frais financiers aussi importants qu'inutiles.
Qui plus est, ce budget de 2,2 milliards d'euros est optimiste du côté des recettes, comme l'a démontré la rapporteure spéciale de la commission des finances, Marie-Hélène des Esgaulx : les montants prévisionnels de la redevance domaniale et du produit des radars semblent supérieurs à ce que l'on est en droit d'attendre. En effet, pour les amendes radars, le Gouvernement prévoit 400 millions de recettes en 2017 alors qu'elles devraient s'établir autour de 320 millions d'euros seulement en 2016 - on comprend mal l'écart, sauf à penser que le nombre de radars, ou de mauvais conducteurs, soit destiné à augmenter...
En 2018, le besoin de financement de l'Afitf sera encore supérieur : au moins 3 milliards, et davantage si le budget pour 2017 n'est pas revu à la hausse. Comment ferons-nous face ?
Outre les opérations de modernisation des réseaux ferroviaires et routiers et les opérations inscrites dans les CPER, l'agence assume les dépenses relatives aux lignes à grande vitesse, y compris le versement des loyers prévus par les contrats de partenariat, les dépenses relatives au renouvellement du matériel roulant et la part de l'État dans les grandes opérations comme le Lyon-Turin ou le canal Seine Nord.
Ce manque de soutenabilité financière est problématique, dans la mesure où il risque de remettre en cause, à terme, le principe même de l'Afitf. Dans son référé de juin dernier, la Cour des comptes qualifie l'agence d'« instrument de débudgétisation » aux mains du Gouvernement, et lui reproche de ne pas avoir réussi à assurer le financement pluriannuel des investissements dans les infrastructures de transport.
Je partage le constat de la Cour des comptes sur l'absence de vision de long terme du Gouvernement quant au financement des infrastructures de transport. Témoin le scénario de l'écotaxe, que je rappelle brièvement. En 2013, l'État a commencé à réduire la subvention budgétaire qu'il versait à l'Afitf en prévision de l'entrée en vigueur de cette taxe, alors même que l'agence ne touchait pas encore les recettes correspondantes - cela a été le début de ses difficultés budgétaires. Fin 2014, l'État renonce à cette taxe poids lourds et augmente la fiscalité sur le gazole pour combler le manque à gagner pour l'Afitf qui reçoit, en 2015, 1,14 milliard d'euros à ce titre - mais, contrairement à ce qui avait été annoncé au départ, l'agence est contrainte de prendre en charge les 528 millions d'indemnisation versés à la société Ecomouv'... En 2016 et 2017, l'augmentation de la fiscalité sur le gazole est confirmée et même renforcée, mais la moitié du produit de l'augmentation décidée en 2015 est dérobée par Bercy pour financer d'autres dépenses. L'Afitf n'en perçoit plus que 715 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2016 et 735 millions d'euros dans le PLF pour 2017. Cela met gravement en cause le financement de nos infrastructures, facteur majeur de l'attractivité de la France.
Faut-il pour autant remettre en cause l'Afitf en elle-même ? Je ne le crois pas. Au contraire, il faut renforcer cette agence, qui a amplement prouvé son utilité ; et je me félicite de l'évolution de notre commission des finances sur ce sujet.
Fin 2015, l'agence avait engagé 33 milliards d'euros depuis sa création, dont 21 milliards étaient déjà payés. Elle favorise le report modal au plan financier, car ses recettes proviennent essentiellement du mode routier, quand deux tiers de ses dépenses concernent des transports alternatifs à la route (ferroviaire, transports collectifs, fluviaux ou maritimes). Cet outil financier sanctuarise les crédits affectés à nos infrastructures contre les pratiques de Bercy que je viens d'évoquer...
Je partage le souhait exprimé par la rapporteure de la commission des finances de renforcer le contrôle du Parlement sur le budget de l'Afitf. Les données fournies à ce sujet dans le projet de loi de finances ne sont qu'indicatives, puisque son budget est arrêté en décembre. Comme elle, je propose que son budget prévisionnel détaillé nous soit transmis en même temps que le projet de loi de finances, pour que le Parlement puisse effectuer un véritable contrôle. Ce serait une avancée démocratique.