Je présenterai, pour ma part, les crédits dépensés en faveur de l'enseignement : AEFE d'une part, et attractivité de l'enseignement supérieur et de la recherche française d'autre part.
S'agissant de l'AEFE, dont la subvention représente 55 % du programme, les crédits s'élèvent à 396 millions d'euros, en légère hausse, pour la première fois depuis 2013 (+0,43 %). Hors sécurisation toutefois, le budget de l'AEFE diminue de 13 millions d'euros.
Les travaux de mise en sécurité constituent une priorité et il faut se réjouir qu'ils n'aient pas à être imputés sur les dotations existantes mais fassent l'objet d'une dotation nouvelle, même si le solde n'est pas favorable.
Ces crédits, d'un montant de 14,7 millions d'euros, devraient permettre de répondre aux besoins, qui ont déjà été chiffrés poste par poste, à l'issue d'audits de sécurité : 9,5 millions d'euros serviront à financer des travaux dans les établissements en gestion directe ; 2,15 millions d'euros seront alloués aux établissements conventionnés et 3 millions d'euros aux établissements partenaires.
Le réseau de l'AEFE demeure attractif avec 336 000 élèves dont 62 % d'élèves étrangers et 38 % d'élèves français. Les effectifs ont augmenté de 13,5 % en cinq ans, les hausses les plus significatives étant observées en Asie-Océanie, et dans l'élémentaire.
La question qui se pose à l'AEFE est donc celle d'un réseau « à la croisée des chemins », comme le dit la Cour des comptes dans un rapport récent, réalisé à la demande de la commission des finances du Sénat : comment concilier le désengagement progressif de l'État et la hausse continue de la demande de scolarisation, sans remettre en cause un modèle fondé sur l'excellence, accessible aux familles, et qui est l'un des vecteurs majeurs de l'influence française dans le monde ?
L'AEFE s'emploie à résoudre cette équation, en suivant trois pistes :
- diversifier les sources de financement de l'agence, afin d'augmenter l'effet de levier de la subvention budgétaire. Les ressources propres reposent sur une participation financière complémentaire sur les frais de scolarité des EGD, et sur une participation des établissements à la rémunération des personnels résidents. Elles augmentent mécaniquement, du fait de l'augmentation moyenne de 2 % par an du nombre d'élèves dans le réseau. Cette diversification ne saurait toutefois se traduire par une augmentation des frais de scolarité, qui ont déjà fortement augmenté depuis 2008 (+ 37 % dans les lycées en gestion directe), alors que l'enveloppe consacrée aux bourses continue de baisser (passant de 115 à 110 millions d'euros en PLF 2017). Cette enveloppe, qui relève du programme 151, n'est, du reste, pas entièrement consommée, ce qui soulève des interrogations ; elle bénéficie en moyenne à 20 % des élèves français du réseau.
- élaborer une stratégie des ressources humaines assurant un nouvel équilibre entre les différents types d'emplois : expatriés, résidents et agents de droit local. C'est l'un des axes que la Cour des comptes invite l'AEFE à privilégier, avec néanmoins des difficultés qui nous ont été rappelées par les syndicats d'enseignants. Le nombre d'expatriés a déjà fortement diminué (-13 % en 6 ans), alors que le nombre de recrutés locaux est en forte croissance (+30 %). Par ailleurs, de nombreux postes de détachés demeurent non pourvus, d'une part car le statut de résident est insuffisamment attractif dans certaines zones et, d'autre part, en raison de blocages au niveau du ministère de l'éducation nationale qui refuse un certain nombre de détachements, en raison de la situation des effectifs dans les académies. Nous envisageons d'examiner plus en détail ces questions relatives aux ressources humaines, s'agissant notamment du recrutement et de la mobilité au sein du réseau AEFE, et nous vous proposerons, Monsieur le président, si vous en êtes d'accord, une communication à ce sujet.
- accroître l'offre complémentaire au réseau, pour répondre à l'augmentation de la demande d'enseignement français. Plusieurs dispositifs existent à cette fin, notamment le Label « FrancEducation », qui apporte une reconnaissance à des établissements étrangers ayant fait le choix de la langue française.
Les critères d'obtention de ce label ont été récemment assouplis, ce qui a permis d'augmenter le nombre d'établissements labellisés de 70 % en un an. 157 établissements bénéficient aujourd'hui de ce label dans 35 Pays. Cette démarche est intéressante si elle vient compléter et non se substituer au réseau AEFE.
Relevant du budget des affaires étrangères, l'AEFE n'est donc pas incluse dans le champ de la priorité nationale à l'éducation, ce qui est sans doute regrettable. Nous l'avions déjà dit l'an dernier : une implication plus grande du ministère de l'éducation nationale serait souhaitable. À ce titre, des réunions interministérielles MAE-MEN sur l'enseignement français à l'étranger sont organisées avec une fréquence croissante mais ne permettent pas d'aboutir à des résultats tangibles, susceptibles de garantir l'avenir de l'enseignement français à l'étranger dans de bonnes conditions.
S'agissant de l'attractivité de l'enseignement supérieur et de la recherche française, les crédits diminuent de 5,2 %. La subvention à Campus France est stable, après une baisse importante l'an dernier. En revanche les crédits des bourses continuent de baisser (-4,4 %).
La France demeure attractive. Le nombre d'étudiants étrangers accueillis en France (300 000) augmente (+3,2 % en 2015-2016), tiré par un marché mondial en pleine expansion (doublement du nombre des étudiants internationaux de 2000 à 2012).
La France reste le troisième pays d'accueil au niveau mondial, mais une rétrogradation est prévisible, suite à un changement des méthodes de comptage par le ministère de l'éducation nationale, qui devrait faire passer l'Australie, et peut-être aussi l'Allemagne devant la France, après les États-Unis et le Royaume-Uni.
L'objectif fixé à Campus France est de doubler le nombre d'étudiants étrangers pour passer à 600 000 en 2020.
Cet objectif paraît difficilement atteignable, alors que les crédits des bourses de mobilité étudiante continuent de décroître, après -40 % de 2004 à 2014. Les crédits votés en loi de finances ne sont pas reversés en totalité à Campus France et Campus France ne bénéficie pas du produit des Centres d'études en France (CEF), c'est-à-dire des frais de tests et d'entretiens versés par les candidats boursiers, qui sont gérés par les postes diplomatiques.
Ainsi, le nombre de boursiers du gouvernement français est de 12 900 en 2015, alors qu'il était de 15 400 en 2010.
Dans ces conditions, il paraît difficile de mener une politique d'influence autre que de tenter de maintenir l'héritage de l'histoire. Mais même là où l'enseignement supérieur français est traditionnellement attractif (en Afrique, d'où proviennent 45 % des étudiants en mobilité en France), l'influence de la France est soumise à forte concurrence. La mobilité internationale des étudiants s'est fortement accrue, avec une situation de plus en plus concurrentielle. On le voit en Afrique, où, par exemple, le Moyen-Orient a récemment renforcé son attractivité en développant une offre de bourses d'études vers les universités islamiques.
En Europe, nous subissons une très forte concurrence de l'Allemagne, actuellement cinquième pays d'accueil, qui dispose de moyens sans commune mesure avec les nôtres. Le budget total de l'agence de mobilité allemande (chargée de la mobilité entrante et sortante) est de 441 millions d'euros, alors que Campus France a un budget de 28 millions d'euros et gère 64 millions d'euros de bourses. La présence allemande en Afrique, en Syrie ou encore en Iran va se renforcer, au détriment de l'influence française.
Or nous continuons à penser que l'accueil d'étudiants étrangers en France reste une absolue nécessité, pour diversifier nos recrutements et nos compétences, notamment dans les domaines scientifiques. C'est aussi un outil d'influence. C'est, enfin, un apport économique, qui est évalué à 1,7 milliard d'euros net annuel.
Indépendamment des gouvernements, nous avons le sentiment, depuis une dizaine d'années, que la volonté de faire en sorte que la France puisse assumer totalement son rayonnement à l'étranger s'est atténuée. Les ambitions reculent au regard de la place à laquelle nous pourrions légitimement prétendre. Nous avions une ambition de rayonnement, qui a cédé la place à une ambition d'influence. Nous contenterons-nous demain d'une ambition de présence, voire de résilience ?