Comme élu d'un département rural, j'apprécie beaucoup votre évocation des brigades territoriales. En concertation avec vos chefs de groupement, êtes-vous prêt à revenir sur des décisions antérieures ou à stopper la mise en oeuvre de décisions en cours ?
Général Richard Lizurey. - La directive sur le temps de travail ne comprend aucune dérogation statutaire et concerne l'ensemble des forces armées. Elle est transposée en lien avec le Ministère de la défense et son dispositif s'applique de manière statutaire à l'ensemble de nos camarades des armées, peut-être à l'exclusion des OPEX. Je n'ai que peu d'emprise sur ce sujet politique en tant que directeur général de la Gendarmerie nationale. Ce sujet est venu sur la table suite à une plainte de l'un de nos personnels auprès des instances européennes et seule une discussion politique avec ces dernières est de nature à en assurer l'évolution. L'application de cette directive induit une dégradation du service. Le Gendarme est attaché à son statut militaire et souhaite le conserver. Ces contraintes ne reflètent nullement la préoccupation de l'ensemble de nos personnels qui sont engagés et disponibles.
Nous sommes attachés à la dualité des forces et je me méfie de la vision fusionnelle qu'on peut entendre çà et là. S'il est nécessaire de poursuivre une réflexion commune, il est nécessaire de respecter les compétences et les spécificités, parmi lesquelles la disponibilité qui est propre aux militaires et que je souhaite maintenir.
Au sujet des APNM, je rappelle que la loi leur confère une légitimité nationale, mais pas régionale, ni locale.
La brigade de contact n'est pas un sujet facile, car il nous faut évoluer dans notre mode d'action et rénover notre vision. Les gendarmes veulent retrouver leur métier et ne plus être pollués par un ensemble de tâches qui entravent leur présence sur le terrain. J'ai demandé aux commandants de groupement, il y a un mois, de porter ce sujet avec les élus qui doivent jouer un rôle essentiel dans ce redéploiement. L'intelligence locale doit l'emporter sur la vision nationale. Sur la partie dispositif, ce qui a été décidé n'a pas vocation à être revu puisque ces décisions ont fait l'objet de concertations préalables. En revanche, la Direction générale travaille avec les commandements de groupement pour gérer, au cas par cas, les opérations qui n'ont pas été décidées. Une telle démarche ne saurait interdire la dissolution de certaines brigades dans le temps. En effet, celles qui se trouvent en zone policière n'ont pas vocation à y être maintenues, pas davantage d'ailleurs, que celles qui menacent ruine. Les opérations immobilières - à savoir les 5 000 logements de 2016 et les 4 000 pour 2017 - s'avèrent urgentes et concernent le domanial ; l'immobilier locatif s'inscrivant dans une autre logique. Aujourd'hui, 99 millions d'euros ne sont toujours pas dégelés et je ne suis pas en mesure de payer des loyers depuis le mois d'octobre. Si ce dégel n'est pas mis en oeuvre, la charge sera reportée sur l'année suivante.
La situation à Mayotte est explosive et les véhicules blindés qui sont sur place ont jusqu'à cinquante ans d'âge. On ne dispose pas aujourd'hui des crédits nécessaires à l'achat de nouveaux véhicules blindés. Cependant, les véhicules blindés à roues de la Gendarmerie (VBRG) seront entretenus, tout en en projetant de la métropole. Cette situation est, à cet égard, valable pour tous les outremers. Il nous faudra également y déployer des véhicules de type Defender afin d'assurer la protection de nos personnels. L'augmentation de notre flotte d'hélicoptère, qui compte 56 appareils après la perte de l'un d'eux occasionnant le décès de quatre de nos camarades avant l'été, n'est pas à l'ordre du jour.
Le logiciel Minotaur a vocation à être partagé avec l'ensemble des réserves au travers de la Garde nationale. Il est également à la disposition des armées car il permet à chaque réserviste de déclarer ses disponibilités et de l'engager en conséquence de manière extrêmement souple. La Garde nationale a ainsi vocation à servir dans un cadre territorialisé. Je dois d'ailleurs m'en entretenir avec le Général de Raucourt. Plus que le rattachement des réservistes à une structure, il importe de préciser les missions qui leur seront confiées. Nos camarades de la réserve de la Gendarmerie nationale ont ainsi comme mission le renfort dans les opérations de sécurité auprès de la population. La Garde nationale en est encore à ses débuts.
Depuis le début du mouvement social de la Police nationale, je suis très attentif aux réactions de nos personnels qui sont en empathie avec les questions posées. Les risques évoqués concernent l'ensemble des forces et nous partageons un certain nombre de sujets communs. Aujourd'hui, la concertation nous permet d'échanger avec nos personnels, de dialoguer et de remonter des informations sans que pour autant les gendarmes ne soient obligés de descendre dans la rue. J'ai été marqué par le mouvement de 2001 que j'ai vécu en tant que commandant de groupement. L'idée est de ne plus arriver à une telle situation. Les gendarmes restent à la fois vigilants et confiants dans les moyens et le soutien hiérarchique qui leur sont accordés. Dans ce cadre, nous travaillons avec la Police nationale et l'Institut des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), plus particulièrement avec sa directrice, Madame Hélène Cazaux-Charles, pour aboutir à un texte régissant l'usage des armes commun à la Police et à la Gendarmerie. Nous venons de transmettre une proposition en ce sens, qui vise à maintenir notre cadre d'usage des armes et à y intégrer les fonctionnaires de la Police nationale. Une telle démarche me paraît aller dans le bon sens.
L'évolution du transfèrement judiciaire, auquel nous avions accordé il y a quelques années des ETP, ne s'est pas soldée par la fin de cette mission pour la Gendarmerie. Un rapport a été récemment rendu par les inspections qui évalue la nécessaire dotation en effectifs pour assumer cette mission. Nous sommes à ce sujet en pourparlers avec l'Administration pénitentiaire. Je suis déterminé à ce que, sur cette question, les choses reviennent dans l'ordre.
Enfin, s'agissant des commandes publiques de matériels, je suis tenu par le Code des marchés publics, lorsque j'engage des crédits.