Intervention de Jean-Pierre Raffarin

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 9 novembre 2016 à 9h05
Loi de finances pour 2017 — Audition du général pierre de villiers chef d'état-major des armées

Photo de Jean-Pierre RaffarinJean-Pierre Raffarin, président :

Mon Général, bienvenue. C'est un plaisir de vous retrouver, à l'occasion de l'examen du projet de budget 2017 de la défense.

En commençant cette audition je veux rendre hommage à notre 18ème soldat tombé au Mali la semaine dernière et à son régiment charentais.

Nous mesurons l'engagement de nos armées à la fois sur le territoire national et en OPEX et l'effort qu'il représente.

L'actualisation de la programmation militaire en juillet 2015 a marqué un début de retournement. Les décisions du conseil de défense du 6 avril sont venues les compléter. Nous voulons travailler à la poursuite de cette dynamique.

Pour 2017, les crédits augmentent, suite à l'arrêt des déflations et à la montée de la réserve, mais avec un mix de crédits, de recettes immobilières et de ces fameux « coût des facteurs », c'est-à-dire en fait d'économies sur le cours du pétrole. Il y a des inquiétudes sur la fin de gestion puisque la DGA est en cessation de paiement anticipée par rapport à l'année dernière, avec un niveau sans précédent de crédits gelés sur le programme 146. Nous faisons à nouveau face à un risque de report de charges massif pouvant compromettre la bonne exécution de la programmation. Sans parler du financement du surcoût net de 830 millions d'euros pour les OPEX et les OPINT en 2016, en cours d'arbitrage.

Mais ce qui nous inquiète vraiment, c'est la fin de la programmation : 2018 et 2019, avec un effet cumulatif pour à la fois moderniser la dissuasion, combler les lacunes capacitaires, financer les mesures annoncées en termes d'opérations intérieures, voire, comme certains le souhaiteraient, relever les contrats opérationnels ou accélérer la livraison de certains matériels ! À cet égard, les mesures catégorielles récemment annoncées (en fin de législature), pour justes et attendues qu'elles soient, auront un impact durable .... Les besoins principalement liés à Sentinelle pour 2018 et 2019 sont évalués par le rapport officiel du gouvernement à respectivement 1 milliard et 1,2 milliard d'euros en 2018 et 2019 - non financés et non programmés à ce stade-, la discussion étant renvoyée au prochain gouvernement.... Mon Général, je vous laisse la parole.

Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées. - Monsieur le Président, mesdames et messieurs les sénateurs, je voudrais vous remercier très sincèrement de m'accueillir, une nouvelle fois, au sein de votre commission. C'est pour moi autant un rendez-vous majeur qu'un honneur de m'exprimer devant vous pour vous délivrer quelques messages et répondre à vos interrogations.

Permettez-moi de vous dire, pour commencer, à vous, Monsieur le Président et à votre commission en totalité, toute ma reconnaissance pour votre soutien ferme et pour la dynamique que vous avez su créer autour des questions de Défense, tout au long de ces dernières années.

Vos interventions et vos prises de position ont toujours eu un écho important et constitué des bases solides et structurantes pour la préparation de l'avenir. Merci, donc, à nouveau, pour cette relation de confiance et cette convergence qui existent entre vous, sénateurs, et nous, militaires. J'y suis très sensible, ainsi que l'ensemble de la communauté militaire.

Suite aux attentats du 13 novembre dernier, le Président de la République a décidé, sous l'impulsion de notre ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, d'adopter un certain nombre de mesures fortes. C'est à ce titre que le Conseil de Défense du 6 avril 2016, a reconnu des besoins supplémentaires. Sa concrétisation repose également sur votre vigilance et votre engagement. C'est la raison pour laquelle j'attache la plus haute importance à nos échanges.

Pour moi, chef militaire, j'attends tout simplement du PLF 2017 qu'il garantisse la cohérence entre les menaces auxquelles nous faisons face, les missions qui nous sont confiées et les moyens qui nous sont octroyés. J'aborderai cette question en articulant mon propos en trois parties :

- le contexte sécuritaire, en intégrant un horizon stratégique qui dépasse la seule annuité budgétaire ;

- le PLF 2017, le coeur de notre sujet, aujourd'hui, en insistant sur ses caractéristiques essentielles ;

- mes points de vigilance. En toute transparence et vérité, comme d'habitude.

Pour commencer, donc : le contexte sécuritaire.

La dynamique stratégique mondiale est de plus en plus agressive et l'idée d'insularité stratégique de la France s'efface à mesure que la guerre se rapproche des portes de l'Europe.

Notre continent, et singulièrement notre pays, doivent faire face, désormais, à l'affirmation, de plus en plus évidente, non pas d'une mais de deux menaces qui sont distinctes, mais certainement pas disjointes :

- d'une part, le terrorisme islamiste radical : une idéologie qui envisage la violence barbare comme une fin. Au service de cet objectif, les terroristes islamistes mettent en oeuvre une stratégie totale qui leur permet de porter la guerre dans tous les champs : matériels et immatériels, religieux, politiques, sociétaux, culturels, économiques et, bien sûr, militaires ;

- à côté de cette réalité du terrorisme, il nous faut garder à l'esprit que subsiste, d'autre part, la menace qui résulte du retour des Etats-puissances. Aux portes de l'Europe, en Asie, au Proche et Moyen Orient, de plus en plus d'Etats mettent en oeuvre des stratégies qui reposent sur le rapport de force et le fait accompli ; beaucoup réarment. La liberté de circulation et la liberté d'action, dans le respect du droit international, que nous tenions pour acquises, sont remises en cause par le phénomène du déni d'accès. Il y a là un risque majeur de déstabilisation qu'on aurait tort d'ignorer ou, tout simplement, de sous-estimer.

Au global, les rapports de puissance qui existent entre nous et nos adversaires potentiels - je parle ici autant de l'ennemi terroriste que des Etats-puissances - sont profondément modifiés. Ils ont déjà conduit à un engagement accru de nos armées.

Cet engagement vise à préserver nos intérêts. Au quotidien et dans la plus grande discrétion, il passe, vous le savez, par les postures permanentes de sûreté aérienne et de sauvegarde maritime mais aussi, bien sûr, par la dissuasion nucléaire.

L'engagement de nos armées passe ensuite, et bien évidemment, par nos opérations extérieures, dont je tiens à vous faire un très rapide tour d'horizon.

Au Sahel, je crois que nous pouvons être fiers du rôle que la France a tenu depuis l'opération Serval pour contrer l'installation et le développement d'un sanctuaire djihadiste. La semaine dernière a été dure avec trois attaques contre nos forces, un sous-officier tué et cinq soldats blessés. Je tiens à leur rendre hommage avec mon coeur et mes tripes de CEMA.

La force Barkhane poursuit résolument son action contre les terroristes, tout en s'appuyant, jour après jour, sur son partenariat avec les forces du G5 Sahel qui montent en puissance.

Cette approche transrégionale et transfrontalière de la lutte antiterroriste, telle que nous l'avons conduite en BSS a, désormais, valeur d'exemple. Le 17 octobre dernier, à Washington, les chefs d'état-major du G5 ont d'ailleurs été invités à témoigner des résultats obtenus dans la lutte contre les organisations terroristes grâce à ce type d'approche. Il y avait, dans la salle, 43 pays représentant les cinq continents et incarnés par leurs chefs d'état-major respectifs. J'y étais et ce fût un honneur et un bonheur d'entendre mes amis africains parler de notre partenariat élargi.

Nous savons, cependant, que les succès militaires enregistrés dans le cadre de cette stratégie n'auront d'effets durables que s'il existe une volonté politique forte de les exploiter. C'était le thème de notre dernière université d'été de la défense ; je n'insiste pas.

Sur la Libye, quelques mots, là encore. La situation y reste très préoccupante. Les difficultés des deux parties à s'entendre enferment le pays dans une impasse, alors que le combat contre notre ennemi commun, Daesh, qui compte une force résiduelle estimée à 700 djihadistes, est loin d'être terminé.

Après le Sahel et la Libye, le Levant. Là encore, le combat contre Daesh continue. Le groupe aéronaval y contribue de manière déterminante, depuis quelques semaines, en complément du remarquable travail réalisé par l'armée de l'air, depuis plus de deux ans maintenant. Nos avions sont fortement sollicités, par la coalition, pour l'opération de reconquête de Mossoul comme en atteste notre consommation de munitions qui a été multipliée par trois depuis la mi-octobre. Au sol, un groupement tactique d'artillerie complète notre dispositif d'appui par le feu, aux forces irakiennes. Cet appui direct vient s'ajouter au soutien en termes de formation qui dure depuis deux ans.

Reste que la multiplicité des acteurs et la diversité de leurs agendas fait peser des risques d'escalades entre les différents acteurs. Il restera sur ce plan à analyser en profondeur les conséquences des résultats des élections américaines dans les semaines qui viennent. En outre, la question de l'après-Daesh demeure entière. Là encore « gagner la guerre ne suffira pas à gagner la paix ».

Je terminerai ce tour d'horizon par notre engagement terrestre sur le territoire national. La menace terroriste est réelle. Face à elle, notre réponse ne cesse de s'adapter. Durant ces trois derniers mois, en étroite coordination avec le Ministère de l'Intérieur, nous avons fait trois progrès essentiels pour l'opération Sentinelle, dont nous n'avons peut-être pas assez parlé :

- nous sommes redescendus à 7 000 hommes, tout en conservant une réserve stratégique de 3 000 ;

- nous avons rééquilibré notre dispositif à 50-50 entre Paris et la province ;

- et surtout, nous avons abandonné la posture statique, héritée de Vigipirate. Désormais, la quasi-totalité de nos forces patrouille en dynamique, ce qui rend les missions beaucoup plus valorisantes et efficaces, et nos soldats moins vulnérables.

Notre objectif est bien de garantir une utilisation optimisée de nos moyens et de nos savoir-faire ; en d'autres termes : mettre nos spécificités au service de la protection de nos concitoyens sur le territoire national, dans une logique de complémentarité avec les forces de sécurité intérieures.

Au terme de ce tour d'horizon de nos opérations, j'observe que, partout, la guerre s'étend au-delà des limites qui lui servaient de cadre. Les équilibres sont durablement bousculés et appellent un engagement accru de nos armées. 30 000 soldats sont aujourd'hui en posture opérationnelle. C'est beaucoup dans la durée.

Je vois deux conséquences immédiates à cette tendance lourde :

- d'une part, il nous faut travailler au renforcement de la coopération entre les pays européens, en s'appuyant en particulier sur le pilier franco-allemand, mais aussi, simultanément, sur les accords de Lancaster House. Dans cet esprit, nous avons initié, avec mes homologues anglais et allemands, un cycle de rencontres à trois. Nous n'avons d'autre choix que de poursuivre dans cette voie suivant une approche raisonnable et pragmatique.

- d'autre part, nous devons, tout à la fois, nous assurer que nos armées disposent bien des ressources dont elles ont besoin pour assurer leurs missions actuelles, mais également dans la durée, car nos engagements risquent d'être longs. Ils nécessiteront un effort de guerre.

Cela m'amène à ma deuxième partie consacrée à ce qu'autorise le PLF 2017.

Le PLF 2017 accorde aux armées, directions et services les moyens strictement nécessaires à l'exécution de leurs missions actuelles ; en stabilisant les ressources à 1,77% du PIB, il préserve la cohérence de notre modèle d'armée qui a prouvé toute sa pertinence et qui repose, je le rappelle, sur l'équilibre subtil entre les cinq fonctions stratégiques : dissuasion, protection, intervention, connaissance-anticipation et prévention.

En termes de ressources, le PLF 2017 est conforme à la LPM actualisée et permet de financer les besoins reconnus en Conseil de Défense, avec un budget de 32,68 milliard d'€, soit 600 millions d'€ supplémentaires par rapport à la LFI 2016.

Il consacre les trois priorités suivantes :

- 1ère priorité : les effectifs. Le conseil de défense a acté la sauvegarde de 10 000 postes sur la période 2017-2019, qui s'ajoutent aux moindres déflations de 18 500 postes décidées précédemment. Pour le PLF 2017, cela se traduit par la création nette de 400 postes en 2017, alors que 2 600 postes devaient être supprimés.

- 2e priorité : la consolidation au profit du capacitaire avec 17,3 milliards d'euros, en augmentation de 1,8% par rapport à 2016, avec un effort marqué sur l'infrastructure, en raison de l'arrêt des déflations, ainsi que sur les munitions et les équipements individuels.

- 3e priorité : le renforcement de la fonction « connaissance et anticipation » avec un effort en hausse de 20 millions d'euros, soit +8% par rapport à 2016.

Ces points méritaient d'être soulignés. Ils attestent de la prise en compte des besoins immédiats liés à l'engagement accru de nos armées.

Néanmoins, l'annuité 2017 reste soumise à plusieurs risques et je me dois de vous en faire part en toute vérité :

- d'abord, la consommation de 250 millions d'euros de ressources issues de cessions, dont 200 millions d'euros de cessions immobilières, soit 100 millions d'euros supplémentaires, alors que nous connaissons le caractère éminemment aléatoire de ce type de ressources ;

- ensuite, les 205 millions d'euros de gains liés au coût des facteurs identifiés comme source de financement d'une partie des décisions prises en Conseil de défense ; il faudra être vigilant en gestion sur ce point ;

- puis, troisième risque, les surcoûts liés à la Garde nationale. Pour 2017, ce sont de l'ordre de 45 millions d'euros qu'il faudra ajouter en LFR ;

- enfin, le financement des mesures catégorielles qui pourraient être décidées dans le cadre du CSFM du 16 novembre prochain.

A ces risques qui pèsent sur l'annuité 2017, il me faut ajouter deux points d'attention majeurs : d'une part, le financement des besoins reconnus par le conseil de défense du 6 avril dernier, au-delà de l'annuité 2017 et, d'autre part, la fin de gestion 2016, point particulièrement d'actualité aujourd'hui.

- 1er point, donc, les besoins reconnus en conseil de défense.

Je viens d'évoquer devant vous la fragilité de la couverture des 775 millions d'euros de besoins reconnus à financer dès 2017. Mais au-delà de l'annuité 2017, la couverture des besoins pour 2018 et 2019 - qui se montent respectivement à 1 milliard d'euros et 1,2 milliard d'euros - est renvoyée aux négociations budgétaires des deux prochaines années. Il convient donc de sécuriser la ressource avec un éclairage pluriannuel pour ne pas « tuer dans l'oeuf » l'effort de remontée en puissance à venir. En conséquence, je considère que le rapport d'information sur la programmation militaire pour les années 2017 - 2019 constitue le socle de référence pour les besoins reconnus en conseil de défense et non encore honorés.

- 2e point, après le conseil de défense, la fin de gestion 2016.

C'est elle qui conditionne la sincérité du PLF 2017. Si la fin de gestion n'est pas en cohérence avec la loi de finance initiale, l'ensemble de l'édifice « PLF 2017 », dont j'ai souligné les fragilités intrinsèques, s'effondrera.

Les crédits de la mission Défense doivent impérativement être au rendez-vous en fin de gestion 2016, selon le volume prévu, soit 33,5 milliards d'euros, conformément à la LFI de 32,1 milliards d'euros auxquels il faut ajouter 590 millions d'euros de reports de crédits de 2015 et 830 millions d'euros de surcoûts liés à l'engagement massif des forces armées en opérations, ainsi que l'a rappelé le Ministre de la Défense lors de son intervention à l'Assemblée nationale, le 2 novembre dernier.

J'ajoute, qu'en raison de la fragilité de l'équilibre trouvé en 2016, la Défense doit être exonérée de la cotisation interministérielle au titre de la Loi de finance rectificative de fin d'année. Toute autre option reviendrait à mettre en cause la sincérité du PLF 2017, alors même que nous sommes fortement engagés dans des opérations très lourdes.

Ainsi, comme vous le voyez, le costume reste taillé au plus juste, au moment même où le contexte sécuritaire est profondément bouleversé et alors que les principales ruptures capacitaires acceptées lors de la construction de cette LPM sont devant nous.

Cela me conduit naturellement à ma dernière partie, relative à mes points de vigilance.

Dans l'immédiat, j'ai trois préoccupations principales : le moral de nos armées, la transformation de notre modèle de ressources humaines et la protection de notre personnel et de nos installations militaires. Au-delà, nous sommes face à un impératif : ce que j'appelle l'effort de guerre.

- 1er point de vigilance : le moral.

Je l'évoque à chacune de mes auditions, car il constitue une part déterminante de la capacité opérationnelle des armées.

Comment va le moral de nos armées ? Il est aujourd'hui contrasté : porté par les opérations, il est néanmoins fragilisé par des motifs d'insatisfaction liés à la conciliation vie professionnelle - vie privée, mais aussi parfois aux conditions de travail.

Dans ce contexte, je constate que les hommes et les femmes qui servent dans nos rangs, avec un sens aigu du service, attendent de justes compensations des efforts consentis.

Nous avons, donc, un devoir de vigilance absolue sur ce sujet. Le manque de moyens au quotidien, les difficultés de la famille à gérer l'absence accrue et les difficultés du conjoint à accéder à l'emploi contribuent, directement, à la fragilisation du moral.

Sur cette base, des mesures ont bien été prises. Ainsi, en 2017, 207 millions d'euros de dépenses catégorielles nouvelles, par rapport à 2016, ont été intégrées en programmation, dans deux directions :

- 1ère direction : la compensation de la « suractivité » : avec la création de l'indemnité d'absence cumulée à partir de 150 jours et l'élargissement de l'assiette de l'indemnité pour sujétion spéciale d'alerte opérationnelle (AOPER), dont le montant a, en outre, été doublé, cet été, en passant de 5 euros à 10 euros par jour.

- 2e direction : l'équité interministérielle : avec la transposition du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations, pour le personnel militaire et le personnel civil.

Mais certaines mesures, dites d'équité, très attendues restent incertaines, comme la transposition du protocole adopté pour la gendarmerie, avec, en particulier, la monétisation de cinq jours supplémentaires d'ITAOPC (85 euros par jour). Le CSFM du 25 novembre constituera, sur ce plan, un rendez-vous majeur à ne pas manquer. Il y a là un enjeu, tout à la fois, humain et opérationnel.

- 2e point de vigilance : la réussite de la transformation de notre modèle RH.

A chacune de mes fréquentes rencontres avec la jeunesse qui est dans nos rangs - y compris quand c'est depuis quelques jours à peine - je constate combien elle est enthousiaste et combien son potentiel est prometteur. Je crois fermement en ses qualités. J'apprécie son état d'esprit. Nous avons une responsabilité vis à vis d'elle : celle de la former et de la faire grandir avec sérieux et professionnalisme ; car, elle est notre plus grande force.

A cet effet, avec les chefs d'état-major d'armée, nous voulons un modèle plus dynamique dans ses flux, mieux pyramidé, plus souple, plus attractif. Nous voulons rétablir la cohérence entre le grade, les responsabilités et la rémunération. Nous voulons mettre davantage de transparence dans la gestion et multiplier les passerelles entre l'institution militaire et le monde civil. Je vous en ai déjà parlé plusieurs fois.

Ce modèle RH intègre, également, un volet spécifique pour la réserve, vivier de multiples compétences, pivot du lien armée-nation et précieux renfort pour les armées.

L'objectif est d'atteindre une capacité de déploiement sur le territoire national de 1 500 réservistes par jour avant la fin de l'année 2018. Aux réservistes, il convient d'apporter une réponse en termes de lisibilité de carrière et de perspective d'évolution.

De ce point de vue, la création de la Garde nationale représente une réelle opportunité en termes d'attractivité et de parcours de carrière pour nos « militaires à temps partiels ». C'est une avancée que nous attendions depuis longtemps. Je suis prêt à répondre à vos questions sur ce point, si vous le souhaitez.

- 3e point de vigilance : la protection de notre personnel et de nos installations militaires.

La menace terroriste qui pèse sur notre pays vise aussi les militaires pour ce qu'ils représentent. Nous devons prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer la sécurité de nos installations, de nos personnels et de leurs familles. Il s'agit de se protéger sans se retrancher.

Le personnel affecté sur chaque emprise doit rester le premier acteur d'une défense collective, cohérente et coordonnée.

Un effort doit également être produit en termes de durcissement des infrastructures. Ce sera le cas en 2017 et 2018 grâce à la priorité, actée en programmation. Il faudra poursuivre les opérations engagées au-delà de 2018. Cela passera nécessairement par des dépenses d'infrastructures et de personnel militaire supplémentaires.

Au-delà de ces trois points de vigilance, j'identifie un impératif : l'effort de guerre.

Autrement dit, le prix de la paix. La nécessité de mettre la Nation tout entière en « ordre de bataille », fait désormais consensus.

L'actualisation de la loi de programmation militaire 2014-2019 a marqué une première étape en mettant un terme inédit à la tendance baissière des trente-cinq dernières années. Désormais, cet effort doit se traduire par une hausse progressive du budget de la défense pour rejoindre la cible de 2% du PIB, pensions comprises, durant le prochain quinquennat, si possible dès 2020 (soit à cette échéance, 41 milliards d'euros constants 2017, auxquels il faudra ajouter les pensions).

Cet effort, qui correspond, d'ailleurs, à un engagement international de la France et de ses partenaires de l'OTAN, a le mérite de la clarté. Il doit compenser l'usure accélérée du modèle.

Mon constat est que, dorénavant, cet effort ne pourra être ni allégé, ni reporté, en dépit de la complexité de l'équation budgétaire étatique, en particulier dès 2018. Il vise l'atteinte de trois objectifs qui tous concourent à la robustesse et à l'efficacité de nos armées :

- 1er objectif : « boucher les trous », c'est-à-dire récupérer des capacités auxquelles nous avions choisi de renoncer temporairement, pour des raisons budgétaires, à un moment où le contexte sécuritaire l'autorisait. La liste des capacités concernées est claire. Je vous l'épargne mais nous pourrons y revenir lors des questions.

- 2e objectif : aligner les contrats opérationnels simplement sur la réalité des moyens que nous engageons aujourd'hui. Ces contrats, détaillés dans le Livre blanc, sont désormais en-deçà de l'engagement réel et actuel de nos forces. Cette situation de distorsion, commune à nos trois armées, n'est pas tenable.

- 3e objectif : assurer l'indispensable crédibilité de la dissuasion nucléaire par le renouvellement successif de ses deux composantes, océanique puis aérienne. Pour être soutenable, l'effort doit être lissé sur les quinze prochaines années ; il en va de la cohérence de notre défense au moment du retour des Etats-puissances. Différer cette décision acterait, en réalité, un renoncement coupable.

Je considère, qu'en maintenant l'effort de défense à 1,77% du PIB, le PLF 2017 permet d'éviter le décrochage de nos moyens par rapport à la menace et à nos missions. Ce faisant, il constitue une base crédible pour amorcer la remontée en puissance et l'accroissement de l'effort de défense qu'avec les trois chefs d'état-major d'armées nous appelons de nos voeux, dès 2018. Autrement, ce serait un autre modèle pour d'autres ambitions, à revoir à la baisse bien sûr.

Mesdames et Messieurs les Sénateurs, pour conclure, vous le voyez, nous sommes entrés dans des temps difficiles et incertains.

Les perspectives sécuritaires sont dégradées. Les guerres actuelles dureront. Les foyers de crises se multiplient aux portes de l'Europe. Les Etats-puissances développent des stratégies de plus en plus offensives et le terrorisme djihadiste frappe jusque sur notre sol.

Désormais, il n'est plus possible de « tenir la guerre à distance » ni de la « cantonner dans un cadre strict ».

Il faut, plus que jamais, conserver la garde haute !

C'est, d'ailleurs, ce que pressentent nos concitoyens. C'est ce à quoi travaillent quotidiennement nos soldats.

Je crois que nous pouvons être légitimement fiers de ce que réalisent - et de ce que sont - nos armées, directions et services.

Fiers, d'une part, parce que nos armées ont su s'adapter, en temps réel, au durcissement de la donne sécuritaire. Les opérations que nous menons - interarmées, interalliées - attestent de la maturité de nos forces.

Fiers, d'autre part, des hommes et des femmes qui ne comptent pas leurs efforts et qui sont d'ailleurs un signe d'espérance pour notre jeunesse.

Je vous remercie encore du soutien sans faille dont votre commission a gratifié les armées, pendant toutes ces dernières années, pour leur donner les moyens d'agir. Vous pouvez compter sur mon engagement personnel et ma totale loyauté. Je nous sais tous ici habités d'une seule ambition : le succès des armes de la France au service d'une paix d'avance !

Je vous remercie et suis prêt à répondre à vos questions.

Merci beaucoup, Monsieur le Chef d'état-major. Engagement, pugnacité, loyauté : vous incarnez bien votre message. Il est ferme et clair sur les enjeux des prochaines années.

La parole est à mes collègues, pour les questions.

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