Le projet de loi de finances pour 2017 place le budget de la défense dans la situation rare d'un niveau de crédits supérieur aux prévisions de la loi de programmation militaire (LPM), révisée à la hausse en juillet 2015 avec le soutien de la majorité du Sénat.
Avec une prévision de plus de 32,68 milliards d'euros en crédits de paiement et hors pensions, le budget de la défense dépasse de 609 millions d'euros la dotation prévue en loi de finances initiale pour 2016, et de 417 millions d'euros la prévision de la LPM révisée.
Ce budget, pensions incluses - c'est-à-dire à la norme Otan - maintiendra l'effort national de défense à hauteur de 1,8 % du PIB. La dotation de l'agrégat « Équipement » s'élèvera l'année prochaine à 17,3 milliards d'euros, en hausse de 300 millions d'euros.
Cette inflexion était indispensable pour répondre à la dégradation du contexte sécuritaire, avec l'opération Sentinelle, et pour respecter les engagements pris par le Président de la République devant le Congrès en novembre 2015 et devant les armées en janvier 2016 : fin de la déflation des effectifs, prime aux militaires de l'opération Sentinelle, revalorisation de la condition de militaire, etc.
Inquiets des réticences de Bercy, vos rapporteurs sont intervenus auprès du Président de la République et du Premier ministre avant les arbitrages en conseil de défense, lesquels ont heureusement été favorables.
Cet ajustement des moyens de la défense s'inscrit dans une nouvelle trajectoire financière. La loi de juillet 2015 avait déjà accru les ressources financières de la défense de 3,8 milliards d'euros pour la période 2016-2019. Une nouvelle révision a été décidée par l'exécutif à la suite des attentats du 13 novembre 2015.
Le rapport du Gouvernement relatif à la programmation militaire pour les années 2017-2019 présente l'impact des décisions arrêtées en conseil de défense sur la trajectoire financière et capacitaire. Celles-ci entraînent, sur trois ans, un coût nouveau de près de 3 milliards d'euros : 775 millions pour 2017, près d'un milliard pour 2018 et 1,2 milliard pour 2019.
La dépense nouvelle est aux trois quarts concentrée sur les ressources humaines : hausse des effectifs pour près de 1,2 milliard d'euros entre 2017 et 2019 et amélioration des conditions du personnel pour 1 milliard d'euros sur la même période. À quoi s'ajouteront l'acquisition de nouveaux équipements et l'entretien programmé du matériel, 812 millions d'euros sur trois ans. La trajectoire ainsi ajustée vise à adapter l'armée aux nouvelles missions des forces sur le territoire national ; à équiper et entraîner les renforts opérationnels, dont les réservistes ; à donner les moyens d'intensifier les frappes dans les opérations de contre-terrorisme ; et à accentuer la montée en puissance du renseignement et de la cyberdéfense.
L'effort supplémentaire ne porte pas majoritairement sur les opérations extérieures, les Opex, ni sur l'accélération de la livraison des matériels, notamment les Griffon et les Jaguar, que souhaite le chef d'état-major de l'armée de terre. Nous regrettons que ces demandes s'accompagnent d'économies, avec la non-rénovation d'une partie du parc des vieux VAB et des AMX 10 RC.
Les modalités de financement de ces nouvelles mesures ne sont précisées que pour l'année 2017, et non pour 2018 ni 2019. Certes, cette situation tient compte du principe d'annualité budgétaire. Mais elle révèle aussi la limite technique et la faiblesse politique du choix du Gouvernement de ne pas avoir procédé à une nouvelle actualisation de la LPM... Si bien que le futur Président de la République devra dégager 6 milliards d'euros de plus entre 2018 et 2022.
L'an prochain, le financement des nouvelles dépenses sera assuré par 317 millions d'euros de rallonge budgétaire, 100 millions de recettes de cessions immobilières additionnelles et une économie de 358 millions, à redéployer. Il s'agit notamment de 205 millions d'euros escomptés de nouveaux gains sur le coût des facteurs - prix du pétrole et de certaines fournitures, cours de la monnaie - et d'un prélèvement de 50 millions d'euros sur la trésorerie du compte des essences, grâce à la baisse du prix des carburants. Le reste provient de l'actualisation des échéanciers financiers des programmes d'armement. Or des risques pèsent sur le montant de ces diverses ressources, par nature incertaines.
Avec l'ouverture de 100 millions d'euros de plus à consommer sur les recettes du compte « Immobilier », la prévision de ressources extrabudgétaires du budget de la défense pour 2017 s'élève ainsi désormais à 250 millions d'euros : 200 millions de produits de ventes immobilières - contre 100 millions d'euros dans la LPM actualisée en juillet 2015 - et 50 millions d'euros de produits de cessions de matériel. Le caractère aléatoire du calendrier et du produit de ces ventes, avec en particulier les demandes de la Ville de Paris en matière de logement social, fragilise ces ressources extrabudgétaires.
Elles ne constituent plus qu'une part très mineure du budget de la défense, mais il ne faudrait pas que cette part augmente trop, alors même qu'elle avait été réduite en 2015.
En intégrant 205 millions d'euros d'économies nouvelles sur le coût des facteurs, la construction du budget 2017 repose sur une prévision de 480 millions d'euros d'économies, puisque la LPM 2015 en avait déjà programmé 275 millions. Mais on ne sait quelle sera exactement la conjoncture économique ni le niveau d'activité opérationnelle des forces... De plus, ce calcul prend en compte des programmes d'équipement qui restent à lancer. Cette prévision constitue donc une prise de risque importante pour la gestion 2017.
En outre, le retard pris dans le paiement de la prime Sentinelle, promise à 10 000 militaires par le Président de la République en janvier 2016, est préoccupant. Cette prime doit être versée rétroactivement depuis le 1er janvier 2015, or elle vient seulement d'être intégrée dans le logiciel Louvois, dont on connaît les dysfonctionnements. Les intéressés recevront le montant à la rentrée 2017. Cela représente tout de même quelques dizaines de millions d'euros, or aucune recette ne semble prévue pour faire face à cette échéance ! Heureusement, le Gouvernement vient de me communiquer des éléments rassurants.
Il est heureux que le projet de collectif budgétaire déposé à l'Assemblée nationale vendredi dernier ait levé les inquiétudes quant aux mesures de régulation de la fin de gestion de l'exercice 2016.
Concernant l'état d'avancement des programmes d'armement, l'année 2017 sera encore marquée par de très nombreuses livraisons et commandes d'équipements. Le programme 146 est structuré en cinq systèmes de forces : la dissuasion ; le commandement et la maîtrise de l'information ; la projection, la mobilité et le soutien ; l'engagement et le combat ; enfin, la protection et la sauvegarde.
J'évoquerai ici le système de forces « projection-mobilité-soutien ». L'an prochain seront livrés 9 hélicoptères de transport et de surveillance NH90, dont 2 en version navale et 7 en version terrestre et 5 hélicoptères de transport tactique Cougar rénovés. Ces hélicoptères font l'objet de critiques répétées, en raison du coût prohibitif de leur maintenance, de l'immobilisation importante du parc qu'elle requiert et du manque de disponibilité opérationnelle qui en découle. Je vous renvoie au rapport pour avis de notre collègue député François Lamy.
Seront également livrés 3 avions de transport A400 M et 1 avion de transport tactique C130 J. Concernant l'A400 M, je rappelle qu'en raison des difficultés de développement et de production annoncées par Airbus au début de 2015, 8 des 15 avions qui seront livrés à l'armée de l'air d'ici à 2019 seront au standard initial, et serviront donc uniquement pour le transport logistique. Le plan d'action industriel présenté en juillet 2016 prévoit la livraison progressive jusqu'en 2020 des capacités tactiques attendues : extraction de charges lourdes par la rampe arrière, parachutage par les portes latérales, autoprotection contre des missiles, ravitaillement en vol d'hélicoptères et atterrissage sur terrain sommaire. La réalisation du plan a pris du retard.
Deux premiers A400 M dotés de capacités tactiques, ont été livrés en juin et juillet derniers. L'appareil attendu d'ici à la fin de cette année doit également correspondre à ce standard militaire. Encore faudra-t-il qu'Airbus respecte l'engagement pris par son président vis-à-vis du ministre de la défense.
L'acquisition de nouveaux C130 J a été décidée, conformément à l'actualisation de la LPM de juillet 2015, en raison de la tension sur la capacité de transport tactique et dans l'attente de la montée en capacité de l'A400 M. La commande de 4 appareils neufs a été effectuée en janvier 2016 auprès de l'armée de l'air américaine. La livraison d'un premier appareil est prévue en 2017, les trois autres d'ici à 2019.
Deux avions seront équipés afin de pouvoir ravitailler les hélicoptères en vol. Cependant, comme nous l'avons fait observer dès l'année dernière, seuls les Caracal en service dans l'armée de l'air sont munis de la perche permettant le ravitaillement en vol et seuls les Caracal peuvent être ainsi configurés. Cette faculté n'a pas été prévue pour le NH90.
Au début du mois d'octobre dernier, les ministres français et allemand de la défense ont annoncé leur intention de mutualiser une partie de leur flotte d'avions C130 J. C'est un élément de plus dans la coopération franco-allemande de défense. Et cela me semble très positif.