Nous vous présenterons un amendement à propos de Sentinelle. Je vous proposerai de le signer tous, puis nous le transmettrons à l'Assemblée nationale, à moins que nous ayons finalement l'occasion d'en parler en séance publique ?
J'ai effectué une visite à Vincennes le 10 novembre dernier pour rencontrer les responsables des trois niveaux de la chaîne du recrutement de l'armée de terre : la sous-direction du recrutement (SDR) de l'armée de terre, le groupement de recrutement et de sélection (GRS) de l'Ile-de-France et le centre d'information et de recrutement des forces armées (Cirfa) de Paris.
Le recrutement représente un défi tout particulier pour l'armée de terre, qui doit relever sa force opérationnelle terrestre de 66 000 à 77 000 hommes d'ici 2017. Ces 11 000 recrutements supplémentaires viennent s'ajouter au flux habituel de recrutements, dans des délais très resserrés, afin d'enrayer la suractivité et d'en atténuer les conséquences (sous-entraînement, sur-absentéisme de la garnison, etc.). Près de 17 000 militaires ont déjà été recrutés en 2016, dont près de 15 000 militaires du rang (contre 7 000 en 2014) et l'on envisage d'en recruter encore 15 000 en 2017, dont 12 000 militaires du rang.
Pour relever ce défi, il a fallu développer la chaîne du recrutement, articulée autour de cinq groupements de recrutement et de sélection (GRS) situés à Nancy, Rennes, Lyon, Bordeaux et Vincennes, et de 104 Cirfa, dont 42 sont interarmées. Cette chaîne mobilise environ 1 000 personnes environ, qui sont également confrontées au problème de la suractivité. Les campagnes de communication se sont multipliées dans les médias, insistant sur les valeurs de l'armée. Enfin, les régiments ont reçu pour mission de dynamiser le recrutement local, qu'il s'agisse de militaires du rang ou de réservistes.
Les attentats ont eu un impact très fort sur les recrutements, avec un pic de demandes d'information au lendemain du 13 novembre 2015, effet qui s'est répété à chaque nouvel événement tragique.
Les motivations des candidats sont diverses : ouverture sur le monde et socialisation, accès à l'emploi, vocation, besoin de repères, volonté de dépassement personnel... Parmi eux, 60 % viennent d'abord pour combattre, et 40% sont motivés par la recherche d'un métier à dominante technique. Les candidats dotés de compétences techniques rechignent fréquemment à les faire valoir, car ils entrent dans l'armée « pour faire autre chose », notamment combattre. Le rôle du recruteur est de les convaincre de l'utilité pour l'armée de leurs compétences spécifiques. A l'inverse, les recruteurs se montrent méfiants envers les candidats qui souhaitent avant tout « en découdre ».
La répartition géographique du recrutement sur le territoire national est assez équilibrée. Les DOM-COM constituent un vivier important (8% des recrues). Le nord et l'est de la France, territoires qui accueillent davantage de régiments, présentent des taux de recrutement supérieurs à la façade atlantique.
Le parcours du candidat, qui s'étale sur quatre à six mois, est bien structuré et garantit que les profils recrutés sont adaptés aux attentes de l'institution. L'évaluation à laquelle procède le département « Évaluation et information » du GRS, qui combine tests, visite médicale, épreuves sportives et entretiens, notamment avec des psychologues, constitue une étape fondamentale. Des mesures sont également prises pour assurer la sécurité du recrutement et prévenir le risque d'infiltrations.
Malgré l'ampleur des recrutements, la sélectivité reste assurée, et elle reste particulièrement stricte en ce qui concerne les officiers et les sous-officiers.
On renforce également la fidélisation. Il s'agit de garder les militaires plus longtemps, en incitant ceux qui arrivent au terme de leur contrat à le renouveler et en évitant les résiliations de contrat, en particulier la dénonciation de contrat pendant les six mois qui constituent la période probatoire. Rappelons que 70 % des militaires et 100 % des militaires du rang sont des contractuels.
L'armée n'est pas la seule à être concernée au premier chef par les campagnes de recrutement : en 2017, 24 500 recrutements sont envisagés pour l'ensemble du ministère de la Défense.
Les crédits budgétaires du programme 212, hors crédits de personnel, s'élèvent pour 2017 à 2,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement, en hausse de 5 %, et à 2,1 milliards d'euros en crédits de paiement, en hausse de 6 %.
Les crédits des politiques de soutien augmentent de manière significative, en cohérence avec l'actualisation de la loi de programmation militaire et les orientations définies lors du Conseil de défense du 6 avril 2016. Les décisions de renoncer aux déflations d'effectifs, de porter la force opérationnelle terrestre à 77 000 hommes et de poursuivre l'opération Sentinelle, ont des répercussions évidentes sur la politique immobilière et sur les politiques sociales du ministère.
En ce qui concerne la politique immobilière du ministère, les crédits s'élèvent à 1,7 milliard d'euros en autorisations d'engagement, en augmentation de près de 7 %, et à 1,3 milliard d'euros en crédits de paiement, en hausse de 14 %. Les besoins sont en effet croissants, puisqu'il s'agit de créer ou d'adapter les infrastructures à l'accueil des nouveaux matériels pour que les grands projets engagés depuis le début de la loi de programmation militaire puissent se poursuivre.
En 2017, les investissements principaux accompagneront les programmes SNA Barracuda, MRTT, A400M, Scorpion, Hélicoptères de nouvelle génération, Rafale et Fremm, ainsi que la rénovation des réseaux électriques des bases navales de Brest et de Toulon. La soutenabilité de ces programmes est une priorité du ministère. Elle fait l'objet d'un examen annuel devant une commission spécialisée et peut éventuellement susciter des arbitrages, au détriment d'opérations moins prioritaires.
Les opérations prévues en matière de dissuasion garantissent le caractère opérationnel des infrastructures de la Force océanique stratégique et procèdent à la refonte de certains ouvrages. Des crédits du programme Hermès sont également consacrés aux transmissions stratégiques, dans le cadre du projet Descartes de modernisation des réseaux de transmission du ministère de la Défense.
Les crédits de la politique immobilière doivent aussi répondre à la montée en puissance de la force opérationnelle terrestre. On a ainsi décidé de densifier 33 emprises en créant des unités supplémentaires et deux régiments, le 5ème régiment de dragons à Mailly le Camp et la 13ème demi-brigade de légion étrangère au Larzac. Des travaux de construction ou de réhabilitation sont engagés sur une vingtaine de sites.
Le maintien durable de l'opération Sentinelle implique un soutien, organisé en deux phases. Dans un premier temps, des travaux d'urgence ont été réalisés, à compter d'avril 2015, pour améliorer les hébergements et augmenter leur capacité d'accueil. Puis, un dispositif plus pérenne a été mis en place, avec l'installation de bâtiments modulaires et la mise en oeuvre d'un schéma directeur de l'hébergement pour l'Ile-de-France, en vue de reloger 1 000 militaires, grâce à la densification du fort de l'Est et du fort neuf de Vincennes.
Au total, 21 millions d'euros ont été engagés en 2015 et 2016 pour améliorer les conditions de vie des militaires mobilisés dans l'opération Sentinelle. Le niveau des crédits inscrits en PLF 2017 doit permettre de poursuivre cet effort.
Enfin, il faut aussi prévoir de renforcer les installations militaires : près de 100 millions d'euros ont été consacrés à cet aspect de la politique immobilière du ministère de la Défense, en 2016 ; en 2017, près de 80 millions d'euros pourront être engagés au titre du programme « Infrastructures, sécurité, protection ». Les incidents constatés sont en augmentation puisque l'on est passé, entre 2015 et 2016, de 6 à 31 intrusions ou tentatives d'intrusion, dont deux aériennes et douze survols de drone.
À la suite de ces incidents, on a déployé un plan d'urgence, propre aux dépôts de munitions, et un schéma directeur fonctionnel « Sécurité, protection », réactualisé en novembre 2015 puis en juillet 2016, qui s'attache à améliorer les dispositifs de protection des emprises de la défense au travers d'un plan d'équipement échelonné sur la période 2017-2022. Hors dissuasion, les besoins estimés sur cette période sont évalués à 445 millions d'euros.
Le service des infrastructures de la défense (SID) a été doté de crédits de fonctionnement supplémentaires, afin qu'il monte en puissance, et qu'il intègre des régies d'infrastructures, en provenance des groupements de soutien des bases de défense.
S'agissant de Balard, les crédits inscrits sont conformes à l'équilibre financier prévu dans le cadre du partenariat public privé, malgré quelques travaux d'adaptation menés en complément du programme initial. La redevance versée s'élève à 152 millions d'euros, couvrant les divers aspects du contrat. Un suivi et pilotage du PPP a été mis en place, quelques difficultés sont inévitables, des adaptations seront probablement nécessaires, mais le regroupement des états-majors et directions autrefois dispersés sur un site unique semble avoir atteint ses principaux objectifs, qui étaient d'améliorer la gouvernance du ministère tout en rationalisant la gestion des emprises immobilières.
La politique immobilière suit donc une évolution plutôt positive, cohérente avec les besoins, et correspondant à ce que le ministère a la capacité d'engager, puisqu'il lui serait difficile, en tout état de cause, d'aller au-delà.
Il convient, bien sûr, de demeurer vigilants, notamment en ce qui concerne l'entretien du patrimoine immobilier de la défense, parfois très dégradé, mais aussi la politique du logement familial et la réhabilitation des bâtiments de vie les plus dégradés, pour lesquels des programmes sont en cours.