Le programme 144 porte les crédits hors titre 2 alloués aux services de renseignement relevant du ministère de la défense, c'est-à-dire la direction générale des services extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) ex DPSD. Le changement de dénomination n'est pas sans signification, la contre-ingérence ayant pris davantage de place au sein des activités de ce service. Il ne porte pas ceux de la direction du renseignement militaire (DRM) qui dépend de l'état-major des armées et figurent donc au programme 178.
Cette année encore, j'inclurai dans mon analyse les crédits de titre 2, car on ne peut bien comprendre l'évolution des crédits du programme 144 qu'à l'aune de la montée en puissance des effectifs de ces services.
Si l'on s'en tient au programme 144 stricto sensu, les crédits repartent à la hausse sous l'effet conjugué de l'augmentation des crédits de fonctionnement directement liée à l'activité opérationnelle des services dans le cadre de l'intensification de leur action à l'étranger, de la hausse des investissements à la suite de la reprise progressive des programmes d'investissement de la DGSE, et de la réalisation d'importants travaux d'infrastructures dans ce service. Le montant du programme d'infrastructures engagé depuis 2015 s'élève à près de 150 millions d'euros. C'est la conséquence de l'accroissement des effectifs accueillis sur les sites et des investissements techniques programmés.
Les crédits attribués à la DGSE constituent la masse la plus importante du programme, à hauteur de 243,8 millions d'euros dont 202,6 millions sont destinés aux investissements. Les crédits de la DPSD ne représentent que 13,55 millions d'euros mais ils progressent très rapidement en raison de son activité opérationnelle et de renforcements capacitaires. Globalement les crédits de l'agrégat de fonctionnement croissent de 37,5% et ceux de l'agrégat d'investissement de 33,9%, essentiellement pour la modernisation des systèmes d'information et de communication. Cette montée en puissance va de pair avec le développement d'un programme de modernisation des infrastructures immobilières supporté par le programme 212 pour un montant de 11,9 millions d'euros d'ici à 2019.
Cette évolution significative accompagne le renforcement des effectifs dans les deux services. Entre 2014 et 2019, la DGSE bénéficie de 797 créations d'emplois, dont 287 ont été réalisées au cours des trois dernières années 2014, 2015 et 2016. En 2017, on devrait compter 123 emplois supplémentaires. L'effort principal sera donc à conduire au cours des deux dernières années de l'exercice 2017-2019.
La DGSE emploie plus de 5220 agents. Le montant des crédits inscrits au titre 2 du programme 212 progressent en conséquence et passent de 413 millions d'euros en 2016 à 426 millions dans le budget pour 2017.
L'érosion de la part des militaires, constatée depuis plusieurs années, continue : celle-ci est passée de 29,3 % en 2008 à 25,1 % en 2016. Il en va de même de la progression du nombre des contractuels au sein des emplois civils et de la tendance, forte, à recruter davantage d'officiers ou de personnels de catégorie A.
La difficulté à recruter et à maintenir au sein du service tient à la spécificité de certains profils recherchés et à la faiblesse des viviers, même si elle est surmontée. Jean-Marie Bockel et Jean-Pierre Masseret ont évoqué cette question à propos de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et du Groupement interministériel de contrôle (GIC). Elle reste une préoccupation des services de renseignement. Deux missions d'audit ont été lancées, pour identifier en interne des mesures pour le recrutement et les parcours tout en consolidant la place des militaires et, en collaboration avec les autres services de renseignement de la défense, sur les problématiques communes et les capacités de chacun en matière de recrutement, de formation et de fidélisation.
Confrontée à une triple contrainte dans sa gestion des ressources humaines - mutations technologiques et évolution du cadre législatif, intensification des missions en raison de l'aggravation des menaces et accroissement sensible des effectifs à recruter, former et intégrer - la DGSE devra professionnaliser et moderniser ses fonctions de soutien et notamment sa direction des ressources humaines. Comme la priorité est donnée au coeur opérationnel des services, ces fonctions sont souvent les moins bien loties, mais leur modernisation est indispensable à la réussite de la transformation à conduire, qui conditionne la poursuite des succès.
La DRSD, dont les effectifs étaient tombés à 1053 fin 2013, connaît cette année un renforcement significatif. Son plafond d'emplois devrait atteindre 1328 fin 2017, et ses crédits connaissent une progression forte : ils passent de 84,7 millions d'euros en 2016 à 105,5 millions d'euros en 2017, soit une hausse de 24,6 %. La DRSD aura à gérer un renouvellement de ses effectifs supérieur à 10 % ainsi que leur montée en puissance, mais aussi un rééquilibrage entre personnels militaires et personnels civils et l'accroissement de la part des emplois de catégorie A. C'est donc à une véritable transformation de son organisation et de sa structure d'emplois qu'elle est confrontée alors même que, sur le plan opérationnel, elle doit apporter une réponse efficace.
La DRSD ne bénéficie pas de la même visibilité que les deux directions générales du premier cercle. De plus, sa vocation de service de renseignement était en partie occultée par ses importantes missions de sécurité et de protection - de nos bases, en particulier. Il lui est difficile de proposer des niveaux de rémunération suffisants pour attirer les compétences et ses fonctions de soutien sont sous-dimensionnées. Elle risque donc d'avoir de sérieuses difficultés à assurer la montée en puissance de ses effectifs. La gestion des ressources humaines devrait y être confortée et des solutions devraient être apportées par le ministère de la défense afin qu'elle puisse recruter des personnels civils à un niveau équivalent à celui des autres entités. Le ministère pourrait lui donner des facilités de négociation des rémunérations des contractuels et aménager les mesures catégorielles pour attirer les fonctionnaires civils. De même, des instructions devraient être données pour identifier les emplois proposables et valoriser davantage les parcours des militaires appelés à servir dans ce service au titre de leur mobilité, afin que ce passage soit un atout dans leur carrière.
Le renforcement des effectifs est bienvenu vu le surcroît d'activité de la DRSD dans la lutte anti-terroriste comme dans ses activités traditionnelles, qui font l'objet d'indicateurs de performance. Les décisions prises en début d'année après les attentats ont compliqué la gestion des demandes d'avis de sécurité car leur nombre a crû de 47,5 % : le ratio d'instruction dans les délais a chuté de 96 % à moins de 80 %. La responsabilité de la DRSD est aussi de respecter les programmes de visites de site et de se montrer très scrupuleuse dans l'identification de leurs vulnérabilités, mais sa tâche se complique avec l'accroissement du nombre de sociétés à inspecter. Et il faudrait que les préconisations qui résultent de ses visites soient effectivement mises en oeuvre. Nous renouvelons notre demande de mise en place d'un indicateur de performance sur le taux de suivi des recommandations des rapports d'inspection.
Sous réserve de ces observations, les rapporteurs pour avis émettent une appréciation positive sur les crédits du programme 144 de la mission « Défense » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2017.