Aujourd’hui, nous sommes en fin de législature et la même majorité gouvernementale nous promet non plus d’équilibrer les comptes publics, mais d’atteindre un déficit légèrement inférieur à 3 % du PIB en 2017. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire que, si le commissaire européen aux affaires économiques et financières Pierre Moscovici qualifie de « jouable » l’atteinte de cet objectif pour l’année prochaine, nous n’y croyons pas plus aujourd’hui qu’hier.
Tout d’abord, nous n’y croyons pas, parce que le Haut Conseil des finances publiques, qui ne peut être taxé de partialité, a rendu, en septembre dernier, un avis sur le présent projet de loi de finances et sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui démontre que l’hypothèse de croissance de 1, 5 % sur laquelle ce budget est bâti est « optimiste », en ce qu’elle excède les prévisions des économistes comme des organisations internationales. Le Haut Conseil a également déclaré que certaines économies, comme celles qui résultent de la conclusion d’une nouvelle convention d’assurance chômage, sont « irréalistes » et, enfin, que la réduction du déficit public telle qu’annoncée est « improbable ». Le Haut Conseil relève également nombre de risques en dépenses, qu’il s’agisse de l’évolution des dépenses d’assurance maladie ou des recapitalisations attendues pour le secteur énergétique, qui rendent la sincérité de ce budget contestable.
Le Haut Conseil a encore confirmé son appréciation vendredi dernier – vous n’avez pas été tout à fait complet sur l’avis qu’il a alors rendu, monsieur le secrétaire d’État –, en examinant le collectif de fin d’année, qui ramène la prévision de croissance de 1, 5 % à 1, 4 % pour 2016, tout en soulignant que cette première révision ne sera peut-être pas suffisante.
Ce projet de loi de finances ne fait donc l’objet d’aucune prudence dans ses évaluations de recettes et se trouve malheureusement à la merci de toute mauvaise nouvelle, qu’il s’agisse de la remontée des taux d’intérêt, qui a un peu commencé, ou de performances économiques moins bonnes qu’anticipé.
Nous ne croyons pas à ce budget. En effet, la commission des finances, munie de son expérience – elle examine en cours d’année nombre de projets de décrets d’avance, par exemple celui de septembre dernier, qui a ouvert 1, 4 milliard d’euros de crédits pour financer 150 000 contrats aidés non budgétés –, a elle-même évalué l’ampleur des surestimations de recettes et des sous-estimations de dépenses pour 2017. Nous considérons, sans retenir les hypothèses les plus défavorables, que l’impasse budgétaire pourrait atteindre 12 milliards d’euros, ce qui conduirait notre pays à un déficit de l’ordre de 3, 2 % du PIB l’an prochain. On est bien loin des 2, 7 % annoncés !
Bien sûr, on constate des sous-budgétisations récurrentes. Celles-ci ont atteint, en moyenne, 2, 5 milliards d’euros sur la période 2011-2015. Pour 2017, ce phénomène concerne une nouvelle fois les OPEX et les opérations de sécurité intérieure, l’hébergement d’urgence, les contrats aidés, l’aide médicale d’État et les contentieux communautaires. Doivent y être ajoutées, cette année, les participations financières de l’État. Comme vous le savez, mes chers collègues, cette liste n’est malheureusement pas exhaustive.
Cependant, notre appréciation de ce projet de loi de finances ne se fonde évidemment pas sur la seule estimation des dérapages prévisibles sur l’année 2017. Elle résulte de l’analyse très détaillée de l’ensemble de ses dispositions.
À l’Assemblée nationale, vous avez déclaré, monsieur le secrétaire d’État, qu’« il semblerait que [le Sénat] refuse de faire son travail ». Vous n’êtes pourtant pas sans savoir que nous avons publié de nombreux rapports, que la commission des finances a consacré quarante-trois heures à l’examen de ce budget…