Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 24 novembre 2016 à 15h00
Loi de finances pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances :

Les PME seront imposées à 28 %, ce qui se traduira, d’ailleurs, par une perte de recettes de 330 millions d’euros.

À côté, les entreprises accorderont, en 2017, de très nombreuses avances à l’État, qu’il s’agisse de l’acompte d’impôt sur les sociétés ou de l’acompte de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, en attendant l’acompte sur la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, qui est inscrit dans le collectif budgétaire. Un certain nombre de mesures – prétendument « de trésorerie » – permettent donc d’améliorer le solde, mais ce sont des avances de recettes prélevées sur les entreprises.

Ainsi, concrètement, les entreprises devront verser par anticipation près de 1 milliard d’euros d’impôts dont elles ne sont redevables qu’au 1er janvier 2018 ou au titre d’un bénéfice qui n’est pas encore réalisé. Ces deux dispositions, de même que celle qui crée un nouvel acompte de prélèvement forfaitaire sur les revenus mobiliers, sont bien, qu’on le veuille ou non, des prélèvements supplémentaires en 2017, dont le seul motif est de gonfler artificiellement les recettes budgétaires de l’année, puisque leur effet sera neutralisé dès 2018. Nous ne pouvons évidemment pas accepter ces artifices budgétaires.

Plus généralement, et c’est sans doute là le point majeur, ce projet de loi de finances porte atteinte à notre compétitivité, du fait notamment de dispositions introduites par l’Assemblée nationale.

Tout d’abord, les députés ont remis en cause, de manière particulièrement inopportune, le régime fiscal et social des actions qui résultait de la loi Macron, même si l’appellation de ce texte ne plaît plus aujourd’hui. La constitutionnalité de cette disposition, partiellement rétroactive, sera sans doute discutée. Enfin, les députés ont élargi l’assiette de la taxe sur les transactions financières, notamment aux opérations intrajournalières, et augmenté son taux. C’est regrettable à un moment où la place de Paris cherche à attirer les investisseurs, en particulier du fait du Brexit ! Là aussi, de nombreux risques constitutionnels existent. Ces dispositions, qui sont prises totalement à contretemps, ne peuvent évidemment être acceptées. Elles envoient des signaux négatifs, notamment pour ce qui concerne le dispositif en faveur des impatriés, qui témoigne d’ailleurs, en creux, de la lourdeur de notre système fiscal.

Je n’insisterai pas non plus sur d’autres dispositions introduites par nos collègues députés, particulièrement pénalisantes pour nos concitoyens. Je pense en particulier à la suppression de l’exonération de la plus-value sur la vente d’un premier logement en cas de réinvestissement dans l’achat d’une résidence principale ou encore à la possibilité, pour les communes situées en zone tendue, de porter à 60 % la majoration de taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Il y a fort à parier, hélas, que les augmentations d’impôts soient réelles, en 2017, pour de nombreux contribuables.

D’ailleurs, le Gouvernement reconnaît lui-même que le taux de prélèvements obligatoires ne diminuera pas l’an prochain. §Ce taux s’établira à 44, 5 % du PIB, au lieu des 44 % encore prévus en avril dernier, dans le pacte de stabilité. Le Gouvernement a donc fait le choix de modifier très profondément l’équilibre en recettes et en dépenses pour 2017, en renonçant aux baisses de fiscalité pourtant promises, afin de pouvoir relâcher de manière significative les efforts sur la dépense publique. De fait, les baisses d’impôt attendront 2018…

Si l’on examine plus précisément les dépenses de l’État, le plafond prescrit en loi de programmation des finances publiques est dépassé de 9, 1 milliards d’euros dès le projet de loi de finances. Le Gouvernement a fait des fameux 50 milliards d’euros d’économies l’alpha et l’oméga de sa politique. Cet objectif avait été l’un des leitmotive de sa communication. Il est aujourd’hui oublié. Le quantum d’économies prévu en 2017 dans le cadre de ce plan d’économies – certes, officiellement abandonné – est revu de 19 milliards d’euros à 12 milliards d’euros, dont seulement 1, 5 milliard d’euros pour le budget de l’État. Encore ce chiffre fort modeste traduit-il une hausse réelle des dépenses, atténuée par des économies de pure constatation, qui ne dépendent aucunement des choix du Gouvernement… Ainsi, la charge de la dette est revue très nettement à la baisse, de 7, 7 milliards d’euros, même si ce chiffre appelle la prudence. Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne devrait lui aussi être inférieur de 2, 4 milliards d’euros à la prévision de la loi de programmation, ce qui permet d’afficher une économie à moindres frais.

J’ajoute, concernant les dépenses, que plus de 40 % de la hausse des dépenses de l’État est due, en 2017, à la masse salariale, pour un montant de 3, 2 milliards d’euros. Cela se traduira, à un moment où il n’y a pas d’inflation et quasiment pas de croissance, par une progression de 4 % de la masse salariale. Il faut remonter quinze ans en arrière, en 2002, pour retrouver une hausse aussi importante des dépenses du titre 2 – l’inflation n’était sans doute pas la même ! Ainsi, l’augmentation totale des dépenses de personnel sur l’ensemble du quinquennat s’élèvera à 5, 1 %. À titre de comparaison, puisque certains ici aiment se comparer à ce qui a été fait durant la période précédente, la masse salariale avait décru de 6, 6 % de 2007 à 2012, et était restée stable de 2002 à 2007.

Concrètement, cette hausse des dépenses de personnel annule presque l’intégralité des efforts de maîtrise réalisés depuis dix ans. Elle entraînera bien évidemment des conséquences budgétaires pérennes, bien au-delà du seul exercice 2017, puisque les fonctionnaires engagés devront être payés tous les ans.

On pourrait nous dire que cette évolution est justifiée notamment par le plan de lutte contre le terrorisme et l’actualisation de la loi de programmation militaire, mais ces mesures n’en expliquent qu’une faible partie : l’augmentation provient d’abord des recrutements dans d’autres ministères, tout particulièrement à l’éducation nationale.

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