Intervention de Michèle André

Réunion du 24 novembre 2016 à 15h00
Loi de finances pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Michèle AndréMichèle André, présidente de la commission des finances :

C’est pour remédier à ce type de scénarios fantaisistes que nous avons collectivement créé le Haut Conseil des finances publiques.

La majorité sénatoriale critique aussi la trajectoire des finances publiques et met en doute la capacité de notre pays à ramener son déficit public sous le seuil de 3 % du PIB en 2017.

Pour se faire une idée, il aurait été utile que la majorité sénatoriale présente sa propre trajectoire. Aurait-elle retenu l’objectif de 3 % en 2017 ? Ou bien se serait-elle ralliée à une trajectoire désormais au centre du débat public et qui repose sur un déficit public de 4, 7 % en 2017, pour un retour hypothétique aux 3 % en 2020 seulement ? À chacun sa cohérence ! Nous savons ce que nous avons subi et supporté, comme l’a souligné M. le secrétaire d’État, pour parvenir à ramener le déficit en dessous de 3 %.

En tout état de cause, rassurez-vous, l’objectif est à notre portée. Pour atteindre 3 % en 2017, il nous faut réduire le déficit de 0, 3 point de PIB en un an, voire moins si le résultat de 2016 est meilleur que prévu. Or, depuis le début de la législature, nous avons fait mieux en moyenne chaque année.

Ce constat vaut pour l’État comme pour la sécurité sociale. L’objectif est de réduire le solde des régimes obligatoires de base de 2, 8 milliards d’euros en 2017, après 3, 2 milliards en 2016 et près de 3 milliards en 2015.

Pourquoi douter des objectifs avancés par le Gouvernement, alors qu’ils se situent dans le prolongement des réalisations passées ? Ce qu’il nous propose aujourd’hui, le Gouvernement l’a réalisé les années précédentes !

Il faudrait surtout, lorsque l’on évoque la trajectoire des finances publiques, saluer le choix de politique économique, constant depuis 2012, de veiller à l’équilibre entre redressement des finances publiques et soutien à l’activité économique.

J’observe tout d’abord que la France ne figure pas dans la liste des huit pays dont l’analyse du projet de budget pour 2017 a suscité des critiques sérieuses de la part de la Commission européenne et nous en sommes heureux.

J’observe surtout que la Commission européenne, le 16 novembre dernier, a incité les États de la zone euro à prendre collectivement leurs responsabilités pour soutenir par le levier budgétaire la politique monétaire mise en œuvre par la Banque centrale européenne.

Tant que l’ensemble des États ne joue pas le jeu collectif, la France s’honore de prendre sa part du soutien à l’activité en Europe. Elle le fait en s’interdisant de conduire une politique budgétaire récessive.

Elle le fait aussi par sa politique de soutien à l’investissement, par les programmes d’investissements d’avenir successifs, par son activisme dans la mobilisation des crédits du plan Juncker, par le plan de soutien à la construction – qui commence à porter ses fruits – ou encore par les mesures successives de soutien à l’investissement local.

Car il faut rendre hommage aux exécutifs locaux et à leur sens des responsabilités. Les dépenses de fonctionnement sont contenues, le levier fiscal est utilisé avec une grande modération et tous les analystes prévoient un redémarrage de l’investissement local, après deux années de baisse dues en grande partie au cycle électoral.

J’en viens à une autre critique adressée à ce budget : il engagerait des dépenses ou des pertes de recettes en repoussant leur financement sur les années suivantes, une fois l’échéance électorale passée.

Cet argument me déconcerte, car, pour ma part, j’aurais critiqué le Gouvernement s’il avait renoncé à se projeter dans l’avenir et à fixer un cap à son action.

Je poserai la question autrement : si les électeurs envoyaient à l’Assemblée nationale une majorité différente en juin prochain, la majorité sénatoriale proposerait-elle de supprimer les mesures dont elle critique aujourd’hui le coût ?

Proposeriez-vous de revenir sur la baisse de l’impôt sur les sociétés à l’horizon de 2020, sur la prorogation du CITE ou sur l’élargissement du crédit d’impôt en faveur des particuliers employeurs ? Proposeriez-vous de revenir sur les gains procurés aux entreprises par l’augmentation du taux du CICE et de supprimer le crédit d’impôt en faveur des associations ? Je ne le crois pas, car ce sont de bonnes mesures. Comme vous ne voulez pas le reconnaître, vous préférez rejeter en bloc le budget.

L’examen de ce budget en commission a été marqué par un paradoxe. La majorité du Sénat trouve qu’on ne fait pas assez d’économies, mais ne veut pas dire où elle les ferait.

De nombreux rapporteurs ou orateurs de la majorité ont mis en évidence des manques de moyens et ont appelé, pour ce motif, à rejeter des missions. Si bien qu’on ne sait pas si la majorité sénatoriale pense qu’il y a trop de crédits, pas assez de crédits, trop d’économies, pas assez d’économies... J’observe d’ailleurs que la commission des finances a proposé l’adoption de trente-six missions sur cinquante-deux.

Mon seul commentaire sera de constater que cette indécision contraste avec les résultats obtenus par le Gouvernement depuis 2012.

Les finances de l’État n’ont pas dérapé depuis cette période. Bien au contraire, en 2017, hors charge de la dette et pensions, les dépenses de l’État seront inférieures de 5 milliards d’euros à leur niveau de 2012. En 2017, le déficit de l’État sera inférieur de 17 milliards d’euros à son niveau de 2011 et de plus de 5 milliards d’euros à celui de 2012.

Tout en consolidant les finances publiques, le Gouvernement a gouverné. Il a fait des choix, financé ses priorités et préparé l’avenir : 60 000 postes ont été créés dans l’éducation et dans la recherche ; les moyens de la police et de la gendarmerie ont crû de 11 % sur le quinquennat ; l’accès des plus pauvres à la justice a été amélioré par la suppression du droit de timbre et par l’élargissement de l’accès à l’aide juridictionnelle ; en trois ans, 1 600 magistrats ont été recrutés – en 2017, comme en 2016, l’École nationale de la magistrature accueillera 280 élèves, contre 105 en 2009 et en 2010.

L’absence de marges de manœuvre budgétaire n’a pas non plus empêché de transformer notre système fiscal.

Nous avons amorcé le « verdissement » de notre fiscalité en l’accompagnant d’une plus grande progressivité des prélèvements obligatoires reposant sur les ménages et d’un allégement des charges supportées par les entreprises.

Le CICE et le pacte de responsabilité prévoient 40 milliards d’euros d’allégements des prélèvements acquittés par les entreprises. La TVA sociale, votée à la toute fin du précédent quinquennat, ne prévoyait que 13, 2 milliards d’euros…

La prime pour l’emploi a été supprimée et remplacée l’année dernière par la prime d’activité. On prédisait un taux de recours très faible, comparable à celui de l’ancien RSA « activité ». Or il est de plus du double : 4 millions de personnes en avaient bénéficié au 30 juin 2016.

Les baisses cumulées d’impôt sur le revenu, ciblées sur environ 12 millions de ménages modestes ou appartenant aux classes moyennes, atteindront 6 milliards d’euros en 2017.

Mes chers collègues, il y a les paroles et il y a les actes. La majorité sénatoriale nous reproche souvent de la renvoyer au bilan du quinquennat précédent, trop lointain et relevant de circonstances différentes. Nous aurions pu renouveler l’exercice et confronter le bilan et les projets de l’action du Gouvernement à un autre projet, celui de la majorité sénatoriale. Au lieu de cela, mes chers collègues, ceux d’entre vous qui ont été désignés iront à l’Assemblée nationale rendre une copie blanche en commission mixte paritaire. Peut-être nos collègues députés nous offriront-ils un café ?

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