Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 24 novembre 2016 à 15h00
Loi de finances pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

La ratification du traité budgétaire « Merkel-Sarkozy » par un président qui avait pourtant promis de le renégocier a, dès le départ, étouffé les espoirs.

Avec les nouvelles règles ainsi instaurées, c’est la Commission européenne qui valide en amont les choix budgétaires de la France. Cette année, comme les précédentes, elle ne s’est pas opposée au projet soumis à ce contrôle antidémocratique. Mieux encore, elle n’a même pas sourcillé.

Il est assez intéressant de constater que la majorité sénatoriale dépose une question préalable sur un projet validé par la très libérale Commission européenne. Nous sommes donc bien dans une posture, qui masque mal les accords de fond avec l’orientation générale.

Examinons ensemble quelques chiffres pour comprendre la mansuétude de l’institution présidée par M. Juncker.

Le produit de l’impôt sur le revenu a bondi de 59, 5 milliards d’euros à 73, 4 milliards d’euros entre 2012 et 2015. Chacun sait que les plus riches – ces 500 familles qui ont vu leur patrimoine augmenter de 25 % en cinq ans – n’ont souffert qu’à la marge de cette augmentation qui a visé, en premier lieu, les classes moyennes.

En parallèle, le produit de l’impôt sur les sociétés s’est réduit, au cours de la même période, de 40, 8 milliards d’euros à 29, 4 milliards d’euros.

Autre comparaison, la TVA, impôt injuste par nature en ce qu’il frappe tout le monde aveuglément, a grimpé de 133, 4 milliards d’euros à 149, 4 milliards d’euros. Le consommateur pauvre doit payer l’addition de ces budgets d’austérité.

L’évolution du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, qui a symbolisé le tournant libéral du quinquennat, doit être rapportée à cette augmentation de la TVA.

Ce crédit d’impôt, accordé sans aucune obligation d’investissement ou d’embauche, a coûté 60 milliards d’euros au budget de la Nation depuis sa création, et 17 milliards d’euros rien que dans ce projet de loi de finances pour 2017.

Les milliards concédés au MEDEF, sans créations d’emplois, ont trop souvent concouru à enrichir toujours plus les actionnaires des grands groupes. Carrefour, par exemple, a empoché 146 milliards d’euros en 2014, alors que, depuis 2012, les dividendes ont augmenté de 25 %. Auchan recevait 88 millions d’euros alors qu’était augmenté de 12, 5 % le salaire de ses dirigeants en 2015.

Est-il normal enfin que La Poste, numéro un du CICE, ait reçu 341 millions d’euros à ce titre en 2015, alors que 6 284 emplois y étaient supprimés la même année et que de nombreux bureaux de poste fermaient, précipitant la désertification des zones rurales et la disparition, dans certaines zones urbaines, des services publics ?

Ainsi 17 milliards d’euros sont-ils consacrés au CICE dans ce projet de budget. Ce n’est pas rien au regard des budgets de la justice, dotée de 6, 9 milliards d’euros, ou de l’agriculture, gratifiée de 3, 1 milliards d’euros, alors que tout devrait être fait pour aider à l’installation de jeunes agriculteurs.

Comment s’étonner que MM. Juppé et Fillon surenchérissent, ce dernier proposant même d’ajouter 40 milliards d’euros au pactole du CICE existant ? La gourmandise est un vilain défaut, et le patronat n’a jamais su réfréner son appétit en matière de cadeaux fiscaux.

Monsieur le secrétaire d’État, vous annoncez comme une bonne nouvelle la baisse de plus d’un milliard d’euros de l’impôt sur le revenu de contribuables relativement modestes. À cet égard, il convient de rappeler l’explosion des impôts locaux. Selon vos propres chiffres, les produits de la taxe d’habitation et de la taxe foncière ont respectivement progressé entre 2011 et 2015 à une moyenne annuelle de 8 % et de 7 %.

L’évolution de l’impôt en général pose une question grave. L’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est-il encore pleinement respecté dans notre pays ? Permettez-moi d’en rappeler les termes : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

Ce principe fondateur de la proportionnalité de l’impôt, principe pleinement reconnu aujourd’hui, toujours et encore, par le Conseil constitutionnel, est de toute évidence profondément remis en cause par la croissance de la TVA et l’inflation de l’impôt local, qui, rappelons-le, hormis certains allégements et réductions, n’est pas progressif.

Monsieur le secrétaire d’État, doit-on considérer que l’article XIII de la Déclaration de 1789 est devenu caduc, sous la pression, en particulier, du dogme de la réduction de la dépense publique ?

Si l’on s’appuie sur les études soulignant un déplacement net de la fiscalité des entreprises vers celle des ménages, on peut considérer que la grande réforme fiscale empreinte de justice annoncée en 2012 n’est vraiment plus de mise.

Ce budget est donc encore un budget d’austérité. Il presse le contribuable, abîme le service public et n’organise pas l’investissement public nécessaire à la relance économique et à la lutte contre le chômage. L’investissement public est ainsi passé de 86 milliards d’euros à 67 milliards d’euros de 2012 à aujourd’hui.

Ce dogme austéritaire, contraire à l’idée de relance, a marqué le quinquennat qui s’achève. Un boulevard a été ouvert à ceux qui souhaitent mettre un terme à ce qui subsiste de notre modèle social français.

En abattant les digues de la résistance sociale, on crée la possibilité d’un retour au pouvoir d’une droite qui espère revenir définitivement sur plus d’un siècle de progrès social, à l’image de M. Fillon, lequel envisage sereinement d’« exploser » la limitation de la durée du travail.

Le projet porté par la droite, qu’elle ne veut pas présenter aujourd’hui, …

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