Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous n’examinerons peut-être pas le projet de loi de finances cette année. Je tiens à le dire d’emblée, au nom de tous les membres du groupe du RDSE, c’est un grand regret ! Le Sénat, comme l’Assemblée nationale, mérite un débat complet et transparent sur ce grand rendez-vous budgétaire annuel, où sont inscrites d’importantes mesures de politique économique et fiscale. Surtout, nous avons, en tant que parlementaires, des propositions à faire et des amendements à défendre.
Le projet de loi de finances pour 2017 est donc le dernier de cette législature et de ce quinquennat. C’est l’occasion d’ébaucher un bilan équilibré, sans complaisance, mais sans critique excessive, des politiques menées et de l’évolution des comptes publics.
Entre 2012 et 2017, les déficits se sont incontestablement réduits. C’est particulièrement visible pour les comptes sociaux, qui sont quasiment revenus à l’équilibre, nous l’avons vu ces derniers jours en examinant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. La branche retraite du régime général est même légèrement excédentaire, ce qui constitue une nouveauté que nous attendions depuis longtemps. Espérons que cela durera !
Le déficit de l’État a également baissé. En 2012, il représentait 4, 8 % du PIB. En 2016, il devrait s’établir à 3, 3 % et repasser l’an prochain sous le seuil fatidique des 3 %. Toutefois, de nombreuses incertitudes, aussi bien politiques qu’économiques, pèsent aujourd’hui sur ce chiffre. Les prévisions de croissance sont d’ores et déjà revues à la baisse aussi bien par la Commission européenne et le FMI que par l’OCDE, du fait notamment des conséquences incertaines du Brexit et de l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis.
Des taux d’intérêt bas ont contribué de façon cruciale à réduire le déficit. Toutefois, cette situation, dont la France a beaucoup profité, pourrait se modifier l’an prochain. Rien n’indique que le prochain gouvernement, quel qu’il soit, bénéficiera de conditions d’emprunt aussi favorables.
Face à de si grandes incertitudes, quelles sont les propositions du Gouvernement et, surtout, quelles sont les conséquences concrètes pour nos concitoyens et nos territoires ?
Le Gouvernement a décidé de poursuivre la réduction de l’impôt sur le revenu pour les revenus moyens : une personne seule au revenu inférieur à 20 500 euros par an bénéficiera ainsi d’une réduction de 20 %. Dont acte. La démarche vise à alléger la facture pour une partie des classes moyennes. Malheureusement, elle contribue aussi à réduire toujours plus l’assiette de cet impôt.
Un impôt citoyen et juste doit être supporté par le plus grand nombre, même de façon symbolique. Tel est le sens de l’amendement « Joseph Caillaux » §que nous avons déposé à l’article 2, comme chaque année depuis la suppression de la tranche à 5, 5 %. Si nous faisons ainsi référence au père de l’impôt sur le revenu progressif, homme politique radical, c’est parce que cet amendement renvoie tout simplement au principe de l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, cité tout à l’heure par Éliane Assassi, selon lequel, « pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »
Je salue bien évidemment les mesures de solidarité à l’égard des ayants droit des membres des forces de l’ordre décédés en mission et des victimes du terrorisme. Tout ce qui peut être fait pour soulager la douleur des familles et des proches des victimes doit être soutenu sans condition, au moment où nous apprenons que de nouveaux attentats ont été déjoués et que le danger reste constant.
La réduction par étapes du taux de l’impôt sur les bénéfices des sociétés à partir de l’an prochain jusqu’en 2020 est un facteur d’attractivité du territoire national. Elle n’aura pas d’impact sur l’application du taux réduit de 15 % pour les TPE-PME ; c’est un gage de stabilité.
Parallèlement, la France doit poursuivre ses efforts en faveur d’une harmonisation vertueuse des politiques fiscales dans l’Union européenne et lutter davantage contre le dumping fiscal.
Je souhaite vous faire part de notre inquiétude concernant l’aménagement du régime d’imposition des élus locaux, qui figure à l’article 5 du projet de loi. La mise en œuvre de la réforme du prélèvement à la source entraînera la refonte du régime d’imposition des indemnités des élus locaux – il fonctionne depuis longtemps déjà sur le principe d’une retenue à la source –, qui serait intégré au sein du nouveau régime général, dont l’application débuterait en 2018. Mais la réforme n’est pas neutre fiscalement, car elle accroîtra le prélèvement pour certains élus. Une réforme technique comme celle-ci ne doit pas être utilisée pour dissimuler un durcissement fiscal. Sur ce point, nous souhaitons vous entendre, monsieur le secrétaire d’État.
Concernant l’évolution des dotations aux collectivités locales en 2017, nous pouvons faire deux constats.
Premièrement, pour le bloc communal, le résultat est moins mauvais qu’attendu, avec une moindre baisse de la DGF, promise par le Président de la République, le 2 juin dernier, lors du congrès des maires.
Deuxièmement, les grands perdants de ces arbitrages sont les régions et les départements. Leur contribution au redressement des finances publiques reste inchangée, alors que leur situation s’est considérablement aggravée. Je pense notamment à la baisse des dotations aux départements et à l’ampleur croissante de leur reste à charge du fait de dépenses de solidarité, qui renforce leurs difficultés.
Si nous n’examinons pas la première partie du projet de loi de finances, nous ne discuterons pas non plus de la deuxième partie, relative aux mesures fiscales non rattachées et aux crédits des missions. Cela signifie très précisément que nous ne pourrons nous prononcer ni sur l’instauration du prélèvement à la source, ni sur la réforme de la propagande électorale, ni sur la répartition des différentes dotations aux collectivités, autant de sujets majeurs qui mériteraient pourtant d’être examinés en détail.
Dans ce contexte législatif contraint, notre groupe, s’il approuve les grandes orientations budgétaires du projet de loi de finances, émet de nombreuses réserves sur le détail de son contenu. La trajectoire de redressement des finances publiques définie dans la loi de programmation pluriannuelle, révisée lors de la présentation du programme de stabilité, reste globalement acceptable, même si elle manque manifestement d’ambition.
Il est essentiel de prendre davantage en compte les préoccupations des territoires, en particulier des territoires ruraux. Des mesures fiscales volontaristes en faveur de l’activité agricole et des réseaux des chambres d’agriculture, des infrastructures de transport – nous avons évoqué le réseau ferroviaire hier dans cet hémicycle –, de la communication par téléphone mobile et par internet et des services aux personnes sont indispensables.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes particulièrement attentifs à la préservation du tissu d’entreprises locales, qui sont vitales pour l’activité économique dans nos territoires ruraux.
La crise agricole est particulièrement aiguë – nous en avons également parlé hier. Si les tensions sont un peu retombées à la suite des mesures d’urgence prises par le Gouvernement, la situation demeure préoccupante. Les causes, certes, viennent de plus loin ; les solutions ne dépendent pas seulement de la volonté du Gouvernement. Cette volonté est bien réelle, mais la concurrence joue à l’échelle européenne. J’en profite pour appeler de mes vœux l’adoption définitive, dans les plus brefs délais, des dispositions de la loi Sapin II relatives à l’agriculture, car la vie économique de nombre d’agriculteurs, éleveurs et producteurs de lait en dépend.
Le soutien à l’investissement local est un enjeu majeur. La précédente loi de finances avait créé un fonds de soutien d’un milliard d’euros, dont nous devons d’ores et déjà tirer un premier bilan. L’article 60 du projet de loi de finances pour 2017 prévoit de le renforcer, en majorant de 200 millions d’euros la dotation d’équipement des territoires ruraux. Les 600 millions d’euros attribués au titre de la dotation de soutien à l’investissement doivent contribuer à la réalisation de projets de rénovation thermique, de transition énergétique, de développement des énergies renouvelables, de mise aux normes et de développement de l’accessibilité des infrastructures. Enfin, les 600 millions d’euros destinés aux projets de territoire doivent donner davantage de moyens aux communes et intercommunalités situées en zone rurale.
En conclusion, je redis notre profond regret de ne pouvoir examiner ce projet de loi de finances. L’an dernier, les débats avaient été particulièrement riches et animés ; je pense notamment à la discussion sur la réforme des dotations du bloc communal. La majorité de la Haute Assemblée avait présenté un budget alternatif. Si nous n’avions pas approuvé l’ensemble du texte, nous avions, du moins je l’espère, apporté une contribution positive et fait adopter quelques amendements.
Nous laissons ainsi passer l’occasion d’examiner précisément et de façon constructive la fiscalité et l’économie. Gageons que les questions budgétaires reviendront bientôt à l’ordre du jour avec le projet de loi de finances rectificative.
Après cette intervention générale au sein de cette première discussion générale, plusieurs de mes collègues du RDSE s’exprimeront mardi prochain, au cours du deuxième épisode, sur différents sujets, notamment plusieurs missions de ce projet de loi de finances, avant que M. Mézard n’explique notre vote sur la question préalable souhaitée et déposée par la majorité sénatoriale.