Le Haut Conseil des finances publiques n’existait pas encore, mais gageons qu’il aurait au moins qualifié, avec son langage châtié, une telle prévision de « follement enthousiaste ».
Rappelons que la croissance pour 2012 aura finalement été de… 0 % !
Sans vouloir donner de leçon à quiconque, avant de trop vilipender l’irréalisme d’aujourd’hui, il n’est pas inutile de se remémorer les chimères d’hier.
La majorité sénatoriale reproche également à ce budget de comporter des mesures fiscales dont l’impact ne portera pas principalement sur l’année 2017. Là encore, c’est vrai ! Mais cela tient essentiellement, chacun l’aura compris, aux modalités de recouvrement de l’impôt. Certains crédits ou baisses d’impôt n’ont effectivement pas d’impact sur les finances publiques l’année de leur entrée en vigueur du fait du délai de perception d’un an, mais c’est la conséquence des arcanes de notre droit fiscal ; ces mesures seront bel et bien appliquées dès le 1er janvier 2017.
Certes, il n’est pas interdit de penser que le Gouvernement, cette année peut-être un peu plus que d’autres d’années, utilise de telles règles au mieux de ses intérêts.
Mais, dans le même temps, avec le prélèvement à la source, il met enfin en place une ambitieuse réforme du recouvrement de l’impôt sur le revenu, qui devrait justement supprimer un tel décalage préjudiciable à la lisibilité des finances de l’État et des ménages. Il serait donc cohérent de saluer une telle initiative.
Je poursuis la comparaison. Pour 2012, qu’en était-il des réformes à impact différé ?
Dans le projet de loi de finances rectificative du mois de mars 2012, le gouvernement de François Fillon nous avait proposé, à un mois de la présidentielle, l’introduction d’une TVA sociale d’un montant de 13 milliards d’euros.
On pourrait gloser, comme le fait aujourd’hui la majorité sénatoriale à propos du prélèvement à la source, sur la légitimité démocratique des grandes réformes entreprises en fin de mandat.
En l’occurrence, la TVA sociale du mois de mars 2012 n’était pas une réforme, puisqu’elle était assortie d’une entrée en vigueur… au 1er octobre de l’année 2012, c’est-à-dire juste après les élections. Cela n’a donc pas grand-chose à voir avec le fait que les crédits d’impôt appliqués en 2017 s’imputent au solde de 2018.
Autrement dit, le projet de loi de finances rectificative de mars 2012, dont la TVA sociale constituait le principal contenu, n’était vraiment qu’une coquille vide ! La comparaison avec le projet de loi de finances de cette année est donc réellement sans fondement.
S’il est une chose que nous pourrions reconnaître sur toutes les travées de cet hémicycle, c’est que le dernier budget d’un quinquennat comporte toujours une part d’électoralisme, plus ou moins grande selon l’époque.
C’est la logique de notre calendrier institutionnel qui s’applique, indépendamment de la couleur de la majorité en place. Pour autant, un tel fonctionnement n’est pas satisfaisant et l’opposition est dans son rôle en le dénonçant ; je dirais même qu’elle doit tenir ce rôle. Cela passe en particulier par la confrontation transparente et minutieuse des propositions, point par point, pied à pied. Rien dans la part d’électoralisme du cru 2017 ne justifie que la majorité refuse de débattre et dépossède le Sénat d’une de ses prérogatives les plus fondamentales !
Pour terminer la comparaison avec 2012, rappelons que la majorité sénatoriale d’alors avait, quant à elle, fait son travail, en adoptant le projet de loi de finances après l’avoir réécrit. Certes, ce que nous ne savions pas encore à l’époque, c’est que nous n’en voterions malheureusement plus d’autre ensuite.