Intervention de Gérard César

Réunion du 24 novembre 2016 à 15h00
Loi de finances pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Gérard CésarGérard César, vice-président de la commission des affaires économiques :

La politique budgétaire est en principe un instrument de la politique économique. C’est pourquoi la commission des affaires économiques s’intéresse aux crédits des secteurs qui relèvent de sa compétence et, d’une manière générale, à la vie économique de notre pays, en métropole comme outre-mer.

Je le dis d'emblée, nous partageons l’analyse de la commission des finances : ce projet de loi de finances préélectoral ne correspond pas à la réalité. Il y a donc lieu de le sanctionner.

Pour autant, ce n’est pas parce que le débat pourrait s'arrêter dès la semaine prochaine en séance publique qu’il n'y a pas lieu d’examiner les crédits des programmes en commission.

Pour notre part, à la commission des affaires économiques, nous le faisons. Cela nous donne l’occasion d'auditionner les ministres sur la politique qu’ils mènent dans leurs secteurs respectifs. Nous avons des débats fort intéressants grâce au travail de nos rapporteurs pour avis.

Lorsque certains nous disent qu’il est inutile de poursuivre le travail en commission parce que la commission des finances a déposé une motion tendant à opposer la question préalable, nous répondons qu’il nous faut former notre propre jugement : c'est l’examen détaillé en commission qui fonde le débat en séance publique. C'est donc bien plutôt l’absence de travail en commission qui pourrait nous être reprochée !

Mes chers collègues, l'économie française est en piteux état, et c’est en grande partie dû à la très mauvaise politique budgétaire menée depuis bientôt cinq ans.

Un véritable choc fiscal a marqué les trois premières années du quinquennat. Les entreprises ont été saisies de tétanie : même lorsqu'elles en avaient besoin, elles évitaient de recruter, par crainte de ce que le Gouvernement allait décider.

Cette mandature devait être marquée par le « redressement productif ». Or l'emploi industriel a continué de diminuer et les usines de fermer. C'est une préoccupation très forte de la commission des affaires économiques.

Nous croyons qu’il est possible de produire en France. Nous en avons des exemples dans l’aéronautique, dans le spatial, dans l’automobile, dans la construction navale. La révolution numérique crée aussi des occasions de développement pour l'industrie.

Mais l’État et les autres administrations publiques souffrent de dépenses de transferts sociaux trop importantes. Ils ne peuvent plus financer l’équipement du pays, comme l’a montré la triste affaire de l’usine Alstom de Belfort, qui a requis l’accélération d'une commande de 15 rames TGV par l’État.

Le Gouvernement aggrave encore les choses, avec la purge qu’il fait subir aux collectivités territoriales, alors même qu’il abandonne l'objectif d’économies de 19 milliards d’euros initialement prévu pour l’État.

L'investissement des collectivités territoriales s'est effondré, ce qui n’a pu qu’aggraver la crise économique, les collectivités réalisant près des trois quarts de l'investissement public.

Le pacte de responsabilité et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi sont des dispositifs utiles, mais ils sont intervenus trop tard et ils sont surtout trop compliqués. Il vaudrait mieux les remplacer par des allégements directs de charges sociales.

Le résultat de tout cela est que la croissance reste poussive. Le chômage s’est certes stabilisé ces derniers temps, mais il reste à un niveau très élevé et la croissance est beaucoup trop faible pour qu’il puisse diminuer significativement.

L’économie américaine est peut-être déjà en fin de cycle de croissance après la crise de 2008, alors que l’économie française n’a pas encore commencé de s’en remettre. Nos partenaires européens se portent mieux que nous. Des pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou l’Autriche sont quasiment au plein-emploi. L’Italie, l’Espagne ou l’Irlande, qui avaient davantage souffert de la crise que la France, ont vu leurs finances publiques se rétablir plus vite et leur chômage commencer à diminuer beaucoup plus tôt.

Alors que la précédente mandature avait connu deux chocs terribles, la crise des subprimes et la crise des dettes publiques, l'actuel quinquennat, à l'inverse, a vu s’améliorer trois facteurs externes très importants : une forte baisse des taux d’intérêt, qui touche peut-être à sa fin ; une très forte baisse des prix de l’énergie, du pétrole en particulier ; un rééquilibrage favorable de la parité entre l’euro et le dollar. Le Gouvernement n’a pas su en faire profiter la France, contrairement à nos partenaires.

Je ne vais pas entrer dans le détail des travaux de la commission des affaires économiques, je n’en ai pas le temps, mais je souhaiterais illustrer mon propos de quelques exemples pris parmi les crédits qu’elle suit.

Je représente aujourd'hui son président, Jean-Claude Lenoir, qui ne peut malheureusement être présent, mais je suis aussi rapporteur pour avis de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », sur les crédits de laquelle nous avons émis un avis défavorable.

Mon premier exemple concerne les crises agricoles, qui se sont malheureusement multipliées ces dernières années. Le Gouvernement a prévu 4, 8 millions d’euros sur ce poste en 2017. Or la dépense atteindra plus de 150 millions d'euros en 2016.

À chaque crise, il est nécessaire d’aller solliciter des crédits par redéploiements budgétaires ou ouvertures de crédits en projet de loi de finances rectificative.

Ainsi, on attend pour 2016 l’ouverture de crédits à hauteur de 157 millions d’euros sur le fonds d’allégement des charges, le FAC, mobilisé dans le cadre du pacte de consolidation et de refinancement des entreprises agricoles.

On attend aussi des crédits pour compenser les pertes de recettes locales liées aux mesures de dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Le second exemple que je voudrais donner porte sur les crédits de l’énergie, grâce aux travaux de Bruno Sido et d’Alain Chatillon et à l’apport essentiel de Ladislas Poniatowski.

Le programme « Énergie, climat et après-mines » est en effet marqué par au moins deux défauts majeurs.

Le premier, une absence de compensation de la hausse de la taxe carbone, qui est contraire à la loi et qui occasionnera des prélèvements supplémentaires sur les consommateurs d'énergie. Selon les hypothèses de rendement de la taxe carbone retenues, ce sont entre 196 millions d'euros et 440 millions d'euros de prélèvements supplémentaires qui pèseront sur les consommateurs en 2017.

Le deuxième, des instruments de financement de la transition énergétique qui sont bien en deçà des besoins, ou même des annonces initiales du Gouvernement.

Le prix plancher du carbone pour la production électrique nationale, limité ensuite aux seules centrales à charbon, a été finalement abandonné.

La programmation pluriannuelle de l’énergie ne dit rien sur la façon dont la part du nucléaire dans la production électrique sera réduite à 50 % en moins de dix ans. Cela ne nous étonne pas : nous avons toujours dénoncé le caractère à la fois irréaliste et nuisible pour l'économie française de cet objectif.

Il va falloir aussi financer la refondation de la filière électronucléaire.

Pour AREVA, d’abord : le plan de financement de cette opération prévoit des augmentations de capital pour un total de 5 milliards d'euros, dont 2 milliards iront à AREVA SA, chargé des actifs douteux, et 3 milliards au nouvel AREVA, chargé du cycle du combustible. L'État y souscrira pour un montant compris entre 4 milliards et 4, 5 milliards d'euros.

Pour EDF, ensuite : l’État, actionnaire à 85 %, a fait le choix de renforcer les capitaux propres de l’entreprise. Tout d’abord en acceptant de percevoir ses dividendes en actions plutôt qu’en numéraire ; ensuite en indiquant qu’il souscrira à hauteur de 3 milliards d’euros à l’augmentation de capital de 4 milliards d’euros prévue prochainement.

Au total, la recapitalisation de la filière va donc absorber entre 7 milliards et 7, 5 milliards d’euros d’investissement de la part de l’État.

Or les crédits du compte d’affectation spéciale prévu à cette fin ne comptent que 6, 5 milliards d’euros. C'est insuffisant, et c’est sans compter sur l'achat de titres Alstom, pour 1 milliard d'euros supplémentaires. Le compte d’affectation spéciale pourrait ainsi connaître une impasse de 2 milliards d'euros.

Il ne s’agit là que de quelques exemples des impasses que recèle ce budget, bien plus nombreuses encore que celles qui ont été relevées par M. le rapporteur général.

Elles justifient à nos yeux le rejet du présent projet de loi de finances.

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