En 2017, la sphère sociale est encore censée contribuer aux économies annoncées par le Gouvernement, mais leur réalisation nous paraît sujette à caution.
Ainsi, sur 4 milliards d’euros de moindres dépenses prévues sur l’objectif national de dépenses d'assurance maladie, l’ONDAM, notre commission a démontré que plus de 900 millions d’euros étaient discutables. Le comité d’alerte de l’ONDAM a lui-même souligné qu’une partie significative d’entre elles sera imputée sur d'autres périmètres ou financée par des ressources non pérennes. Si l’on neutralise ces opérations, la vraie progression de l’ONDAM sera de 2, 5 % et non de 2, 1 % en 2017.
Plus contestables encore sont les économies annoncées sur l’UNEDIC. Cette dernière prévoit le maintien d’un déficit élevé en 2017 en l'absence de modification des règles d’indemnisation. Les négociations sur une nouvelle convention d’assurance chômage ont été rompues au mois de juin et il y a fort à parier que le Gouvernement laissera ce dossier en l’état à son successeur. La prévision de déficit est ainsi supérieure de 2, 2 milliards d’euros à celle qui a été retenue par le Gouvernement dans son cadrage.
S’agissant des choix qui sous-tendent cette trajectoire, la hausse des prélèvements a jusqu'à présent été clairement privilégiée sur la réduction des dépenses.
En 2017, malgré le pacte de responsabilité, dont la troisième étape semble d’ailleurs remise en cause, le niveau des prélèvements obligatoires affectés aux administrations de sécurité sociale sera supérieur de 0, 4 point à celui de 2012. Des hausses sont encore prévues l’an prochain, pour les cotisations de retraite et la fiscalité du tabac.
En matière de décélération des dépenses, le résultat le plus significatif concerne l’assurance vieillesse, mais il est lié à la réforme des retraites de 2010, combattue par l’actuelle majorité, réforme dont elle a atténué les effets en élargissant les possibilités de retraite anticipée.
Notre commission conteste en tout cas l’idée selon laquelle l’équilibre des régimes serait désormais pleinement assuré. Les prévisions en ce sens s’appuient sur des hypothèses très optimistes. Elles occultent les besoins de financement des régimes du secteur public, aujourd'hui automatiquement couverts par des ajustements budgétaires, et donc le déficit de l’État. Pour les employeurs publics, le financement des retraites est supérieur de 20 milliards d’euros au niveau qui résulterait d’une application des taux de cotisation du secteur privé.
Le véritable effort sur les dépenses a été fait sur la politique familiale, avec la réduction du quotient familial et la modulation des allocations familiales. Ces mesures ont remis en cause un élément constitutif fort de notre politique familiale, à savoir la garantie d’une certaine compensation des charges familiales pour toutes les familles, indépendamment des nombreux mécanismes de solidarité à l’égard des plus modestes d’entre elles.
Comme l’a souligné la commission des finances, en s’appuyant d’ailleurs sur les chiffres du rapport économique, social et financier du Gouvernement, le bilan des mesures sociales et fiscales du quinquennat se traduit par une ponction sur le pouvoir d’achat des ménages avec enfants, alors que les célibataires et les couples sans enfant bénéficient d’un gain de pouvoir d'achat. C’est une situation que nous ne pouvons bien entendu que dénoncer.
En résumé, exception faite de cette entorse aux principes qui fondaient de longue date notre politique familiale, la dynamique des dépenses sociales demeure extrêmement forte, et elle est délibérément sous-évaluée dans les textes financiers pour 2017.
Cela est vrai pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ça l’est également pour le projet de loi de finances.
Sur la mission « Santé », notre commission constate, comme chaque année, la sous-budgétisation des crédits destinés à l’aide médicale d’État. Il s’agit, vous le savez, d’une dépense particulièrement dynamique, qui a progressé de 40 % depuis 2012. Sur la même période, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 32 %, avec une accélération au cours des dernières années.
Le collectif budgétaire prévoit des crédits supplémentaires représentant 11 % de la dotation initiale. Et nous considérons que, une fois encore, les crédits prévus pour 2017 ne couvriront pas les besoins.
La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » a également été sous-dotée en 2016, puisque près de 800 millions supplémentaires doivent être ouverts en collectif.
Ici encore, les dépenses sont particulièrement dynamiques. Le Gouvernement a élargi certaines conditions d’attribution de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, mais c’est surtout la prime d’activité qui génère des besoins beaucoup plus importants que prévu. Après une rallonge de 370 millions dans le collectif de fin d’année, une augmentation d’environ 300 millions supplémentaires est inscrite pour 2017. Elle risque d’être insuffisante pour une prestation récente, qui va poursuivre sa montée en charge, ouverte dès l’âge de 18 ans, accessible par des démarches dématérialisées et cumulable depuis la loi Travail avec l’AAH et les rentes accident du travail.
La commission dresse un constat assez comparable sur le programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Égalité des territoires et logement ». Les crédits demandés pour 2017 sont inférieurs de 17 millions d’euros à ceux qui devraient été consommés en 2016 après abondement en collectif budgétaire, alors que les besoins sont appelés à augmenter compte tenu de la progression de la précarité mais aussi de la nécessaire prise en charge du flux des populations migrantes.
La commission des affaires sociales a donné un avis défavorable aux crédits de la mission « Travail et emploi », en raison de ses doutes sur la pertinence des multiples dispositifs que celle-ci finance pour un montant désormais supérieur à 15 milliards d’euros.
Une enveloppe de 1, 5 milliard d’euros – 200 millions de plus qu’en 2016 – est prévue pour financer les contrats aidés, dont moins de 20 % seront conclus dans la sphère marchande, alors que toutes les études du ministère du travail sur le taux d’insertion professionnelle des bénéficiaires devraient conduire le Gouvernement à donner la priorité à l’apprentissage et à privilégier les contrats dans la sphère marchande.
La même remarque pourrait être faite à propos des contrats d’emploi d’avenir, dotés de 900 millions d’euros l’an prochain.
Enfin, la commission déplore les hésitations du Gouvernement en matière d’aides à l’embauche. Après la création, en 2015, de l’aide TPE pour l’embauche d’un premier salarié, est intervenue cette année une aide temporaire pour toutes les PME qui embauchent des personnes en CDI ou en CDD de plus de 6 mois et dont la rémunération est inférieure à 1, 3 SMIC. La prolongation de cette aide en 2017 a été annoncée et près de 2 milliards d’euros sont prévus au budget.
Sans méconnaître l’utilité de cette nouvelle aide, on peut constater que la politique gouvernementale, faite d’hésitations et de tâtonnements, n’est pas de nature à rassurer les employeurs, qui souhaitent avant tout la stabilité de l’environnement juridique. Ce dispositif devra impérativement être évalué afin de faire la part entre les inévitables effets d’aubaine et les résultats réellement liés à la baisse du coût du travail.
En conclusion, la commission des affaires sociales partage pleinement l’analyse effectuée par la commission des finances, ce qui l’a conduit à proposer au Sénat de rejeter les objectifs de recettes et de dépenses du projet de loi de financement de la sécurité sociale, rejet qui, en vertu des dispositions organiques propres aux lois de financement, n’a pas empêché la discussion des dispositions strictement non financières du projet de loi.
C’est également ce qui a motivé l’avis défavorable qu’elle a exprimé sur quatre des huit missions budgétaires qu’elle a examinées, et ce qui amènera ses rapporteurs à soutenir la motion tendant à opposer la question préalable présentée par la commission des finances.