Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 24 novembre 2016 à 15h00
Loi de finances pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, un budget qui augmente est-il nécessairement un bon budget ? Une hausse des crédits est-elle toujours la traduction d’une politique publique pertinente, claire et cohérente ?

Telles sont les questions auxquelles la commission de la culture s’est efforcée, comme chaque année, de répondre en examinant les crédits des missions qui relèvent de sa compétence. Je profite de l’occasion qui m’est ici offerte pour remercier l’ensemble de nos collègues rapporteurs de ces missions pour leurs travaux.

Ce faisant, la commission n’a pas perdu de vue que les crédits de certaines missions s’inscrivent aussi dans un contexte général, celui de la baisse des dotations de l’État. Dans le secteur culturel, les collectivités territoriales assurent les deux tiers des financements ; du coup, l’examen du seul budget ne permet pas de disposer d’une vue globale de l’effort réel de l’État en la matière. On ne saurait se satisfaire pour ce secteur des affichages d’augmentations en cette dernière année si, en parallèle, les dotations baissent tellement que les structures et équipements culturels se trouvent, par ricochet, mis en difficulté !

D’une manière générale, nous examinons un projet de loi de finances en demi-teinte, qui intervient au terme d’une législature marquée par de fortes variations des budgets, créant, de fait, un effet yo-yo préjudiciable à la conduite des politiques publiques. En résumé, les augmentations de 2017 compenseront-elles les baisses drastiques et brutales des années précédentes ? Je crains qu’une dynamique n’ait été cassée dans certains secteurs...

Quoi qu’il en soit, forte de la ligne de conduite de responsabilité qui a toujours été la sienne, la commission de la culture a, hier encore, donné un avis favorable au projet de contrat d’objectifs et de moyens de France Médias Monde. Elle a estimé que ce document reflétait bien la volonté de développer les missions de l’audiovisuel extérieur de la France. Elle a également bien sûr tenu compte des efforts de maîtrise des dépenses menés à bien par la chaîne publique depuis plusieurs années, bref d’une stratégie cohérente, globale et vertueuse.

C’est aussi au nom du réalisme que la commission de la culture a donné un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » au sein de la mission « Action extérieure de l’État », tout en soulignant que ceux-ci baissent de manière constante et inquiétante depuis plusieurs années et que nous sommes désormais au bout du bout. Que nous restera-t-il pour mener à bien, dans un monde devenu dangereux, le nécessaire combat culturel et d’influence évoqué par Jean-Pierre Raffarin il y a quelques instants ?

À l’inverse, un budget progresse-t-il toujours pour de bonnes raisons et traduit-il une véritable dynamique de l’action publique ? L’évolution des crédits correspond, bien souvent et avant tout, à l’augmentation du point d’indice de la fonction publique. Celle-ci a évidemment un impact très fort sur l’évolution des crédits de la mission « Enseignement scolaire », ainsi que sur ceux de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Défalquée de cette progression, l’évolution des crédits apparaît évidemment nettement moins favorable.

Elle l’est d’autant moins lorsque la progression est due à un mouvement budgétaire ou comptable bienvenu, mais qui gonfle artificiellement les crédits de la mission considérée. Ainsi, l’année dernière, la redevance d’archéologie préventive a été – enfin – budgétée. C’est une bonne chose et nous l’avons d’ailleurs saluée en son temps. Cependant, l’appréciation de l’évolution des crédits doit être relativisée à due proportion.

Surtout, et ce phénomène concerne plusieurs missions, si on assiste à un réel effort dans certains domaines, les lignes budgétaires sont souvent loin de retrouver leur niveau de 2012.

Je ne prendrai que deux exemples.

Premièrement, dans le domaine culturel, alors que le Président de la République avait proclamé haut et fort la priorité accordée à la jeunesse et à l’éducation, le Gouvernement avait paradoxalement d’emblée fait le choix d’assécher, puis de supprimer le financement des conservatoires. Il fallait mettre l’accent sur l’éducation artistique et culturelle, mais sans accorder de crédits à ces établissements pourtant essentiels dans la structuration de cette politique d’enseignement et de sensibilisation des élèves aux arts et à la culture.

Je ne comprends d’ailleurs pas très bien la politique menée par le Gouvernement, qui a relancé les budgets cette année, et on peut s’en réjouir, mais qui n’a en aucun cas traité la question de manière structurelle à l’occasion de la loi NOTRe ; il aurait pu pousser à la décentralisation...

Deuxièmement, dans le domaine de la recherche, on a assisté au même phénomène de baisse des crédits puis de rétablissement partiel en fin de quinquennat pour l’Agence nationale de la recherche.

Le taux de sélection des projets était désormais tellement bas qu’il avait perdu toute signification, dans un secteur pourtant essentiel pour l’avenir. Je me félicite donc de la prise de conscience qui, dans ce domaine aussi, semble avoir eu lieu.

La recherche, d’une manière générale, fournit d’ailleurs une très bonne illustration des préoccupations exprimées par les membres de la commission de la culture.

Peut-on, mes chers collègues, accepter les impasses financières qui concernent, notamment, les contributions de la France aux organisations internationales chargées de mener à bien de grands projets de recherche ?

Peut-on accepter que les organismes de recherche et les universités soient appelés à se débrouiller pour financer le glissement vieillesse-technicité, quitte à ne pas pourvoir certains postes, ou que les mesures de sécurisation, qui sont nécessaires dans le contexte actuel, aient été financées en continuant à appliquer le taux dérogatoire de contribution des universités au Fonds d’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique ? Bref, pas de moyens supplémentaires pour la politique en faveur des handicapés, au nom de la sécurité des étudiants. Voilà qui n’est quand même pas très glorieux, car ces deux priorités ne sauraient être opposées !

Ces tours de passe-passe budgétaire sont d’autant plus regrettables qu’ils nuisent à l’image globale que l’État peut donner à des secteurs entiers, jusqu’à masquer la réussite de l’effort mené en matière de structuration et de visibilité de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Je voudrais évoquer maintenant les préoccupations ou interrogations exprimées par les membres de la commission, qui, si elles ne sont pas toutes strictement budgétaires, ont une incidence forte sur notre façon d’appréhender le budget – pour le dire autrement, les zones d’ombre et de lumière de quelques secteurs.

Dans le domaine de la presse, le renforcement des aides à la modernisation est bienvenu tant celles-ci sont indispensables, notamment pour favoriser la transition numérique du secteur. En revanche, si la situation de Presstalis semble aujourd’hui assainie, au prix d’efforts considérables de l’État, des éditeurs et des salariés, celle des Messageries lyonnaises de presse fait craindre une nouvelle crise de la distribution.

Surtout, guère plus d’un an après la loi qui a clarifié son statut et les modalités du soutien financier que lui apporte l’État, la situation de l’Agence France-Presse constitue une réelle source d’inquiétude.

Même sentiment partagé dans le domaine du cinéma : le renforcement des crédits d’impôt intervenu l’an passé a eu un effet très positif, notamment sur la relocalisation des tournages en France, créant ainsi de la richesse. En revanche, le système de financement pourrait être fragilisé par une réduction de la participation de Canal+, et si le rendement de la taxe sur la vidéo n’est pas rendu plus dynamique par son extension aux grands acteurs de l’internet.

Tout cela me fournit une transition pour aborder une impasse grave de ce budget : l’absence de réflexion sur l’incidence fiscale de la révolution numérique. Je pense, en particulier – et je parle sous le contrôle de notre collègue Jean-Pierre Leleux, rapporteur de la mission « Médias » –, au financement de l’audiovisuel public.

Cette question a fait l’objet, il y a un peu plus d’un an, d’un travail que j’avais souhaité très approfondi, mené conjointement par la commission de la culture et la commission des finances.

Nous savons tous que les nouveaux usages des médias, les nouveaux supports vont entraîner une baisse du rendement de la contribution à l’audiovisuel public : il faudra bien qu’un gouvernement ait le courage de s’attaquer à ce chantier, annoncé il y a trois ans par le Président de la République, en conclusion d’un colloque organisé au sein du Conseil supérieur de l’audiovisuel, mais qui ne s’est jamais traduit dans les faits.

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