La transition énergétique ne consiste pas seulement à définir des objectifs ambitieux, mais aussi à prévoir leur déclinaison locale ! Or comment les collectivités locales pourront-elles mettre en place ces mesures si, dans le même temps, elles subissent des baisses de dotations ?
Pour que la transition énergétique puisse devenir une réalité sur le terrain, il faut que les collectivités aient des moyens financiers supplémentaires ou qu’elles disposent d’une part de fiscalité écologique.
Deux échelons territoriaux sont particulièrement concernés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte : les régions, qui vont devoir élaborer les schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire, les SRADDET, et les EPCI, qui doivent mettre en place les plans climat air énergie territoriaux, les PCAET.
On sait que pour élaborer ces documents il faut un budget de 1 à 2 euros par habitant. Mais pour mettre en œuvre les mesures contenues dans ces documents, il faut des budgets de 100 à 200 euros par habitant. Monsieur le secrétaire d’État, comment fait-on pour dégager de tels crédits, alors que l’on continue à baisser les dotations aux collectivités territoriales ?
Vous me rétorquerez peut-être qu’a été mis en place le fonds de concours « Territoire à énergie positive pour la croissance verte ». Certes, mais il concerne des territoires déjà engagés dans la transition, et ne concerne donc pas les territoires qui doivent s’y engager. En outre, nous n’avons aucune garantie sur la pérennité de ces crédits, qui sont des crédits « one shot ».
Autre exemple de financement insuffisant : le Fonds chaleur. Depuis 2014, la ministre de l’écologie nous annonce son doublement. Or ce n’est toujours pas le cas : il reste plafonné à un peu plus de 200 millions d’euros par an. C’est dommage, car ce fonds est efficace et a un effet de levier. Entre 2009 et 2015, pour un investissement d’un peu plus de 1 milliard d’euros, il y a eu 4, 7 milliards d’euros de travaux, ce qui a permis de réaliser 3 600 installations et 1 700 kilomètres de réseaux de chaleur, dont la moitié concerne des énergies renouvelables. Il est donc regrettable que l’augmentation promise n’ait pas eu lieu.
Sur le budget de la politique des territoires, là encore, comme nous l’a indiqué notre rapporteur M. Pointereau, les priorités n’apparaissent pas clairement et l’aménagement du territoire demeure le parent pauvre de l’action publique. Nous pourrions évoquer l’accès aux soins et le numérique pour illustrer notre propos.
On observe une sorte de saupoudrage, sans visibilité ni perspective, sur toute une série de dispositifs, soit moins de moyens sur plus d’actions.
Certes, une nouveauté apparaît cette année : les contrats de ruralité. C’est très amusant : nous les avions votés ici même l’année dernière – c’était une proposition du groupe UDI-UC –, contre la volonté du Gouvernement et, finalement, changement de pied du Gouvernement, qui revient avec les contrats qu’il refusait un an plus tôt ; le Gouvernement sait donc faire preuve, parfois, de clins d’œil humoristiques.
Cependant, on doit dénoncer la construction en trompe-l’œil de ces contrats. Pour 2017, en effet, les 216 millions d’euros prévus en autorisations d’engagement ne seront couverts que par 30 millions d’euros de crédits de paiement, eux-mêmes en partie gagés par des baisses de crédits ouverts l’année dernière ! Il s’agit, une fois encore, d’un effet d’affichage. Et c’est une nouvelle préemption, à bon compte, sur les budgets des prochaines années.
J’en viens au domaine des transports, à propos duquel nos quatre rapporteurs, spécialistes de ces questions – Nicole Bonnefoy, Charles Revet, Jean-Yves Roux et Louis Nègre –, ont tous émis, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent, critiques et inquiétudes.
La principale critique concerne le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, qui affiche, depuis plusieurs années, un net décalage entre ses besoins de financement et ses ressources.
Fixé à 2, 2 milliards d’euros pour 2017, ce budget n’est clairement pas à la hauteur des engagements pris, comme le reconnaissait hier ici même M. le secrétaire d’État chargé des transports. Il faudrait de 2, 6 milliards à 2, 8 milliards d’euros pour que l’AFITF ne soit pas à nouveau obligée de retarder certains projets ou d’accroître sa dette à l’égard de SNCF Réseau, qui n’en a vraiment pas besoin...
Si l’on fait un bilan des trois dernières années, la politique menée par le Gouvernement à l’égard de l’AFITF ne peut que susciter de très vives critiques. Louis Nègre nous a ainsi rappelé que l’AFITF avait dû prendre en charge les indemnités versées à Ecomouv’ au titre de l’abandon de l’écotaxe, alors que le produit de celle-ci aurait dû venir abonder le budget de l’agence.
De même, l’augmentation de la fiscalité du gazole décidée en 2015, qui devait revenir à l’AFITF, a été, pour plus de la moitié, détournée par Bercy pour financer d’autres dépenses, pour ne pas dire pour boucher d’autres trous.
Comment, dans ces conditions, assurer le soutien à une véritable politique de rénovation et de développement de nos infrastructures ? Comment assurer le financement d’investissements favorables au report modal que constituent plus des deux tiers des interventions de l’AFITF en faveur du ferroviaire, du fluvial, du maritime et du transport collectif ?
Nos infrastructures ne sont pas en bon état. Jean-Yves Roux s’inquiète dans son rapport de l’état de notre patrimoine routier. Charles Revet mentionne à nouveau la lenteur des mesures prises pour assurer un meilleur accès à nos ports maritimes.
La politique gouvernementale en matière d’infrastructures n’est pas à la hauteur des enjeux !
Vous le voyez, monsieur le secrétaire d’État, notre commission est inquiète. Elle admet les nécessités d’une politique budgétaire rigoureuse, mais elle ne comprend pas l’absence de priorités claires, l’accumulation de choix contradictoires, la mauvaise gestion de crédits qui peuvent pourtant exercer un véritable effet de levier, favorable à la création de richesses et d’emplois.
Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ait émis un avis défavorable à l’adoption d’une très grande majorité des budgets qu’elle a examinés.