Intervention de Catherine Troendle

Réunion du 24 novembre 2016 à 15h00
Loi de finances pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, il me revient, en l’absence du président Philippe Bas, retenu par un déplacement à Dijon de la mission sur le redressement de la justice programmé de longue date, de présenter les principales observations de la commission des lois sur les crédits du projet de loi de finances dont elle s’est saisie pour avis.

Nous ne pourrons vraisemblablement pas en discuter dans le détail puisque la commission des finances a décidé, à juste titre, de présenter une motion tendant à opposer la question préalable à l’ensemble du projet de loi.

Cela n’a pas empêché la commission des lois de procéder, comme à son habitude, à un examen approfondi, exigeant et objectif de ces crédits.

Cette année encore, les rapporteurs pour avis ont réalisé de nombreuses auditions, en complément des auditions des ministres de l’intérieur et de la justice en commission, et effectué un travail remarquable, qui mérite d’être salué.

Ce travail n’aura pas été vain puisqu’il aura permis d’éclairer nos débats et nos concitoyens. Voici la synthèse, nécessairement incomplète, qui peut en être faite.

Lors de l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », notre collègue Pierre-Yves Collombat a relevé tout à la fois : les inquiétudes et critiques suscitées par la création, sans débat préalable, du fichier des titres électroniques sécurisés ; les difficultés pratiques résultant de la réorganisation, sur plusieurs sites, des directions régionales de l’État dans les nouvelles régions ; l’absence de mise en œuvre de la réforme de la carte des sous-préfectures, longtemps annoncée mais redoutée des élus locaux ; ainsi que le rejet par l’Assemblée nationale, qu’il a salué, du projet gouvernemental de dématérialisation de la propagande électorale.

S’agissant de la mission « Conseil et contrôle de l’État », notre collègue Michel Delebarre a souligné, d’une part, le risque de dégradation des performances satisfaisantes affichées par les juridictions administratives et financières, en raison de l’extension des compétences qui leur sont confiées, et, d’autre part, la multiplication des outils de rationalisation du contentieux administratif, tels que la procédure à juge unique et la médiation, qui suscitent des inquiétudes sur la qualité de la justice rendue et l’éloignement du justiciable de son juge.

Pour la mission « Direction de l’action du Gouvernement », notre collègue Alain Anziani a relevé la contribution des services du Premier ministre à l’effort de maîtrise des dépenses publiques et souligné la croissance non pas du nombre, mais du volume des textes de loi, particulièrement marquée en 2015 et 2016, qui alimente les critiques sur la qualité de la loi et dont la responsabilité incombe tant au Gouvernement qu’au Parlement.

Notre collègue Jean-Yves Leconte a, quant à lui, mis en exergue le risque que le Conseil supérieur de l’audiovisuel ne puisse contrôler le respect du principe d’équité lors de la campagne pour l’élection présidentielle qu’en se fondant sur les déclarations par les médias des temps de parole et d’antenne, et l’inquiétude du Défenseur des droits face à l’obligation d’apporter un secours financier aux lanceurs d’alerte, prévue par la loi dite Sapin II malgré l’opposition du Sénat.

S’agissant de la mission « Économie », notre collègue André Reichardt a étudié la mise en œuvre par l’Autorité de la concurrence de ses nouvelles prérogatives à l’égard des professions réglementées du droit, laquelle suscite des appréciations mitigées de la part de ces professions, singulièrement des notaires.

Il a aussi poursuivi son examen des politiques d’accompagnement des entreprises dans les territoires, confirmant les réserves exprimées l’an passé et son attachement à une véritable décentralisation des aides aux entreprises.

Enfin, il s’est interrogé sur les missions de la nouvelle Agence France Entrepreneurs et sur la reconfiguration du dispositif gouvernemental en matière d’intelligence économique.

Pour la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », et plus particulièrement la fonction publique, notre collègue Catherine Di Folco a fait un triple constat : tout d’abord, l’objectif de stabilisation des effectifs de fonctionnaires d’État sur le quinquennat n’aura pas été atteint puisque 43 080 créations nettes de postes auront été enregistrées entre 2012 et 2017 ; ensuite, l’augmentation de la masse salariale de l’État est préoccupante, comme l’a également observé la Cour des comptes, car elle contribue à l’aggravation du déficit public et empêche de dégager des marges de manœuvre budgétaires pour rénover la fonction publique ; enfin, les perspectives financières du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique sont préoccupantes en raison de l’effet de ciseaux né de la diminution de ses recettes et de l’augmentation de ses dépenses.

Lors de l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », notre collègue Esther Benbassa a salué les efforts de réalisme budgétaire conduits sur certains postes, comme celui des CADA, les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, même si l’hébergement des demandeurs d’asile dans ces centres est loin d’être la norme.

Elle a toutefois exprimé la crainte que les prévisions budgétaires ne demeurent en retrait par rapport à l’exécution pour le financement de l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile et de l’allocation pour demandeurs d’asile.

Notre collègue François-Noël Buffet, pour sa part, a relevé que la politique d’immigration et d’intégration demeurait le parent pauvre de la mission, malgré une hausse de ses crédits pour la deuxième année consécutive.

Il a en outre déploré le manque d’indicateurs pertinents pour évaluer l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière.

S’agissant de la mission « Justice », nos collègues Yves Détraigne, Hugues Portelli et Cécile Cukierman ont salué l’augmentation sensible des crédits qui lui sont alloués.

Yves Détraigne a toutefois souligné les difficultés récurrentes auxquelles sont confrontés les services judiciaires : sous-évaluation des frais de justice, cause de dépassements élevés en cours d’année ou d’importants retards de paiement pour les juridictions ; taux de vacance de postes élevé, tant pour les magistrats que pour les greffiers ; sous-consommation du plafond d’emplois voté chaque année, qui témoigne de déficiences graves dans l’organisation de la gestion du ministère.

Il a relevé qu’en dehors des créations prioritaires ciblées sur l’antiterrorisme, les créations nettes d’emplois restaient modestes et n’étaient pas de nature à résorber les 479 postes vacants et à rétablir la confiance dans la justice.

Il a par ailleurs estimé que les conséquences budgétaires de l’augmentation de la rétribution des avocats au titre de l’aide juridictionnelle étaient sous-évaluées dans le projet de loi de finances pour 2017, et que cette revalorisation ne dispensait pas d’engager la nécessaire réforme d’ampleur de l’aide juridictionnelle.

Hugues Portelli a déploré les vacances de postes de surveillants pénitentiaires, la prise de conscience trop tardive du Gouvernement de la nécessité de créer de nouvelles places de prison, la surpopulation carcérale qui en résulte et les hésitations dans la politique gouvernementale de prise en charge des détenus radicalisés.

Cécile Cukierman s’est inquiétée des difficultés financières du secteur associatif habilité, qui permet aux magistrats de diversifier les mesures de prise en charge des mineurs.

Elle a appelé de ses vœux un renforcement des partenariats entre la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, et les autres acteurs de la protection de l’enfance, singulièrement les conseils départementaux.

Enfin, elle a souligné la montée en puissance du phénomène de radicalisation chez les mineurs et les hésitations de la PJJ sur les réponses à privilégier, entre renforcement des dispositifs de droit commun et prise en charge spécifique.

S’agissant de la mission « Outre-mer », notre collègue Thani Mohamed Soilihi s’est plus particulièrement intéressé, cette année, à la situation des juridictions judiciaires outre-mer, en écho aux travaux en cours de la mission de la commission des lois sur le redressement de la justice.

Il a mis en exergue une organisation atypique et différenciée des juridictions ultramarines de premier degré, et des difficultés de gestion liées à leur éloignement, à un environnement juridique et culturel distinct, aux difficultés d’affectation des magistrats et des personnels de greffe, ainsi qu’aux contraintes climatiques sur les bâtiments et les équipements.

Enfin, il a souligné la nécessité de tirer les conséquences législatives de récentes décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité.

Lors de l’examen des crédits de la mission « Pouvoirs publics », notre collègue Jean-Pierre Sueur a souligné que la quasi-totalité des pouvoirs publics participaient à l’effort de maîtrise de la dépense, leurs dotations étant toutes reconduites en euros courants, à l’exception de celle du Conseil constitutionnel.

Cette dernière augmentera de 38 % en 2017, après avoir diminué pendant sept exercices consécutifs, afin de permettre le bon exercice par le Conseil constitutionnel de ses missions électorales au cours d’une année exceptionnelle durant laquelle se dérouleront trois élections nationales, mais également pour renforcer de manière pérenne ses effectifs ainsi que les échanges internationaux avec d’autres cours constitutionnelles.

S’agissant de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », notre collègue Jacqueline Gourault a souligné la nécessité d’une réforme de la dotation globale de fonctionnement par un texte de loi spécifique qui tienne compte des bouleversements en cours de la carte intercommunale. Elle a également appelé de ses vœux une réflexion sur une évolution du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales.

Le président Philippe Bas a, quant à lui, demandé que soit mis un terme à la baisse des dotations de l’État qui conduit à une déstabilisation budgétaire des collectivités territoriales, en particulier des communes et des départements. Il a rappelé que ces dotations n’étaient pas des libéralités accordées par l’État aux collectivités territoriales, mais qu’elles visaient à compenser les transferts de compétences de l’État auxdites collectivités ou la suppression d’impôts locaux.

Enfin, lors de l’examen des crédits de la mission « Sécurité », Alain Marc et moi-même avons relevé les augmentations de moyens de la police, de la gendarmerie et de la sécurité civile, dans un contexte marqué par les attentats de 2015 et 2016.

Alain Marc a évoqué les nombreuses manifestations spontanées de policiers organisées, hors de tout mot d’ordre syndical, à la suite de l’incident survenu à Viry-Châtillon le 8 octobre dernier.

J’ai pour ma part salué l’annonce par le Gouvernement de la mise en œuvre d’un projet de système de gestion opérationnelle unifiée pour uniformiser au niveau national les logiciels équipant les plateformes de traitement des appels d’urgence au 18. J’ai toutefois déploré que le ministère chargé de la santé conduise en parallèle son propre chantier.

Tel est le tableau, aux touches nécessairement impressionnistes mais que j’espère colorées et vives, des principales observations formulées par les rapporteurs pour avis de la commission des lois.

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