Intervention de Hugues Portelli

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 23 novembre 2016 à 9h40
Projet de loi de finances pour 2017 — Mission « justice » - programme « administration pénitentiaire » - examen du rapport pour avis

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli, rapporteur pour avis :

Nous avons eu l'occasion, hier, de discuter avec le garde des sceaux. N'étant pas à la commission des finances, je vous invite à vous reporter à mon rapport si vous voulez des chiffres.

Mon rapport dénonce les politiques publiques en matière pénitentiaire. Comme disait Churchill, ce n'est pas personnel, mais professionnel ! Je trouve en effet que nous avons un très bon garde des sceaux ; le malheureux, hélas, est plombé par le bilan des années précédentes, lesquelles ne commencent pas, d'ailleurs, en 2012. Il est obligé de mettre des cautères sur des jambes de bois.

L'état du patrimoine immobilier est catastrophique. Dans bien des endroits, le patrimoine ancien est devenu totalement vétuste. Hier, nous avons visité Fresnes ; c'est immonde, tout simplement ! On marche au milieu des déjections de rats, lesquels sont suffisamment nombreux pour qu'on puisse les saluer ! Fresnes est un cas limite, mais les prisons sont, pour la plupart, dans un état insatisfaisant. Beaucoup d'entre elles, d'ailleurs, n'ont pas été construites pour être des prisons. Pour répondre à cette situation, on a cru devoir faire, ces dernières années, des partenariats public-privé, sur lesquels mon ami Jean-Pierre Sueur et moi-même avons donné un avis définitif. Non seulement on confie à des entreprises privées le soin de construire les prisons mais, surtout, on leur confie la gestion de ces établissements. Résultat : lorsqu'on rencontre des problèmes de construction, ce sont les personnels de l'entreprise qui se chargent de l'évaluation, puisqu'il n'y a plus de services techniques internes aux prisons pour le faire. Inutile de vous dire que c'est fait a minima !

Le directeur de la prison de Poitiers, qui a été construite en dépit du bon sens, a ainsi estimé que le montant des pénalités à infliger à l'entreprise Bouygues s'élevait à 1,3 million d'euros. Après une remontée du problème au niveau du ministère, ces 1,3 million sont devenus 15 000 euros. Il y a un petit problème, c'est le moins qu'on puisse dire !

Les crédits affectés aux travaux dans les prisons ont beau avoir augmenté, ce sera insuffisant : il faudrait y ajouter un zéro pour que ça commence à faire sens ! Et, quoi qu'il en soit, aurions-nous les entreprises et les régies pour accomplir ces travaux ? Je n'en suis même pas certain.

Deuxième problème : celui du personnel pénitentiaire. Certes, le budget augmente, et de façon significative. Mais, comme je le disais hier au garde des sceaux, le personnel de l'administration pénitentiaire, c'est le tonneau des Danaïdes ! Les emplois créés ne sont jamais vraiment pourvus. L'administration pénitentiaire, en effet, c'est le cadet de la fonction publique régalienne. Les candidats aux concours passent également ceux de la police et de la gendarmerie, et l'arbitrage se fait toujours au bénéfice de ces deux dernières administrations. Même pour ceux qui réussissent les concours de l'administration pénitentiaire, il s'agit bien souvent d'un choix par défaut, et cette administration sert de pont vers d'autres administrations. Résultat : beaucoup d'inscrits ne se présentent pas au concours, beaucoup d'admis n'entrent jamais en fonction ou, s'ils le font, s'en vont au bout d'un an ou deux, parce que le métier est trop difficile et souffre d'un problème d'image.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion