Intervention de Cécile Cukierman

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 23 novembre 2016 à 9h40
Projet de loi de finances pour 2017 — Mission « justice » - programme « protection judiciaire de la jeunesse » - examen du rapport pour avis

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman, rapporteure pour avis :

Plus qu'une analyse chiffrée du budget de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), je me bornerai à quelques remarques et orientations d'ordre général.

Le budget de la PJJ augmentera encore en 2017, suivant ainsi la dynamique engagée depuis 2012. Alors que l'administration de la PJJ avait été fortement touchée par la révision générale des politiques publiques, le plafond d'autorisation d'emplois du secteur public reviendra ainsi au niveau de 2008, essentiellement grâce au plan d'action contre la radicalisation et le terrorisme. Le garde des sceaux a indiqué hier que ce plan visait, par l'attribution de nouveaux moyens, à renforcer les services de la PJJ de droit commun pour leur permettre « d'avaler l'extraordinaire ».

La direction de la PJJ affiche la volonté d'assurer la continuité du parcours du jeune pris en charge et de faire du milieu ouvert le coeur de son intervention éducative. Reste que les moyens manquent pour répondre pleinement aux missions du quotidien, par exemple pour couvrir les frais de fonctionnement liés aux déplacements du jeune et de sa famille.

La PJJ renforce par ailleurs son partenariat avec le secteur associatif habilité par un effort budgétaire sensible et la déclinaison au niveau interrégional de la charte nationale d'engagements réciproques signée en 2015 - à ce jour, seule une charte interrégionale reste à signer. Ce partenariat devra être évalué. Sur le terrain, j'ai pu ainsi constater une amélioration du dialogue entre la PJJ et le secteur associatif habilité, dans le but de diversifier l'offre de prise en charge des jeunes, en milieu ouvert comme en milieu fermé.

Le secteur associatif habilité continue toutefois de déplorer son rôle d'exécutant des actions menées et sa faible association à l'élaboration des politiques territoriales, alors même qu'il est souvent au coeur de l'organisation de l'offre éducative. Autre nécessité : sécuriser ses financements par une budgétisation plus fine en amont plutôt que par des régularisations en aval. Les associations reconnaissent la tutelle légitime de la PJJ mais souhaiteraient sortir de ce rapport de donneur d'ordres à exécutant, au profit d'une plus grande complémentarité entre les acteurs.

Cette situation complexe nuit à la qualité de l'offre éducative et fragilise le travail des magistrats, en les plaçant le plus souvent dans une position de comptable des mesures et des places disponibles plutôt que de décideur de la meilleure réponse à apporter aux jeunes. Nous devons tendre au sur-mesure par des actions éducatives innovantes et diversifiées, et poursuivre le travail avec les autres acteurs de la jeunesse, en l'articulant avec la protection de l'enfance menée par les départements, l'insertion scolaire et l'insertion professionnelle.

Enfin, s'agissant de la prise en charge de la radicalisation, on constate une augmentation du nombre de jeunes radicalisés ou en voie de radicalisation confiés à la PJJ. Il faut ici distinguer les jeunes suivis du fait de leurs propres actions de ceux pris en charge en raison de la radicalisation de leurs parents : ces derniers étaient 48 au 1er août 2015, mais 146 au 1er août 2016. La réponse, en cours d'élaboration, doit être consolidée sur le terrain.

La spécialisation des établissements ou du personnel n'est souhaitée par personne. Il faut continuer à travailler pour garantir la professionnalisation des acteurs et la singularité de la prise en charge sans stigmatiser les jeunes.

L'évaluation de la radicalité et de la dangerosité des individus reste une difficulté. Cela nécessite du temps de formation des personnels, et des échanges de pratiques afin de favoriser la montée en qualification.

En raison de la compétence nationale du Parquet de Paris en matière de terrorisme, les juges pour enfants de Paris sont confrontés à la hausse du nombre de mineurs radicalisés, ce qui allonge le traitement des autres dossiers. Un seul poste supplémentaire a été budgété en 2017 : c'est insuffisant. Je crains que la justice se consacre à ce phénomène brûlant au détriment du reste, et que la réponse apportée plus largement à tous les jeunes qui ont besoin d'être aidés dans leur réinsertion et leur réconciliation avec la République et ses institutions en pâtisse.

Sous ces réserves, j'émettrai un avis favorable aux crédits de ce programme.

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