Intervention de Michel Forissier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 22 novembre 2016 à 17h45
Projet de loi de finances pour 2017 — Mission « travail et emploi » - programmes « accès et retour à l'emploi » « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » « amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » et « conception gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » - compte d'affectation spéciale « financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » examen du rapport spécial

Photo de Michel ForissierMichel Forissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

J'aimerais vous faire part de deux points d'inquiétude.

Le maintien du chômage à un niveau élevé et l'échec des négociations entre les partenaires sociaux pour conclure une nouvelle convention d'assurance chômage en mai dernier rendent très inquiétantes les perspectives financières de l'Unédic, surtout en cas d'augmentation des taux d'intérêt. La dette s'élevait à 25,7 milliards d'euros en 2015, elle devrait atteindre, selon les prévisions du budget pour 2016, 41,4 milliards d'euros en 2019, à réglementation inchangée, soit treize mois de recettes. Si cette dette avait été cantonnée à 5 milliards d'euros pendant la crise économique de 1993 et avait avoisiné 14 milliards d'euros en 2006, elle ne cesse de se creuser depuis 2009.

Les partenaires sociaux souhaitent faire jouer un rôle contracyclique à l'assurance chômage. Or aujourd'hui cette stratégie n'est plus tenable, car même si notre pays retrouvait une croissance forte, il faudrait une dizaine d'années d'excédents conjoncturels pour apurer la dette. La laisser filer, c'est interdire toute marge de manoeuvre à l'assurance chômage, c'est confier le fardeau de son remboursement aux générations à venir et c'est s'exposer à des frais importants le jour où les taux d'intérêt remonteront.

J'ai l'impression que nos collègues de l'Assemblée nationale n'attachent pas assez d'importance à ces points. J'ai alerté la ministre, qui m'a répondu que les services de l'Unédic « ont la capacité de faire face ». Dans une stratégie globale de désendettement de l'État, il me semble pourtant que le Gouvernement doit « booster » les partenaires sociaux et mobiliser la réflexion pour résorber la dette, ou du moins stopper sa progression.

Mon autre sujet d'inquiétude - la Cour des comptes l'évoque, ce n'est pas une lubie de ma part - concerne l'accès des jeunes à l'emploi. S'agissant de la Garantie jeunes, j'étais en faveur d'une année supplémentaire d'expérimentation, non pour retarder la généralisation du dispositif, mais pour le parfaire. Car il entraînera des dépenses supplémentaires pour les collectivités locales. Or elles ne peuvent à elles seules pallier les carences de l'école républicaine. À en croire le dernier rapport du Conseil national d'évaluation du système scolaire, l'école ne lutte pas contre les inégalités sociales et familiales, elle les renforce à chaque étape de la scolarité. On ne peut guère parler de réussite...

Le défi est donc majeur pour notre pays car, selon les données du Gouvernement, plus d'un million de jeunes entre 18 et 25 ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation. Pire, le dernier panorama de la société que l'OCDE consacre à la France, publié en octobre dernier, a démontré que le pourcentage des jeunes âgés de 19 à 29 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, est passé 14 % en 2008 à 16,6 % en 2015. L'Allemagne, au même niveau que nous en 2005, a vu son taux baisser à 9 % en 2015.

Notre pays compte aujourd'hui 1,8 million de jeunes sans emploi et sortis du système éducatif, soit 270 de plus qu'en 2008. L'OCDE estime le coût de l'inactivité des jeunes à 1 % du PIB en France. C'est un sujet qui doit donc être au coeur de nos préoccupations.

J'ignore quel sera l'impact de la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, mais il est clair que les dispositifs d'accompagnement intensif des jeunes éloignés du marché de l'emploi seront toujours un pis-aller tant que l'on n'aura pas réformé en amont et en profondeur l'école et la formation professionnelle. Je regrette que ma proposition de loi sur la refondation de l'apprentissage n'ait pas été reprise dans la loi « El Khomri ».

Pour conclure, je salue l'excellent rapport de nos collègues. Je partage, dans leurs grandes lignes, ses analyses.

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