Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, au terme de la discussion générale sur le projet de loi de finances pour 2017, nous en venons aux conclusions.
Comme M. le président du Sénat vient de le rappeler, la commission des finances a adopté une motion tendant à opposer la question préalable, en application de l’article 44, alinéa 3, de notre règlement. Il s’agit, pour reprendre les termes de cet article, de signifier que le Sénat « s’oppose à l’ensemble du texte » qui nous est soumis.
Depuis le début de nos travaux, j’ai entendu, de la part notamment de M. le secrétaire d'État, mais également de certains orateurs, qui, d'ailleurs, ne se sont pas présentés aujourd'hui, que le Sénat refuserait de faire son travail, que rejeter le texte signifierait qu’il n’y aurait pas d’examen, dans notre assemblée, du budget de la France ou encore que nous n’assumerions pas nos responsabilités.
S’opposer au budget pour 2017, tel qu’il nous est présenté par le Gouvernement, c’est précisément prendre toutes nos responsabilités.
Je ne reviendrai pas sur les arguments que vous trouverez dans le texte de la motion, je les ai déjà développés devant vous ; ils concernent l’imprudence des estimations de recettes, les sous-budgétisations de dépenses et la surévaluation de certaines économies, dont certaines sont, d'ailleurs, jugées irréalistes par le Haut Conseil des finances publiques. Celui-ci vient encore de confirmer son analyse lors de l’examen du collectif budgétaire pour 2016. Nous ne croyons pas au retour à un déficit de 2, 7 % du produit intérieur brut en 2017, compte tenu des impasses budgétaires de ce projet de loi de finances.
Nous proposons cependant de rejeter ce budget non pas seulement parce qu’il serait insincère, mais aussi parce qu’il traduit des orientations que nous désapprouvons.
Après un quinquennat sans modération fiscale, particulièrement pour les ménages et les familles, après une dernière mesure à visée électorale sur l’impôt sur le revenu, l’incidence budgétaire des baisses d’impôts promises pour les entreprises est reportée. Néanmoins, ces mêmes entreprises sont mises à contribution pour boucler l’année 2017 par de nombreux acomptes qui sont de purs artifices comptables. L’attractivité de la France, notamment de la place de Paris, est mise à mal par la nouvelle taxe sur les transactions financières journalières. Et l’on pourrait multiplier les exemples.
Du côté des dépenses, le présent projet de loi de finances fait s’envoler la masse salariale de l’État, avec une hausse de 4 % des crédits de personnel, qui annihile tous les efforts réalisés jusqu’à présent, notamment par la précédente majorité. La hausse du point d’indice de la fonction publique qui a été décidée en mars 2016 et les mesures catégorielles, par exemple pour le personnel enseignant, ne se sont accompagnées d’aucune décision de nature à réduire les effectifs de la fonction publique. Les collectivités territoriales, qui voient leurs dotations se réduire toujours davantage, supporteront quant à elles 700 millions d’euros de dépenses supplémentaires dans la fonction publique l’année prochaine.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez affirmé que nous ne proposions rien. Pourtant, depuis 2014, le Sénat a fait nombre de propositions concrètes. Auparavant, sous une précédente majorité, le Sénat avait, par deux fois, rejeté le projet de loi de finances et remis une « copie blanche ». Nous avons, l’année dernière et la précédente, formulé nombre de propositions, et vous le savez parfaitement.
En matière fiscale, par exemple, nous avons, l’an passé, adopté des amendements pour relever le plafond du quotient familial, réduire l’imposition des classes moyennes, aider nos agriculteurs ou encore nos entreprises, avec la prolongation du suramortissement Macron. Nous avons également réduit, à hauteur de 1, 6 milliard d’euros, la baisse de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, pour les collectivités locales. Le Gouvernement a rejeté toutes ces initiatives, dont le coût s’élevait à 5 milliards d’euros.
Et encore avions-nous, contrairement à ce que propose le Gouvernement dans ce projet de budget, parfaitement gagé ces baisses d’impôts par une réduction correspondante de la dépense… Nos amendements de crédits visaient ainsi à augmenter la durée du temps de travail dans la fonction publique, à rétablir des jours de carence, à réduire le nombre de contrats aidés dans le secteur non marchand, de manière que les économies atteignent 5 milliards d’euros.
Qu’en était-il resté après examen par l’Assemblée nationale ? Rien !
Aujourd’hui, le Gouvernement affirme que le budget que nous avions voté l’année dernière était un peu bancal et sans doute inconstitutionnel ; effectivement, nous avions dû rejeter les crédits de certaines missions, comme nous l’avons d'ailleurs fait cette année en commission.
Monsieur le secrétaire d'État, vous nous confirmez ainsi qu’une stratégie budgétaire ne peut s’inscrire que dans une politique publique conçue comme un ensemble et que le cadre fixé par la Constitution et la loi organique relative aux lois de finances permet aux parlementaires non pas de présenter un réel contre-budget d’ensemble, mais tout au plus de procéder à des ajustements. Or nous ne voulons pas nous contenter d’ajustements qui marqueraient un quelconque assentiment aux choix budgétaires du Gouvernement et donc à un budget dont la sincérité est plus que contestable.
Évidemment, cette année, le Sénat n’apportera pas d’améliorations à la qualité de la législation, comme il s’attache traditionnellement le faire. Mais, pour paraphraser le président de la commission des lois, nous ne sommes pas le Conseil d’État. Nous sommes une assemblée parlementaire, qui exprime des choix politiques.