Monsieur le secrétaire d’État, au risque de vous surprendre, je commencerai par dire que ce projet de loi de finances pour 2017 ne manque pas d’intérêt. Il est très singulier, et n’a d’ailleurs laissé personne indifférent. On aura rarement entendu autant de qualificatifs s’agissant d’un austère projet de loi de finances : « improbable », « incertain », « jouable », selon les plus malicieux, « insincère », disons-nous avec le rapporteur général.
Selon le Haut Conseil des finances publiques, atteindre l’objectif fixé en matière de réduction des dépenses est « improbable ». Quant au niveau de déficit auquel le Gouvernement prétend parvenir, il est jugé « incertain ».
Selon M. Moscovici, qui souligne ainsi qu’il s’agit de jouer à la roulette les finances publiques de la France, ce projet de budget serait « jouable ».
Quant à la majorité sénatoriale, elle est unanime pour dénoncer l’insincérité de ce projet de budget, qui justifie en soi l’adoption d’une question préalable.
Ce projet de loi de finances est caractéristique du quinquennat qui s’achève et représente un bon résumé des erreurs commises. Il n’échappe pas à la « frénésie fiscale » – le terme, employé par de très grands journaux, a fait florès.
Ainsi le taux des prélèvements obligatoires devrait-il atteindre l’année prochaine 44, 5 % du PIB, contre 43, 8 % en 2012. Selon l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, les ménages auront subi, de 2012 à 2017, une hausse d’impôts de 35 milliards d’euros, alors même que la concentration de l’impôt sur le revenu s’est beaucoup accrue, seuls 43, 8 % des foyers l’acquittant.
Surtout, ce projet de loi de finances prolonge non seulement votre frénésie, mais aussi votre maladresse fiscale, monsieur le secrétaire d’État. Je veux parler du prélèvement à la source, que M. le rapporteur général a longuement disséqué en commission des finances. Au demeurant, nous avons amplement étudié l’ensemble des aspects de ce texte, avec tous les rapporteurs.
On a l’impression, monsieur le secrétaire d’État, que vous voulez revivre les affres auxquelles a donné lieu la demi-part fiscale des veuves ! Toutes les personnes auditionnées par la commission des finances l’ont dit : si vous les avez rencontrées, votre décision n’a pas pour autant été concertée, malgré ce que vous avez affirmé dans le cadre de la discussion générale. Se concerter, cela signifie établir un calendrier, fixer des principes et voir comment on peut bâtir, ensemble, des solutions. Tous les intervenants ont insisté sur le fait que vous les aviez informés, sans prendre en compte les obstacles techniques posés, sur lesquels nous vous avons alertés, dans le sillage de M. le rapporteur général.
La construction que vous proposez nous paraît donc virtuelle, comme d’ailleurs cette réforme fiscale dont l’envie vous prend un peu tardivement et qui de toute façon, même si elle avait été faite, aurait été reportée à l’année d’après.
Outre la frénésie et la maladresse, j’évoquerai votre inefficacité pour ce qui concerne le déficit et la dette.
Alors que le déficit devait passer sous la barre des 3 % du PIB dès 2013 et que le retour à l’équilibre budgétaire semblait programmé pour 2017, l’écart entre les promesses et la réalité sera de 70 milliards d’euros selon vos estimations. Selon le rapporteur général, il manquera entre 80 milliards et 90 milliards d’euros, et je me rallie à son analyse.
Il existe deux raisons majeures à une telle situation. D’abord, les dépenses publiques ont augmenté deux fois plus que l’inflation, et elles augmenteront encore, si on vous suit, de 7, 4 milliards d’euros en 2017. Ensuite, un doute stratégique a agité l’ensemble du quinquennat en matière de politique fiscale et économique. Le réalisme est différé, non assumé et quelquefois honteux, notamment à propos du CICE. Vous avez fait à l’aile gauche de nombreuses concessions, qui ont été accrues par l’Assemblée nationale, notamment lors de votes peu maîtrisés. Le ministre des finances a lui-même reconnu s’être fait déborder par les députés et espérer que les sénateurs viendraient corriger la copie !
Monsieur le secrétaire d’État, à la confusion dans la présentation de ce projet de loi de finances se sont ajoutées des incohérences, qui font qu’une chatte n’y retrouverait pas ses petits ! Avec des larmes de crocodile, vous nous avez affirmé qu’il serait dommage que le Sénat ne corrige pas la copie de l’Assemblée nationale. Il est vrai que les améliorations à apporter sont nombreuses.
Le bicamérisme a bien évidemment du bon. Il suppose que la chambre haute utilise l’ensemble de ses prérogatives : il s’agit non seulement de corriger, mais aussi de refuser un texte manifestement en trompe-l’œil. Nous censurons ainsi la politique du Gouvernement, …