Serions-nous condamnés à l’impuissance ? Pour ma part, j’ai déjà déposé des amendements d’appel en ce sens.
Il me semble que la première difficulté tient à la concentration de la discussion budgétaire en un temps extrêmement réduit. Pour la première lecture, le Sénat ne dispose que de vingt jours, très denses, qui ne permettent pas un travail serein. De plus, la vision d’ensemble que ce délai réduit était censé permettre n’est en fait qu’une illusion : les mesures d’équilibre sont éclatées entre le projet de loi de finances, le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances rectificative de fin d’année, ce dernier étant systématiquement détourné de sa fonction première de rectification de l’année en cours.
Il conviendrait donc de respecter strictement la distinction entre le projet de loi de finances de l’année suivante et le projet de loi de finances rectificative de l’année en voie d’achèvement. Il faudrait également encadrer un minimum le droit d’amendement gouvernemental. Par exemple, il n’est pas acceptable que le CICE ait pu être introduit par un amendement déposé à l’Assemblée nationale le jour même de son examen.
De plus, afin d’alléger la discussion de l’automne, de nombreuses mesures d’ampleur pourraient très bien trouver leur place dans des projets de loi de finances rectificative présentés en cours d’année. Je pense notamment au prélèvement à la source, à la réforme de la DGF ou à la création du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique ».
Une deuxième difficulté tient à la monopolisation des ressources de l’État par le Gouvernement. Des institutions comme le Conseil d’État ou la Cour des comptes devraient être davantage au service du pouvoir de contrôle exercé par les chambres, comme c’est le cas chez nombre de nos voisins.
Il en va de même pour les données. Malgré plusieurs mètres linéaires annuels de documents budgétaires, il reste impossible de retracer précisément les changements de périmètre d’une mission sur plusieurs années ou de procéder à de simples calculs d’impact de réformes fiscales. La quasi-exclusivité dont dispose le Gouvernement sur les données d’État n’est pas acceptable.
Enfin, la troisième grande difficulté tient bien sûr à l’article 40 de la Constitution. Je me garderai bien d’en ébaucher une réforme en si peu de temps. Toutefois, je crois que ni la jurisprudence, qui a bourgeonné au fil du temps, ni le principe des compensations intra-mission, qui n’ont que peu de sens politiques, ne sont satisfaisants.
Il ne s’agit ici, je le reconnais, que de quelques pistes de réponse à un véritable problème de fond. Le nombre d’amendements budgétaires déposés chaque année, si élevé par rapport à celui de nos voisins, est probablement l’un des symptômes des faibles pouvoirs budgétaires de notre Parlement.
Nous espérons donc que vous aurez à cœur, monsieur le rapporteur général, en cohérence avec le raisonnement que vous nous présentez, de porter ces débats au sein du Sénat.
En attendant, parce que nous pensons que les arguments politiques ont vocation plus à alimenter le débat parlementaire qu’à l’interdire, le groupe écologiste s’opposera à cette question préalable.