Intervention de Élisabeth Lamure

Commission des affaires économiques — Réunion du 30 novembre 2016 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2017 — Mission « économie » - examen du rapport pour avis

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure, rapporteur pour avis :

en remplacement de M. Philippe Leroy, rapporteur pour avis. - Comme porte-parole de Philippe Leroy, je présenterai ces crédits en trois temps. Je ferai d'abord une analyse des évolutions budgétaires pour 2016. Je dirai ensuite quelques mots de la gestion par l'Agence nationale des fréquences (ANFR) et du déploiement de la 4G sur les bandes 700 et 800 MHz. Enfin, je ferai quelques remarques sur le déploiement de la fibre à travers le plan « France très haut débit ».

L'analyse budgétaire porte tout d'abord sur les actions n° 4 et 13 du programme 134. Elles correspondent à des sommes relativement faibles : respectivement 162 et 23 millions. Avec 162 millions de dotations, l'action n° 4 voit ses crédits légèrement augmenter, de 0,46 %, après une baisse de 6 % l'an passé. La dotation de l'ANFR est stable. Cela lui permettra d'exercer ses missions dans des conditions satisfaisantes tout en poursuivant ses efforts de gestion : de 2010 à 2015, l'agence a réduit ses effectifs, de 330 à 309 agents, stabilisé ses dépenses de personnel, mais aussi diminué ses dépenses d'investissement.

Votre rapporteur Philippe Leroy a souhaité souligner la grande diversité des missions et le grand professionnalisme avec lequel l'agence s'en acquitte. Il y voit la preuve que l'État peut rester compétent dans les domaines à forte intensité technologique sans avoir besoin d'externaliser ses interventions au moyen d'une autorité administrative indépendante. Il a notamment donné un exemple qui touche très probablement la grande majorité de la population : celui de la planification du contrôle de l'utilisation des fréquences et la garantie de leur disponibilité effective lors des grands évènements publics, notamment sportifs. Elle s'illustre ainsi chaque année lors du Tour de France, du tournoi de tennis de Roland-Garros, des 24 heures du Mans et du défilé du 14 juillet. Elle est également intervenue cette année pour l'Euro 2016.

Cette action n° 4 mobilise par ailleurs 119 millions pour la compensation par l'État des surcoûts de la mission de service public de transport postal. Il s'agit du premier exercice connaissant une compensation stabilisée en montant par rapport à l'exercice précédent depuis 2011 : son montant s'élevait alors à 242 millions.

L'accord entre l'État, la presse et la Poste de 2008, dit « accord Schwartz », portant sur la compensation accordée par l'État à la Poste et les tarifs postaux de la presse, est arrivé à échéance le 31 décembre 2015. Le conseil des ministres du 2 décembre 2015 a annoncé le niveau des augmentations tarifaires, ainsi que le montant de la compensation accordée par l'État à la Poste pour les années 2016 à 2022, en distinguant quatre catégories de presse : les titres à faibles ressources publicitaires, la presse d'information politique et générale, la presse de la connaissance et du savoir et, enfin, la presse de loisirs et de divertissements. Le Gouvernement a choisi d'agir unilatéralement, sur la base d'un rapport toujours non publié à ce jour, là où la période précédente avait fait l'objet d'un accord tripartite. Pis, alors que les accords Schwartz n'ont pas été respectés par l'État, son engagement unilatéral de décembre dernier semble également être remis en cause. Lors de son discours prononcé à la conférence des éditeurs, le 3 octobre 2016, la ministre de la culture et de la communication a reconnu, « par souci de clarté et de cohérence de l'action publique », avoir « renoncé à la création de nouvelles catégories de presse, autres que la presse d'information politique et générale ». Votre rapporteur s'étonne des manières peu orthodoxes utilisées en l'espèce par l'État, qui risquent de mettre en danger la presse professionnelle, dont la diffusion repose essentiellement sur le routage par la Poste.

L'action n° 13, quant à elle, est consacrée au financement de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Après une baisse de 45 % des crédits de fonctionnement de l'autorité pendant cinq ans, ce qui se traduit encore cette année par le besoin de crédits supplémentaires en fin de gestion, la dotation de l'ARCEP est en hausse de 9,52 % pour 2017.

La loi de finances pour 2016 a permis de rétablir les emplois de l'ARCEP à un niveau de 171 équivalents temps plein. Celle pour 2017 devrait permettre à l'ARCEP d'exercer ses nouvelles missions sans tensions financières, tout en poursuivant sa démarche de réaffectation de ses emplois vers ses missions « coeur de métier ». En effet, après la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques et l'ordonnance du 28 avril 2016, la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique confie de nouvelles missions à l'ARCEP, parmi lesquelles une mission de grande importance : celle de protéger la neutralité du net. L'augmentation du budget permettra également à l'ARCEP de financer en 2017 les coûts induits par l'élection de son président à la présidence de l'organe des régulateurs européens des communications électroniques pour cette année.

Si ces moyens supplémentaires permettent donc une mise en cohérence avec l'importance des missions qui lui sont confiées, votre rapporteur se demande néanmoins toujours s'il y a lieu de déléguer à une autorité administrative indépendante un nombre croissant de missions dont l'État devrait demeurer seul garant.

J'en viens au second point du rapport : la gestion par l'ANFR du déploiement de la 4G dans les bandes 700 et 800 MHz. La bande 800 a été attribuée aux télécommunications en 2011. L'ANFR a dû être mobilisée dans ce cadre au titre de sa mission de protection de la réception de la télévision, afin d'éviter les brouillages. Le centre d'appel de l'agence a reçu, depuis mars 2013, près de 148 000 plaintes. Elle a constaté près de 75 000 brouillages, qui ont été résolus par l'intervention d'un antenniste à la charge de l'opérateur chez le téléspectateur. À partir d'octobre 2017 et jusqu'en juin 2019, à l'occasion du déploiement de la 4G dans la bande 700 MHz, elle aura à effectuer une mission similaire. Il apparaît donc que ce sujet est sous contrôle.

L'agence a également été mobilisée, s'agissant de la bande 700, pour accompagner les téléspectateurs dans le cadre du passage, dans la nuit du 5 avril 2016, à la TNT haute définition, qui constituait la première étape de la réaffectation de cette bande. Elle a d'abord conduit une très large campagne de communication, entre novembre 2015 et avril 2016, afin d'inciter les ménages à réaliser un diagnostic et à s'équiper en conséquence. Selon l'agence, son centre d'appel aurait reçu 570 000 appels entre janvier et mai 2016. En avril dernier, 97 % des foyers avaient connaissance de cette campagne d'information, et plus de 80 % des Français considéraient ce passage à la TNT en haute définition comme un progrès. L'agence a ensuite géré la distribution de trois principaux types d'aides : une aide à l'équipement, une aide à la réception et une aide d'accompagnement à domicile pour les personnes handicapées ou âgées. Le montant distribué de ces aides au début du mois de novembre s'élevait à près de 4 millions.

En bref, selon l'ANFR, qui en a dressé un bilan en juillet dernier, ces opérations se sont traduites, en 2016, par un succès qu'il conviendra de confirmer jusqu'à l'affectation totale de la bande 700 à la 4G.

Enfin, Philippe Leroy a également souhaité dresser un bilan de la mise en oeuvre du plan « France très haut débit », dont les crédits destinés à accompagner les collectivités locales dans le financement des réseaux d'initiative publique figurent dans le programme 343. Les autorisations d'engagement de ce programme sont en augmentation par rapport à la prévision initiale : 409,5 millions contre 150 millions initialement prévus. Le Gouvernement souhaite accélérer la mise en oeuvre du plan. Votre rapporteur considère qu'une telle accélération est évidemment indispensable. Toutefois, il relève que les crédits de paiement ne seront ouverts sur ce programme qu'en 2018 ou 2019 et que, selon l'administration, d'ici à la fin de 2016, le total des décaissements devrait atteindre 158 millions, sur un total attendu de 3,3 milliards d'ici à 2022. Cela est de nature, selon lui, à nuancer le concert de louanges qui semble actuellement se faire entendre à ce sujet.

En outre, si l'objectif intermédiaire de couverture de 50 % des locaux du territoire en très haut débit en 2017 devrait être atteint dès la fin de l'année 2016, il souligne que, à la fin du premier trimestre 2016, la fibre optique jusqu'à l'abonné ne concernait que 14,6 % des foyers. Il reste donc du chemin à parcourir avant d'arriver aux 80 % de couverture en fibre optique jusqu'à l'abonné prévus en 2022.

Aussi la mise en oeuvre du plan fait-elle face à de nombreux défis. À court terme, la procédure d'instruction des dossiers de financement par l'État des réseaux d'initiative publique reste complexe : sauf à être particulièrement malin, elle relève du parcours du combattant. La commercialisation de ces réseaux, et notamment leur tarification, reste à éclaircir. L'ARCEP, qui a publié des lignes directrices à ce sujet, s'est dotée d'une approche pragmatique, au cas par cas, qui est de nature à favoriser la réussite des projets. À plus long terme, et pour les zones les plus reculées de notre territoire, se pose une question cruciale qui ne semble pas encore avoir été résolue : il s'agit de savoir quel sera le degré de mobilisation de chacune des technologies disponibles, ainsi que leur assiette géographique. Alors que la fibre reste l'objet de toutes les attentions, il conviendra de s'assurer d'une qualité de service proche, si ce n'est similaire, sans quoi l'acceptabilité de la technologie mise en place risque d'être limitée.

En définitive, force est de constater que, si le plan accélère, ses réalisations concrètes se font attendre. D'importants choix stratégiques devront être opérés à l'avenir. Il importera donc de ne pas conduire cette politique au fil de l'eau et au gré des évènements, mais de garder pour seule boussole la nécessité de répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens sur tout le territoire.

Afin d'encourager la tendance que reflète ce projet de budget, notre collègue Philippe Leroy a souhaité proposer à la commission un avis de sagesse.

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